« Dieu est grand…Dieu est grand »…ou précisément « Allah Akbar », bien sûr on n’ose pas, au moins au nom de ceux qui y croient, dire le contraire, mais justement cela relève d’une question intime, de quelque chose qui ne doit pas dépasser la conviction personnelle, c’est plutôt une question de foi et la foi est un choix personnel[1]. Alors pourquoi et chaque fois que quelques-uns commettent des actes terroristes, ils crient « Allah Akbar », Dieu est grand » ? Quels rapports entre les actes horribles de ces gens et Dieu ? Pourquoi justifient-ils toujours leurs actes par la défense ou la lutte au nom de Dieu, alors que Dieu ne leur a jamais demandé une telle chose ? Et comment peut-on faire le transfert de ce qui est purement « intime » et confessionnel » sur la voie publique et commettre au nom de quelque chose d’intime quelque chose d’ignoble ?

Je me posais la question depuis longtemps et je me suis penchée sérieusement dessus dernièrement suite à ces derniers événements qui ne cessent de cliver la société humaine en deux camps ou même plusieurs  et qui ne laissent aucun indifférent, même ceux qui ont toujours regardé les choses à distance, tout le monde et chacun de nous est aujourd’hui concerné et doit apporter, en fonction de son humble position, quelque chose d’unificateur qui puisse mettre fin à cette fracture réelle et sérieuse de la société humaine. Que pouvons-nous faire maintenant ? Justement et j’ajoute, que pouvons-nous  apporter, chacun de son coin pour panser les blessures et surtout pour se concentrer sur l’essentiel qui est capable de nous réunir ? Le problème est là, nous le savons tous et il est inutile de le camoufler ou de le « maquiller », mais la question n’est pas de « pointer du doigt » ou d’accuser l’autre d’être à l’origine ou non de la faute. La situation est déjà problématique et évidente, il faudrait surtout chercher un « remède » commun sans accuser les uns et les autres. Car, en tant qu’êtres humains, nous sommes tous voués à l’échec, à la rupture, à la fracture, mais il faudrait tenter de se relever, et non fredonner l’événement à l’infini. C’est parce que le « coupable » est toujours là, il n’a pas de couleur, il n’a pas de religion, il n’est ni le « fils », ni l’ « avocat » de Dieu et n’importe quelle société humaine, dans une telle situation, est capable de produire de  pareils types. Alors, au lieu de s’engager dans une poursuite continue ou d’une « chasse à l’homme » et de perdre énormément de son temps, il faudrait mieux chercher les racines, les fossiles de cette « mauvaise plante » et les couper, en d’autre termes, parcourir le terrain qui était fertile à de telles « naissances ».

Pour commencer, il faudrait déjà décortiquer ce « coupable » de son appartenance religieuse, de sa culture ou de son ethnie, il est tout simplement un être humain  qui a commis une erreur, un crime, une atrocité… voilà ! Mais pourquoi il a fait cela ? Pourquoi est-il passé à l’acte ? Et comment éviter que de telles erreurs ne se reproduisent ? Autrement dit, qu’est ce qui est dans notre société humaine d’aujourd’hui laisse naître et évoluer de tels individus ? qu’est-ce qui incite ces jeunes à sombrer dans un combat atroce et passer à côté de leur vie, perdre leur vie et se donner la mort en emportant avec eux d’autres âmes innocentes, qui, désirent la vie et vivent tout simplement ?

Je commence mon enquête « du côté de chez Allah ou Dieu » pour voir s’il existe une cause qui alimente ces esprits, comme le prétendent certains, un travail « archéologique » suppose justement que l’on n’écarte aucune hypothèse pour une démarche purement objective et rationnelle.

Qu’est-ce qui est dans ce coran, si on suppose que le coupable revendique et (appartient à) cette religion, a pu alimenter ses actes ?

J’ai repris mes lectures de ce livre « saint » dans deux langues différentes pour tenter de chercher des choses qui ont échappé à ma connaissance antérieure de ce livre qui a accompagné mes premières formations dans un programme éducatif où « l’éducation religieuse »[2] faisait partie des matières enseignées. Je me suis donc posée la question suivante : ces jeunes qui sont généralement nés en France et qui ont une connaissance médiocre de la langue arabe, littéraire classique et déjà complexe pour des spécialistes et linguistes, n’ont sûrement pu lire que la version traduite du « coran », je n’essaie pas du tout de légitimer leur démarche, mais seulement de creuser la question d’une manière un peu « sérieuse » et profonde ?

Le problème est qu’il existe aujourd’hui un nombre infini de traductions de ce livre (le coran) et que chacune d’entre elles prétend préconiser la vérité ! Ce que j’ai trouvé frappant dans ces quelques  versions traduites que j’ai pu consulter, ce sont les explications ou les notes de bas de page qui donnent un sens parfois « curieux » et « méconnaissable » pour expliquer le sens originel de la sourate. Alors, les notes sont parfois justifiées par les « hadith »[3], mais changent d’une version à une autre. Encore plus étrange, ce qui est indiqué entre parenthèses dans la version traduite et qui ne correspond pas du tout à la version arabe originale. L’ajout de plusieurs termes qui sont complètement inexistants dans la version arabe ! Dans tous les cas, je ne peux consulter toutes ces versions actuellement, mais j’essaie juste de relever certaines contradictions pour pouvoir creuser certaines pistes et expliquer l’inexplicable !

La plupart des sourates (et je les ai lues dans leur version originale pour éviter les traductions) confirment bien que cette religion « pointée du doigt » à chaque événement terroriste, n’y est pour rien[4]. En tout cas, un message émane de tout ce livre, l’amour, la tolérance et la solidarité et ce, malgré nos différences.

En partant justement de cette remarque, on peut réellement observer la complexité de la tâche, car il ne s’agit ici que de contradictions ou de divergences qui proviennent de la traduction, alors que dire des interprétations du sens d’une langue connue par sa complexité et sa polysémie ! La solution serait peut-être de suivre des interprétations qui ne se contredisent pas avec notre époque et qui ont été proposées par plusieurs penseurs et auteurs spécialistes de l’interprétation et qui travaillent depuis de longues années sur cette problématique.

Nous revenons toujours à la question primordiale : qui choisit et sélectionne  la référence adéquate pour former ces jeunes qui optent pour cette religion et ils ont pleinement le droit ! Mais les parents doivent être vigilants face à la pluralité d’interprétations et de versions qui sont capables parfois d’induire en erreur certains et prendre pour une « vérité divine » quelque chose qui a été parfois manipulé par le cerveau humain.

La solution serait donc de rationaliser cette voie pour pouvoir vivre pleinement dans son époque, c’est surtout de considérer cela comme un choix individuel et ne soumettre personne à une épreuve qui relève de l’intime[5]

 Il résulte de ce qui précède que ces « coupables » et malgré tous les paradoxes qui, sans surveillance et sans recul intelligent, peuvent induire en erreur et pousser ces jeunes, lisant ce livre, d’une façon superficielle et  non rationnelle dans l’idée d’un « combat saint au nom d’Allah », d’ailleurs plusieurs sourates dans le coran, le laissent entendre, sauf qu’il ne s’agit pas du même combat, car une sourate comme la suivante : 

« Combattez dans la voie d’Allah ceux qui vous combattent, et ne transgressez pas. Certes Allah n’aime pas les transgresseurs ! » (Al-Baqarah, partie 1)

Le véritable combat ne consiste pas à tuer ou assassiner les autres, mais  à dépenser ses biens pour aider les autres et combattre le savoir par le savoir, d’autres sourates le confirment :

« Et dépensez pour la cause d’Allah(le Djihad). Et ne vous jetez pas par vos propres mains dans la destruction. Et faites le bien. Certes Dieu aime les bienfaisants. »[6]

Dans une autre :

« Ne versez pas vos sangs(…) vous voilà en train de vous entre-tuer, d’expulser de leurs maisons une partie d’entre vous en prêtant main forte à leurs ennemis contre eux par péché et agression. Mais quelle contradiction ! Si vos coreligionnaires vous viennent comme captifs vous les rançonnez alors qu’il vous était interdit de les expulser. Croyez-vous donc en une partie du livre et rejetez-vous le reste ?(…) Dieu n’est pas inattentif à ce que vous faites. »[7]

La question de l’interprétation et de la traduction, bien que partielle et ne réponde pas à tous les problèmes posés à propos de ces combats aveugles, est réellement à creuser, car il s’agit bel et bien d’une formation ou une éducation bien que théologique, mais comme dans tout apprentissage, il est indispensable de sélectionner les méthodes et les moyens et adopter celles et ceux qui ne se contredisent pas avec les valeurs humaines universelles en général et les valeurs d’une cité dans laquelle on évolue en particulier. S’agissant d’un choix individuel (foi ou non foi, croyance, etc.), il est aussi important de relativiser certaines vérités qui nous apparaissent comme absolues et indiscutables.

Pour résumer, nous pouvons dire que le choix de commencer par questionner cette voie montre qu’il ne faut négliger, en aucun cas, dans ce travail de recherche qu’on peut qualifier de généalogique, des faits qui pourraient être à l’origine de ce « phénomène social » qui obligent ces jeunes à choisir une voie contraire même à l’éthique humaine.

Nous rappelons juste d’une manière nuancée que toute religion (qui reste un choix personnel) est à la base une volonté d’orienter et de codifier la vie de l’être humain et ne peut en aucun cas être détournée pour devenir un « poison » qui corrompt la société et l’induit en une haine :

« Dieu n’impose à aucune âme une charge supérieure à sa capacité. Elle sera récompensée du bien qu’elle aura fait, punie du mal qu’elle aura fait. Seigneur, ne nous châtie pas s’il nous arrive d’oublier ou de commettre une erreur. Seigneur ! Ne nous charge pas d’un fardeaulourd comme tu as chargé ceux qui vécurent avant nous. Seigneur, ne nous impose pas ce que ne nous pouvons pas supporter, efface nos fautes, pardonne-nous et fais-nous miséricorde… »[8]

Une parole combien significative et combien nous rappelle-t-elle cette prière de Voltaire dans son Traité sur la Tolérance :

« Ce n’est donc plus aux hommes que je m’adresse ; c’est à toi, Dieu de tous les êtres, de tous les mondes et de tous les temps : s’il est permis à de faibles créatures perdues dans l’immensité, et imperceptibles au reste de l’univers, d’oser te demander quelque chose, à toi qui as tout donné, à toi dont les décrets sont immuables comme éternels, daigne regarder en pitié les erreurs attachées à notre nature ; que ces erreurs ne fassent point nos calamités. Tu ne nous as point donné un cœur pour nous haïr, et des mains pour nous égorger ; fais que nous nous aidions mutuellement à supporter le fardeau d’une vie pénible et passagère ; que les petites différences entre les vêtements qui couvrent nos débiles corps, entre tous nos langages insuffisants, entre tous nos usages ridicules, entre toutes nos lois imparfaites, entre toutes nos opinions insensées, entre toutes nos conditions si disproportionnées à nos yeux, et si égales devant toi ; que toutes ces petites nuances qui distinguent les atomes appelés hommes ne soient pas des signaux de haine et de persécution ; que ceux qui allument des cierges en plein midi pour te célébrer supportent ceux qui se contentent de la lumière de ton soleil ; que ceux qui couvrent leur robe d’une toile blanche pour dire qu’il faut t’aimer ne détestent pas ceux qui disent la même chose sous un manteau de laine noire ; qu’il soit égal de t’adorer dans un jargon formé d’une ancienne langue, ou dans un jargon plus nouveau ; que ceux dont l’habit est teint en rouge ou en violet, qui dominent sur une petite parcelle d’un petit tas de la boue de ce monde, et qui possèdent quelques fragments arrondis d’un certain métal, jouissent sans orgueil de ce qu’ils appellent grandeur et richesse, et que les autres les voient sans envie : car tu sais qu’il n’y a dans ces vanités ni de quoi envier, ni de quoi s’enorgueillir.

« Puissent tous les hommes se souvenir qu’ils sont frères ! Qu’ils aient en horreur la tyrannie exercée sur les âmes, comme ils ont en exécration le brigandage qui ravit par la force le fruit du travail et de l’industrie paisible ! Si les fléaux de la guerre sont inévitables, ne nous haïssons pas les uns les autres dans le sein de la paix, et employons l’instant de notre existence à bénir également en mille langages divers, depuis Siam jusqu’à la Californie, ta bonté qui nous a donné cet instant ».



[1] « Vous avez votre religion et j’ai la mienne », sourate « les mécréants », le Coran.

[2] Lors de la formation dans cette matière, les professeurs nous expliquaient le sens du coran et des sourates avec plusieurs nuances et les points de vue étaient souvent divergents et multiples, mais ils ne nous obligeaient jamais à privilégier l’un et abandonner l’autre.

[3] Dans la religion musulmane, recueil des actes et paroles de Mahomet et de ses compagnons, à propos de commentaires du Coran ou de règles de conduite. (Les hadiths, dont l’ensemble constitue la sunna, sont le second fondement du dogme de l’islam. Les hadiths jouissant de la plus grande autorité ont été recueillis, au IXe s. par al-Bukhari et Muslim.) Dict. Larousse.

[4] « Dites (ô musulmans !) : « Nous croyons en Allah et en ce qu’on nous a révélé, et en ce qu’on a fait descendre vers Ibrahim et Ismaïl et Ishaq et Yaqoub et les Asbât, et en ce qui a été donné à Moussa (Moïse)et à Issa (Jésus) et en ce qui a été donné aux prophètes, venant de leur seigneur : nous ne faisons aucune distinction entre eux. Et à lui nous sommes soumis… » (Sourate Al-Baqarah, première partie)

[5] « Voilà une génération bel et bien révolue. A elle ce qu’elle a acquis, et à vous ce que vous avez acquis. Et on ne demandera pas compte de ce qu’ils faisaient. » (Sourate Al-Baqarah, première partie)

[6] Ibid.

[7] Ibid.

[8] Ibid.