Rien d’étonnant à ce que "Snow Therapy", le film de Ruben Östlund reçoive de multiples récompenses. Il vient bouleverser les schémas ancrés en nous selon lesquels au sein d’un couple les hommes et les femmes seraient assignés à des rôles spécifiques, complémentaires, non interchangeables. Vacances de neige dans les Alpes pour une famille suédoise venue se ressourcer dans un cadre absolument idyllique. Papa, maman, leurs deux enfants. Tomas, Ebba, Vera et Harry. 

Le bonheur familial est à son comble sur cette terrasse de restaurant perdue au milieu de sommets enneigés quand brusquement tout bascule. Une avalanche s’éveille, émerveille, avant de gronder et devenir fulgurante…Panique absolue à bord. Avalanche de cris. Ebba, Eva, Harry, appellent au secours l’homme de la famille. Sauf que Tomas qui ne contrôle plus ni sa peur, ni les mécanismes de survie qui en découlent, s’emparera illico de son portable avant de prendre la poudre d’escampette. Tout comme le capitaine du ferry qui sous l’emprise du stress sauvera juste sa peau laissant périr les élèves coréens en sortie scolaire, lors de l’inoubliable naufrage du Sewol…

Dans le cas du film, ce sera beaucoup plus de frayeur que de mal, l’avalanche s’arrêtant net. Même pas penaud, Tomas décontracté est de retour auprès des siens à l’air plutôt groggy. Quelque chose pourtant s’est brisé faisant vaciller le socle sur lequel s’était construit le couple. Ebba veut à tout prix comprendre les ressorts de cette réaction déconcertante pour gérer son insupportable stress post-traumatique. En vain. 

Tomas se mure dans un déni total pour  se protéger, au grand désespoir de sa compagne : comme une manière pour lui de gommer ce souvenir accablant, avilissant, où la détresse, l’impuissance, l’effroi étaient à leur paroxysme. Décrédibilisé, torturé, le patriarche va devoir affronter ses démons intérieurs pour tenter à la fois de  reconquérir sa famille et de se réconcilier avec lui-même…

On ne peut qu’être happé du début à la fin par ce film à la mise en scène absolument magistrale. On y retrouve  le climat des "scènes de la vie conjugale" de Bergman avec toutefois un scénario plus oxygéné dans lequel se mêlent tragique et comique. L’occasion d’assister à une forme de décryptage subtil  de ces comportements humains d’une grande complexité lors de situations de danger imminent. Tout est vraiment dans la mesure dans ce psychodrame saisissant  porté par d’excellents comédiens, en particulier Lisa Loven Kongsli dans le rôle d’Ebba.