Toujours, sinon soutenus, du moins par avance amnistiés par l’UMP, Serge Dassault et Nicolas Sarkozy voient leurs méthodes encore davantage mises à jour : 50 millions d’euros offerts par le clan Kadhafi, 53 millions retirés de coffres en Suisse, Luxembourg, Liechtenstein, &c., pour s’assurer un poste de sénateur-maire. Quelles voix s’élèvent à l’UMP (et même au PS, car on s’abstient de s’opposer trop fort au patron du Figaro) pour se désolidariser des agissements de ces deux individus ? C’est à croire que le pas vu, pas pris, et chacun ferait de même s’il était en mesure de le faire constitue le fondement de la ligne politique de cette formation. 

Non, l’UMP n’en est pas à prôner le rétablissement de l’esclavage. La droite décomplexée, forte, conquérante, doit encore tenir un tout petit compte des gogos de son électorat. Lequel ne s’empresse pas d’exonérer publiquement les méthodes de Nicolas Sarkozy ou Serge Dassault et se doute que, si l’esclavage était rétabli, tout le monde en son sein ne bénéficierait pas forcément du statut de citoyen exempté de toute tâche servile.

Récapitulons. Nicolas Sarkozy a bien sollicité des Kadhafi, aux fins « d’appuyer [sa] campagne électorale (…) un montant d’une valeur de cinquante millions d’euros .». Comme le rappelle Mediapart, Nicolas Sarkozy n’a jamais intenté la moindre action en diffamation à l’appui de sa réfutation d’un document à présent authentifié et de divers témoignages concordants. Il faudrait donc à présent soutenir que le document et les témoignages sont fondés, mais que, jamais, jamais, aucune somme n’a été sollicitée, et qu’il s’agit d’un complot du régime de Kadhafi… Nicolas Sarkozy et ses séides en sont fort capables, et pas une voix ne s’élèvera publiquement des rangs de l’UMP pour ne serait-ce qu’ironiser.

Avec Serge Dassault, sénateur et ancien maire UMP, les choses sont plus complexes puisque l’intéressé a reconnu, lors d’une conversation enregistrée, avoir consacré au moins 1,7 million d’euros pour favoriser l’élection de son successeur désigné à la mairie de Corbeil-Essonnes. Peccadille, péché véniel pour l’UMP. Le sénateur-maire pouvait faire ce que bon lui semblait de son argent de poche.

Mais, à présent, son comptable suisse, Gérard Limat, fait état de 53 millions d’euros retirés, en espèces, numéraire, de divers comptes à l’étranger. Dont 7,45 millions entre 2008 et 20012, soit des années de campagnes électorales locales ou autres. À cela s’ajoutent 4,2 millions en virements à provenant du Luxembourg à destination(s) de comptes algériens ou tunisiens d’agents électoraux… Soit plus de 57 millions d’euros dissimulés aux services fiscaux.

Qu’à cela ne tienne, silence radio à l’UMP. Et fort peu d’animateurs ou de journalistes ne vont s’appesantir sur ces sujets qui ne fâcheront nullement l’électorat et les rangs hiérarchiques de l’UMP. Juppé s’était-il prononcé sur Dassault ? Fillon ? Morano ? D’autres ?

Cela relègue l’affaire Cahuzac à un petit fait divers de nième ordre.

Serge Dassault a fini par perdre son immunité parlementaire en dépit des soutiens obtenus à droite comme à gauche de l’hémicycle sénatorial. Nicolas Sarkozy semble inatteignable, et le moins qu’on puisse dire c’est qu’en dépit des assurances du contraire émanant de l’UMP, l’Élysée ne pousse guère les feux.

Je ris (jaune) en lisant ce titre de La Tribune de Genève et du Temps : « Le comptable suisse de Dassault secoue la France ». Même celle de gauche n’est pas plus agitée que la droite, comme pourrait le redire Jacques Chirac. Notez que les déclarations de Gérard Limat sont corroborées par des relevés d’un compte Luxembourgeois. Il s’est produit au moins 33 livraisons de numéraire par le biais de la société suisse Cofinor, et ce n’est pas la police « de Manuel Valls » qui l’affirme mais la police et la justice helvètes.

Il est même loisible d’estimer que si les autorités suisses n’avaient pas fait fuiter l’affaire, ni France Inter, ni Libération n’auraient pu obtenir des procès-verbaux d’auditions. 

Il faut aussi vraiment fouiller la presse française pour retrouver cette pépite. Celle d’une magistrate, épouse d’un autre magistrat, Gilbert Azibert : « T’es allé magouiller avec Sarkozy et tout ! ». Il s’agit du magistrat qui servait de consultant à Nicolas Sarkozy, lequel ne lui aurait pas promis d’intercéder pour qu’il obtienne un poste à Monaco.

Mais qu’importe. Patrick Balkany, missi dominici (et fondé de pouvoirs ?) de Nicolas Sarkozy en Afrique, bénéficiant d’un passeport diplomatique (enfin, au moins, un, français, délivré par l’ancienne présidence), encaisse des commissions occultes provenant de fonds à Singapour et autres lieux ? Tout commentaire serait déplacé à l’UMP et si Lavrilleux (affaire Bygmalion) est remercié, nulle tentative de se séparer d’un Dassault ou d’un Balkany. Lavrilleux continue d’ailleurs de siéger avec l’UMP en tant que « membre individuel » au Parlement européen. Il y fait la bise à Rachida Dati, Michèle Alliot-Marie et Nadine Morano.

C’est tout juste si Michèle Tabarot est contrecarrée dans sa politique de placements familiaux (à des postes électifs, pour son frère).  Son autre frère, Roch, est l’objet d’une enquête judiciaire en Espagne, ses policiers municipaux indiquent être rétribués pour tracter à son profit ? Rien à redire à l’UMP.

Fin juillet dernier, le bureau des adhésions, au siège de l’UMP, a été opportunément cambriolé. On en entendra peut-être reparlé car, faute de liste centralisée, il sera possible, peu avant le prochain vote, de créer des adhésions de… longue date. Et là, oui, cela peut fâcher. Mais personne ne contestera sans doute la validité de votes Dassault ou Balkany. Au besoin, Rachida Dati versera in extremis sa cotisation nationale (elle doit déjà cinq milles euros de cotisations au groupe UMP du Conseil de Paris, et comme le dit Claude Goasguen, « ce n’est pas grand’ chose pour elle » ; bah, ce n’est rien, Jean-Michel Arnaud, de l’UMP Hautes-Alpes, doit, lui plus de sept mille euros – mais peut-être fut-il donateur du Sarkhoton…).

Il s’est quand même trouvé un hiérarque UMP pour dire (à propos de Dassault) que « un parlementaire est un justiciable comme un autre ». Il s’agit de Gérard Larcher, second personnage de l’État (après le président de la République et appelé à le remplacer en urgence), qui n’a aucune crainte pour le devenir de son mandat de président du Sénat et n’est plus candidat à une autre fonction. Forte parole !

On ne manque pourtant pas de sens commun, à l’UMP. Mais ce Sens commun a d’autres sujets de préoccupations. On y retrouve Claude Guéant et Henri Guaino et d’autres soutiens de Sarkozy plus soucieux de tactique que de débats sociétaux sur le mariage, l’homosexualité, &c. 

Ce ne seront pas les mêmes affaires qui motiveront, pour Nicolas Sarkozy, le lancement d’un nouveau parti d’appellation différente. On récupérera les adhérents Dassault, Balkany, Tabarot et consorts, mais pas le passif de l’UMP. Les caisses sociales prendront en charge les salariés sur le carreau, les banques répercuteront le manque à recouvrir sur les déposants, des fournisseurs renonceront à leurs créances, et tout repartira comme avant, en plus « propre ». Il y aura sans doute des opposants internes pour renâcler, mais on leur proposera un poste ou une fonction rémunératrice quelconque.