Bird people le dernier film de Pascale Ferran, une histoire saisissante qui se déroule dans ces lieux déshumanisés que sont les gares, les aéroports. Ces lieux de passage où se croisent sans se voir tant d’hommes de toutes origines, de tous horizons .

Le film débute par un aperçu dans toute sa splendeur de la violence du monde contemporain où métro, boulot, dodo ponctuent le quotidien de ces anonymes : réunis dans une même rame sans âme de RER, chacun des voyageurs est déconnecté du réel pour aller se réfugier dans son cocon virtuel à travers écouteurs, smartphone,  ordinateur. 

Parmi ces visages absents, solitaires, happés par leurs occupations, par leurs rêveries, il y’a celui d’Audrey, (Anaïs Demoustier), l’héroïne du film ; cette étudiante qui trime pour payer ses "études" ; elle est là à compter les heures perdues dans les transports en commun pour se rendre à son boulot de femme de chambre à l’aéroport de Roissy-Charles-De Gaulle : 40 heures par semaine. 

Pénibilité  et solitude ne font pas bon ménage : faute de mieux, Audrey la curieuse, s’évade à travers des historiettes qu’elle se raconte à partir de l’observation des traces des voyageurs . Parmi les passagers de cet hôtel, se trouve Gary (Josh Charles), un informaticien américain en transit pour Dubaï. 

Ces lieux de solitude portent en eux quelque chose de toxique, ou l’inverse, susceptible à lui seul de déclencher auprès de certains une sorte de déflagration intérieure : face aux pistes, aux ronronnements des moteurs des avions, aux lumières, à la cadence infernale, à tout ce qui renvoie à la technologie, il y a aussi ces champs épars en friche et surtout ces essaims de moineaux. 

Ces resplendissants petits bouts d’êtres  qui ne peuvent qu’émerveiller ; pleins de légèreté, d’insouciance, de bonheur, par opposition à ce carcan oppressif qui pèse de tout son poids sur Audrey ou Gary. Ces oiseaux ont comme l’air de narguer le monde avec leur liberté, leur gazouillis jouissif. Et quand on se met "à avoir peur du temps qui passe, de tout, qu’on ne sait plus comment vivre dans la fureur et dans le bruit, on a envie de faire comme le moineau" !

Briser l’armature que l’on s’évertuait pendant si longtemps à construire en refoulant frustrations et angoisses. Assouvir  l’envie désespérée de larguer les amarres. Gary ne prendra pas son avion pour Dubaï. Il laisse tomber tout le prestige que lui confère son poste et toute l’absurdité qui va avec. Il rompt via skype avec sa femme disant ne plus vouloir être "ce morceau de sucre entrain de dissoudre dans une tasse". Il veut repartir à zéro, ne plus subir le vertige broyeur de sa vie.   

Audrey au minois orné de taches de rousseur, au regard perçant semblable à celui du moineau, à force de s’émerveiller devant ces petits bouts de créatures, finira par s’engouffrer dans un de leur corps. La voilà qui nous transporte, le temps de son escapade, dans le monde animal où l’on vit "d’air pur et d’eau fraiche" ; mais il n’en est rien, les prédateurs guettent et tout s’avère aussi compliqué pour survivre . 

Après avoir plongé dans les abîmes, chacun de ces deux personnages finira par découvrir au fin fond de lui-même un capital ressources qui n’attendait qu’à être exploité. La vie est bien faite de rebondissements . Un film original empreint de poésie où se mêlent avec finesse  réalisme et fantastique. Les acteurs sont à la hauteur de leurs rôles respectifs en particulier Anaïs Demoustier. 

{youtube}wqNlDKmRqtE{/youtube}