Nous avons vu précédemment, comment certaines entreprises s’étaient imposées, au fil des années, comme les esclavagistes modernes. Mais non contentes de tirer profit de la misère humaine, ces mêmes entreprises déploient des trésors d’ingéniosité pour s’enrichir encore plus, quittes à se jouer des obligations légales de chacun des pays concernés.


    Il reste très difficile de comprendre les mécanismes de fraude de la part des entreprises, et pourtant cela s’avère édifiant dès lors que l’on s’y penche de plus près. De multiples techniques existent et vous avez tous entendu parler des paradis fiscaux, sans réellement comprendre comment il était possible d’en profiter pleinement.  Tentons donc de simplifier (les économistes pure souche ne m’en voudront pas, j’en suis persuadé, de vulgariser à l’extrême) et de comprendre ces mécanismes, qui, même lointain, sont préjudiciables à notre environnement et à notre économie.

 

 
Une situation mondialisée, illogique mais compréhensible

L’entreprise AAA, située en Chine, produit des jouets en bois. Chaque jouet a un coût de revient de 2.80 €, auquel il convient d’ajouter la marge de l’entreprise (0.20 €). L’entreprise AAA vend donc ses jouets à l’entreprise BBB, située en France. L’entreprise B assume le prix du produit (3 €), le prix du transport et de la logistique (1 €) et sa marge (2 €) pour vendre le produit à 6 €. Pour simplifier, je ne fais pas état de la T.V.A., qui on le verra, dans un prochain article, fait aussi l’objet d’un autre type de fraude tout aussi lucratif. Je ne multiplie pas non plus, par souci de simplification, les intermédiaires, qui sont autant d’échelons de fraude possible.

L’entreprise AAA réalise des bénéfices en Chine et paie donc des impôts. Il en va de même pour l’entreprise BBB, qui réalise aussi une plus-value. Tout va bien dans le meilleur des mondes me direz-vous. La situation peut se comprendre même si elle reste illogique. (Sans entrer dans le détail, je vous souligne que l’entreprise CCC, spécialisée dans la production de jouets en bois, a dû licencier ses employés, devenus peu attractifs depuis l’apparition de l’entreprise AAA. Ces employés sont depuis indemnisés et quoi qu’on en dise, le cout de cette indemnisation est bien un coût indirect de la production de AAA).

A ce stade, même si de nombreuses problématiques peuvent se poser, les entreprises respectent néanmoins la bonne marche des sociétés humaines et contribuent ainsi à leur développement.

 

Une recherche de profits à la base des dérèglements

Maintenant, imaginons (je vous assure, qu’il ne faut pas se forcer beaucoup) maintenant que les entreprises AAA et BBB souhaitent renforcer leur rentabilité et leur gain. En soin, cette ambition peut être louable si elle conduit à l’augmentation de l’activité. Mais ces deux entreprises décident de se rapprocher en créant une entreprise ABAB, dont le siège est établi dans un paradis fiscal.

Là tout change. Car si l’entreprise AAA continue de connaître des coûts de revient de 2.80 €, elle décide de ne plus faire de marge et vend donc ses produits à l’entreprise ABAB à 2.80 €. De son côté, l’entreprise ABAB va décider de supporter les frais de logistique (1 €). Rappelons que si l’entreprise est implantée dans un paradis fiscal, les marchandises elles vont toujours de la Chine vers la France sans alourdir les coûts.

Cette entreprise ABAB décide elle de s’octroyer une marge de 2.2 euros. Elle va donc vendre ses produits à l’entreprise BBB  à 6 euros. Cette dernière se décide à ne plus percevoir de marge et va proposer ses produits à la vente à 6 euros.

Au final, les entreprises AAA et BBB équilibrent leur compte bon an mal an, mais ne font plus de bénéfices et ne paient donc plus d’impôt. Elles ne contribuent donc plus au développement des sociétés humaines. Pire la société AAA n’investit plus dans la modernisation de son outil de production et les conditions de travail (déjà pitoyables) se dégradent vite.

Pour le consommateur final, l’opération est invisible et indolore. Il ne connait ni amélioration ni dégradation de son pouvoir d’achat.  Par contre d’un point de vue économique, la solution est juteuse pour les propriétaires des entreprises AAA et BBB. En effet, leur bénéfice est identique à la première solution soit une marge de 2.20 euros par produit. Mais comme le paradis fiscal en question n’impose pas les entreprises, ce bénéfice est net d’impôt.

 

 

L’exemple est simplissime mais démontre bien le processus conduisant à cette évasion fiscale. Il peut se multiplier à l’infini entre les intermédiaires et les opérations se complexifient à tel point qu’il est souvent impossible de remonter la trace de telle ou telle compagnie. Les fraudes à la TVA mais aussi à la localisation viennent encore alourdir cette facture à payer. Nous y reviendrons dans un prochain article pour faire le tour des grandes autres fraudes connues et reconnues de tous et pourtant si souvent passées sous silence.