Caricature de la venue des présidents africains pour le sommet UE/Afrique du 2 avril 2014
(dessin de Roland Polman/ RNW)
Comment l’Afrique n’a-t-elle pu profiter d’un développement économique comparable au continent asiatique ? Continent qui était pourtant dans les mêmes états de développement au beau milieu des années 1960, avec moins de ressources naturelles dans son ensemble.
Comment expliquer cet écart, grandissant au fil des décennies ?
A l’occasion du sommet Europe/Afrique du 2 avril dernier, le président Hollande a annoncé un accord d’envergure sur trois domaines précis : sécurité, développement et environnement.
Quels effets ce sommet pourrait-il avoir sur le développement de l’ensemble du continent africain ?
Retard du continent jusqu’à la fin des années 1990 : des pistes explicatives
Selon Marcus Boni Teiga, ancien directeur de l’hebdomadaire Le Bénin Aujourd’hui et co-auteur du blog « Echos du Bénin » sur Slate Afrique, « la classe politique africaine issue de l’indépendance s’est généralement occupée de maximiser ses profits personnels ». Accaparement des terres et des richesses, organisation d’un réseau oligarchique qui a concentré argent et ressources en très peu de mains. « Le paysan est considéré comme un citoyen de seconde zone ». Un système colonial renouvelé adapté dans les domaines politiques, économiques et culturels, sous une autre forme.
La plupart des chefs d’Etat autocrates ont agi ainsi, ne favorisant bien entendu ni le développement, ni la redistribution économique, ni les investissements privés, moteur du développement économique, impossible à conjuguer avec la situation politique d’aujourd’hui.
Le marché intérieur de l’Afrique et un marché qui n’épargne pas. Autrement dit, tous les salaires perçus sont directement injectés dans la consommation de divers bien. Tout cet argent frais introduit dans l’économie est une bonne source de développement pour n’importe quel Etat (rappelons à ce titre que la France a bien résisté aux premiers effets de la crise des subprimes en partie pour cela). Cependant, la consommation des ménages en Afrique est corrélée au fait qu’un produit étranger sera toujours acheté en préférence, comme gage de bonne qualité, même si cela est totalement erroné. On est dans l’imaginaire de la conscience collective.
Un autre facteur prépondérant réside dans le système agricole, limité technologiquement avec une dépendance technique vis-à-vis des machines et engrais des pays développés. Filière ou il y a également peu d’investisseurs étrangers, faute de rentabilité à court terme.
Enfin, la faiblesse de son développement réside dans le système éducatif. Système éducatif qui ne compte pas assez d’enfants scolarisés. Dans le secondaire, les études proposées correspondent peu souvent au marché du travail au sein duquel les futurs diplômés devront s’insérer. Autrement dit un système éducatif inadapté pour le milieu de l’entreprise.
Si l’on ajoute à cela l’instabilité socio-politique ainsi qu’un niveau élevé de corruption, on obtient un cocktail terrible qui entrave la réalisation de projets ou d’idées novatrices.
Cependant, cette vision est aujourd’hui à nuancer, à la lumière du développement accéléré du continent depuis la fin des années 1990.
Le sommet du 2 avril : des leviers concrets de développement ?
Tout d’abord, l’axe de la rencontre s’articule autour de trois piliers : "J’ai proposé (…) une alliance entre nos deux continents, autour de trois enjeux: la sécurité, donc la paix, mais aussi le développement, donc la croissance, et enfin l’environnement, donc le changement climatique", déclarait le président français aux côtés de la chancelière allemande, dans une conférence de presse à Bruxelles le 2 avril dernier.
Un transfert de technologie est prévu, permettant ainsi un gain de temps non négligeable pour le développement industriel du continent.
Un principe de solidarité, économique et sécuritaire a également été proposé, visant l’aide économique et la lutte contre le terrorisme. Un symbole également pour le couple franco-allemand, sachant que les troupes allemandes participent désormais à plusieurs missions en République Centrafricaine mais aussi au Mali, dans des missions de maintien de la paix.
Il y a donc de l’espoir, même s’il ne s’agit que d’annonces, tout au moins pour l’instant.
Un développement commun pour une stratégie gagnant/gagnant ?
L’Afrique n’est plus ce continent délaissé ou sous développé.
Loin de là.
L’Afrique était le deuxième pôle de croissance mondial dans la première décennie du vingtième siècle et sera peut-être la première en cette année 2014. L’Afrique, avec sa classe moyenne de 120 millions d’habitants, est désormais l’un des moteurs de l’économie mondiale.
Il n’est donc pas étonnant de voir de nombreux acteurs étatiques s’intéresser au continent, pour ses ressources ainsi que son potentiel de développement.
La dynamique des échanges, très peu présente dans les années 1960, représentait seulement 10 milliards de dollars en 2000. Ils ont été multipliés par vingt en dix ans.
Les exportations de l’Afrique sont plus importantes aujourd’hui vers le Brésil, l’Inde et la Chine que l’UE.
Le Brésil a triplé sa représentation diplomatique ; auparavant le pays était beaucoup plus orienté vers les pays lusophones. L’Inde a organisé un large réseau de PME de toutes tailles pour ses accords bilatéraux avec le continent africain et cette stratégie semble très bien fonctionner.
Ceci explique cela. Quand des pays émergents ont centré une partie de leur développement vers l’Afrique, les parts du marché français sont passés de 16 à 8% en dix ans. Notre pays n’a donc pas assez pris la mesure des évolutions du continent ces vingt dernières années.
Espérons que ce sommet sera le moyen permettant de remettre l’Afrique au cœur du développement français, comme partenaire privilégié, sachant qu’avec notre proximité culturelle, linguistique et géographique, la France ainsi que l’Europe ont une très belle carte à jouer.
La dynamique souhaitée centrée sur le développement mutuel, reste sans conteste une idée à développer, notamment dans des espaces hyper-connectés et mondialisés.