Dénoncez-nous ces sans-papiers qui s'avisent de vouloir chercher du travail, quel toupet ! Comme le répète souvent le colonel (de réserve) Hortefeux (© Vive le Feu!), "ils ont vocation" à ce qu'on les foute dehors, oui! 25 000 par an, tel est l'objectif fixé par le guide pour éliminer la marchandise humaine d'importation illégale, et ainsi redresser la France, tant on sait bien que tous les problèmes de notre beau pays se règleraient comme par magie si on comprenait qu'on ne peut décidément pas accueillir toute la misère du monde, et qu'on ne serait en outre pas plus mal entre blancs – risette aux lepénistes ! Alors il faut bien les trouver quelque part, ces fichus sans-papiers à expulser.
Pas toujours facile : certains tentent de jouer les monte-en-l'air pour échapper à nos braves fonctionnaires de police qui ne font que leur devoir, le plus humainement possible (quitte à tabasser les récalcitrants jusqu'à bord des avions, faut ce qu'il faut). Alors quand l'une se jette par la fenêtre et que l'autre s'écrase en bas du balcon, ça fait un peu désordre – et aussi gueuler les taffioles droits-de-l'hommistes de la gauche caviar-bobo-nord-coréenne. Mais ça, on s'en fout : faut bien en finir avec mai 68, pas vrai ? Devant les Restos du coeur, ça avait bien marché, à l'école aussi. On arrêtait des grands-pères chinois venus chercher leurs petits-enfants, et puis on est passé directement aux enfants de 7 ans qu'on vient chercher à l'intérieur du sanctuaire scolaire, direction le centre de rétention administrative, hop ! Et le cas échéant, n'hésitons pas à séparer une gamine de trois ans de sa mère, ou à renvoyer des réfugiés politiques vers la mort, parce que l'humanité a les limites de la fermeté, hein ! C'est sûr que cette chasse aux sans-papiers crée en Sarkozie une ambiance particulière, décrite ainsi sur son blog par Didier Jacob du Nouvel Obs : "Vendredi dernier, dans Libération. Une prof de philo s’écrie : «Ça devient invivable Belleville ! On ne peut plus sortir ses enfants sans qu'ils soient témoins d'une rafle et ça peut être les parents de leurs copains». C’était après l’échauffourée musclée de la rue Rampal. Libé : «Plusieurs écoliers ont essuyé des gaz lacrymogènes.» Les mères en première ligne : «J'ai un fils de cinq ans. Il est terrorisé», dit l’une d’elles. «C'était d'une extrême violence», raconte une autre. « Il y a des enfants qui pleurent encore aujourd'hui.» Ce qui embarrasse le candidat Sarkozy, c’est, à l’évidence, le mot plutôt que la chose. Rafle, pour les souvenirs que ça évoque, plutôt que rafle, pour la réalité que ça induit." Vu comme ça, c'est vrai que c'est moyennement glamour. Mais avec notre nouvelle trouvaille, on joue sur du velours. Utiliser les services de l'ANPE et des ASSEDIC comme auxiliaires de police, quelle idée mirifique ! C'est l'application de la loi Sarkozy sur l'immigration et l'intégration du 24 juillet 2006, décret datant du 11 mai 2007 : depuis le 1er octobre, les agents ANPE et Assedic ont reçu l'ordre d'envoyer "systématiquement" aux préfectures une photocopie des titres de séjour et travail des demandeurs d'emploi étrangers pour vérification, selon des documents rendus publics mardi 16 octobre par les syndicats Sud, FO et CGT. Lesdites photocopies seront transmises chaque jour par envoi recommandé avec accusé de réception aux Préfectures de département. "Le gouvernement enjoint l'ANPE et les Assedic à la délation", vitupère Sud ANPE dans un communiqué dénonçant une "chasse à l'étranger". Denis Lalys, de la CGT Unedic, n'est pas moins indigné : "Le pire, c'est qu'on nous a demandé de rien dire aux demandeurs au motif que nul n'est censé ignorer la loi", précise-t-il. Et alors ? Tous les moyens sont bons. Ces gens-là n'ont pas le sens de l'efficacité. L'immigré qui vient naïvement s'inscrire à l'ANPE, s'il s'avère qu'il n'est pas en règle, zou, retour à Bamako ! On l'aura bien eu. Et pas de danger que l'opinion publique ne se mobilise trop cette fois : avec TF1, L'Express, Le Point ou Le Figaro, on l'a suffisamment travaillée au corps pour qu'elle réponde avec une belle majorité à OpinionWay qu'elle n'est pas choquée qu'on démasque les profiteurs et les assistés et qu'on les renvoie chez les sauvages !
L'illustration représentant l'écolier sans-papiers vient du Journal des socialistes de Clichy-sous-Bois.