Comme plusieurs, j’ai suivi dans les journaux, la télévision et autres média le fameux cas de Guy Turcotte qui a créé une véritable panique morale partout au Québec. Bien que le cas soit une tragédie pure et dure, je crois qu’une partie de notre confusion et notre mécontentement ne vient pas de l’évènement. La majorité de la population n’a pas eu le même regard sur l’évènement que le système pénal, créant controverse. Mais pourquoi la conclusion que les tribunaux ont donnée précédemment n’a pas été celle désirée par le public québécois ? Puisque le cas de M. Turcotte va aller en appel en  début janvier, je vais vous expliquer la méthode que les médias ont utilisée pour définir et raconter l’évènement, dans le but d’avoir le plus de sensationnalisme.

 

Notre conception du bien et du mal se fait par l’entremise d’un ensemble de normes. Nous avons d’une part les normes légales, qui désignent ce qui légal et déviant. Nous avons également des normes culturelles qui désignent l’opinion de la population sur ce qui est bien vu, et ce qui ne l’est pas, la marginalité. Les médias, source première d’information du peuple, contrôlent ces normes culturelles, alors que le système pénal, contrôle les normes légales. Habituellement, ce qui est mal vu culturellement est également mal vu judiciairement. Mais il arrive parfois que les 2 aillent dans des chemins séparés. Les médias, à la recherche de sensationnalisme, d’une histoire simple, mais divertissante, vont parfois expliquer l’évènement de leur propre façon. 

Nous connaissons tous l’histoire du petit chaperon rouge. Une jeune fille se balade dans les bois et rencontre un loup lui demandant où va-t-elle. Naïve et pleine de confiance, elle lui donne les directions jusqu’à sa grand-mère. Nous connaissons tous la situation morbide qui s’en suit et le sauvetage miraculeux du chasseur qui passait par là (tout dépendant de la version). Les médias présentent les évènements criminels semblablement à un conte de fées. Un méchant s’attaque à une victime, le héros châtie le méchant et ils vécurent heureux. Le méchant est le mal incarné, le héros est le bien incarné. À la fin du conte, le destinataire est satisfait et apprend une leçon selon laquelle, les méchants sont toujours punis.

Nous avons tous une perception de l’utilité du système pénal. Combattre le crime, châtier les méchants, protéger la populace. Un peu comme un héros de conte pour enfants qui protège notre victime insouciante, naïve. Celle qui représente l’espoir, l’exemple et le futur de notre monde. Une victime que l’on peut comparer à notre héritage, ce que l’on doit protéger et préserver. 

 Ce héros représente et défend nos valeurs avec sa force coercitive et dissuasive. Sa mission est de créer une fin heureuse en s’attaquant au méchant. Cet être machiavélique et psychopathe. Nous avions  le méchant parfait, il représentait tout ce que nous détestions. Il était un symbole de réussite sociale et professionnelle, il était brillant et  il a tué ses propres enfants pour s’attaquer indirectement son ex-femme. Les victimes parfaites. Il était sorti vivant de la situation et avait de l’avis de plusieurs, il avait été assez rusé pour trouver une façon de passer en les mailles du filet. Nous adorions avoir  ce bouc-émissaire, qui était notre cible et dont on devait avoir peur de s’associer et de défendre, représentant le mal. 

Nous étions à l’écoute de notre histoire, attendant patiemment que le méchant soit puni. Les médias nous ont démontrer un être diabolique, machiavélique défiant les prohibitions et les valeurs les plus sacrées de notre culture créant ainsi une réaction disproportionner, le présentant comme une menace pour notre société, créant ainsi une panique morale surmédiatisée, car elle était remplie de sensationnalisme et touchait toute la population. Avoir ce type d’histoire est très payant. C’est simple, rempli d’émotion et ça touche tout le monde d’une manière ou d’une autre. Nous avons un bouc émissaire et nous avons la possibilité de le punir. Les médias ne touchent que de façon superflue les évènements, ne se concentrant que ce qui amène l’excitation chez le lecteur. Je défie  n’importe qui de simplement nommer le trouble de santé mentale de M. Turcotte ou même de me dire pourquoi le cas va en appel. La réponse est complexe, ennuyeuse et remplie de problèmes éthiques. 

Nous cherchions le mal dont on se devait de triompher. Pour ainsi justifier l’existence de nos valeurs, nos prohibitions et notre confiance en notre système. Car notre système se devait de nous représenter et punir ce que la populace préconisait comme étant une menace. Nous pensions avoir une fin heureuse lorsqu’il serait emprisonné pour une longue période, car c’est notre vision d’une justice bien rendue et d’un retour à la normale. Nous pensions que si nous mettions notre méchant en quarantaine, le problème se règlerait par lui-même, car la société serait protégée de celui qui va à l’encontre des normes. Une fin heureuse. 

Nous étions si hypnotisés par notre conte de fées que nous avions oublié que la situation était plus complexe, car punir notre méchant n’était peut-être pas la route vers la guérison de notre société et  de la perturbation sociale causée. Il faut se demander si nous sommes à la recherche de la vérité, de la meilleure façon de gérer, rééduquer le transgresseur si cela est possible. Ou si nous cherchons simplement le méchant de notre conte pour pouvoir punir et trouver notre, et ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants.