Pour ou contre la corrida ? Ce débat, continuel en France, n’a pas cessé malgré la décision du Conseil Constitutionnel de déclarer la corrida conforme à la Constitution française, en 2012. 

En témoigne une nouvelle manifestation ce dimanche 27 octobre. 

Pour comprendre l’origine de la manifestation, il faut revenir deux ans plus tôt, en octobre 2011. 

Lors d’une manifestation organisée devant les arènes de Rodhilan, dans le Gard, alors qu’une corrida avait lieu au même moment. Tout avait dérapé lorsqu’un groupe de militants (pacifistes) a décidé de sauter dans l’arène pour exprimer son indignation avant le début du spectacle. Des pro-corridas, alors présents sur les lieux, ont violemment fait en sorte de les virer. L’un des manifestants est tombé dans le coma, des femmes se sont faites déshabillées, et on pouvait dénombrer de nombreux blessés.
 
Voici une vidéo de la scène : 

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Deux ans et quelques jours plus tard, le dimanche 27 octobre 2013, la même ville de Rodhilan a décidée de programmer une corrida. 
Et évidemment, cet acte a été perçu comme une provocation et une offense envers les victimes de 2011. D’autant plus que le procès concernant l’action en justice menée par ces victimes se conclura très prochainement.
 
C’est ce contexte qui a favorisé la mobilisation d’environ 700 militants anti-corrida ce dimanche devant les arènes de Rodhilan, avant-même le début du spectacle tauromachique. 
Alain Briez, un des manifestants présents sur les lieux, raconte comment celle-ci s’est déroulée : « Nous avions rendez-vous a 10h du matin pour soutenir la cause et manifester notre solidarité pour les horreurs ayant été commises deux ans plut tôt. La mobilisation était très forte, des gens des quatre coins de la France et du monde (Etats-Unis, Belgique, Espagne) ont rallié la marche et beaucoup nous ont témoigné du soutient par le biais de lettres, messages, vidéos.. »

Mais la manifestation ne s’est pas déroulée comme prévue : « Le Maire de la commune, qui avait fait circuler des rumeurs au sujet de la légalité de notre manifestation à Rodilhan pour essayer de nous décourager, a été soutenu de manière impressionnante par M.Valls dans son action qui visait a bafouer notre droit fondamental d’expression et de protestation. Il nous ont considéré comme des marginaux extrémistes alors que nous étions pacifistes. 300 a 400 gendarmes ont été déployé pour nous empêcher d’approcher la zone, simplement pour nous empêcher de nous exprimer. Nous nous étions donc résolus a encercler, dans la légalité, le village, en nous postant a différentes zone indiquées au préalables aux autorités. La manifestation se voulait purement pacifiste »

 
© Alain Briez
 
Selon lui, la manifestation a prit un mauvais virage quand certains militants, déçus de ce non-respect de leur liberté d’expression et de manifestation, « ont décidé de passer outre les barrages des forces de l’ordre pour aller en direction des arènes, et ce, toujours sans violence, car nous ne croyons pas que le combat contre la barbarie puisse se construire par la violence. Ces hommes n’étaient pas nos ennemis, ce combat n’est pas un combat contre les forces de l’ordre mais contre la cruauté et les pratiques mafieuses qui rendent la corrida encore possible aujourd’hui. »
 
Mais les manifestants ne sont jamais arrivés aux arènes, et la corrida s’est déroulée sans encombres. L’effectif déployé par les forces de l’ordre était trop important et elles n’ont pas hésité à employer la manière forte pour calmer toute tentative de passage des militants. Comme le montre cette photo, où un gendarme cible de près des manifestants au gaz lacrymogène. 
 
© Alain Briez
 
Ou encore cette vidéo où la première scène montre un homme blessé par les coups de matraque que les CRS lui ont infligés pour ne pas avoir reculé sous leurs ordres.
 

Voici une vidéo de la scène : 

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De l’autre côté, où plutôt devrai-je dire dans l’autre camp : celui des aficionados et des pro-corridas, le constat n’est pas le même. Le contraire aurait été étonnant cela dit. 
L’Observatoire National Des cultures Taurines (ONTC), qui défend la culture de la corrida, a dénoncé dimanche soir dans un communiqué pour TF1, des « voies de fait sur plusieurs personnes » dont l’avocat de l’association Emmanuel Durand « physiquement agressé », ainsi que « des actes de vandalisme contre des véhicules d’aficionados ». L’ONCT, qui assure qu’il avait mis en garde le préfet du Gard contre le risque de troubles à Rodilhan, a dit attendre des « sanctions exemplaires ». Il s’est inquiété du risque de voir  « le parvis des arènes se transformer en champ de bataille », car les aficionados « dont la patience a été jusqu’ici exemplaire », ne sont « plus disposés à se faire agresser »
 
Mais une vidéo visionnée sur le net (techniquement impossible à partager), ne montre pas de violences, seulement une hostilité pacifique. La vidéo relate des crachats, et des doigts d’honneur, mais pas de dégradation matérielle ni d’agressions. S’il y en a eu, c’est tout à fait condamnable et regrettable, mais il ne faudrait pas s’étonner.
 

Il est en effet pertinent de se demander pourquoi les manifestants n’ont pas pu approcher la zone prévue, près des arènes ? Sans doute pour éviter tout débordement comme il y a deux ans. 

Mais il est facile de s’apercevoir que sans le pacifisme des manifestants, la mobilisation aurait pu mal tournée à n’importe quel moment. Heureusement, aucun drame n’est arrivé.
Plutôt que de contenir les militants loin des arènes, les forces de l’ordre n’aurait-elle pas eu intérêt à les contenir près des arènes, pour les laisser s’exprimer ? Il était évident que des tentatives de passage et de rapprochement allaient avoir lieu. Il n’aurait pas fallu le double de manifestants.  L’influence des politiciens semble avoir eu raison des revendications anti-corrida, puisque la manifestation a été étouffée.
 
En effet, les médias, sont passés rapidement sur les événements. Personnellement, je pense qu’il est nécessaire d’entendre ces militants et leurs revendications, qui sont sincères et justifiées : « Ce que nous revendiquons est simple. On désire des propositions de lois sur l’abolition de la corrida, on désire que le peuple ai son mot a dire, par exemple par le biais d’un référendum, parce que la majorité des français est contre la corrida ! » 
 
Que penser alors de la corrida sans mise à mort, spectacle "évolué" qui existe notamment au Portugal. Pour Alain, qui ne combat pas seulement la corrida, mais qui est aussi contre toute forme de servitude animale : « Je suis clairement contre les mauvais traitements infligés a des bêtes pour satisfaire nos petits besoins de divertissement. Je suis contre le fait que l’on torture un être sensible physiquement mais également psychologiquement. Toutefois,  je suis conscient que les changements prennent parfois du temps et que chaque progrès dans le sens de l abolition de cet esclavage est un progrès de l’humanité. En cela, la corrida sans mise à mort peut être une étape ». 
C’est exact, et il est certain qui si la corrida venait à être abolie, ce ne serait pas du jour au lendemain. 
 
Je dois avouer que je partage clairement son avis. Ces spectacles me sont insupportables. Et si je comprends qu’ils fassent partie intégrante d’une culture, je ne pense pas que ce soit suffisant, à l’heure actuelle, pour qu’ils soient conservés en France. Et je reprendrai le terme de progrès de l’humanité d’Alain. Quand il s’agit d’évoluer, il faut parfois savoir remettre en question sa propre culture et sa propre éducation. Est-ce que c’est parce qu’on a grandit dans un tel environnement que tout ce qui s’y passe est légitime, intouchable et raisonnable ? Je ne crois pas. C’est en cela que la corrida doit rapidement faire l’objet d’une remise en question concrète. Plutôt que de rester bloquer sur l’opposition pro et anti-corrida qui ne mènera jamais à rien.
 
« Je les entends rire comme je râle
Je les vois danser comme je succombe
Je pensais pas qu’on puisse autant
S’amuser autour d’une tombe…
 
Est-ce que ce monde est sérieux ? »