Le chômage, ce n’est pas du tout, du tout, un long fleuve tranquille. En fait, on espère le « récif » auquel s’accrocher pour regagner la rive. Soit la moindre offre provenant de Pôle Emploi… Hélas, hélas, non seulement elle n’est que très souvent correctement adaptée, mais il faut en sus expédier un courrier pour exposer la ou les raisons de son refus de donner suite… Bientôt – enfin ! – radié de l’ANPE, de Pôle Emploi, petit coup d’irritation teintée d’amusement à propos de la dernière offre insolite à laquelle je ne donne pas suite…

En x années et y mois de chômage indemnisé puis de perception de l’allocation spécifique de solidarité, j’ai reçu en tout et pour tout trois offres d’emplois de l’ANPE ou de Pôle Emploi, auxquelles il me fallait impérativement répondre ; ou sinon, je devais justifier que j’avais de très bonnes raisons de ne pas donner suite. Sous peine « d’être radié de la liste des demandeurs ».
Mon renouvellement du bénéfice de l’ASS vient de m’être signifié et cette fois, de nouveau, j’ai été fort bien accueilli dans mon agence.

Je m’y suis rendu directement, fort des expériences précédentes (demandes répétées par courriers successifs, contradictoires ou redondants, des mêmes pièces, déjà communiquées).
Mais je serai prochainement radié puisque, de crainte d’une nouvelle modification des conditions de départ à la retraite, j’ai quelque peu anticipé ma demande : pas question de risquer que le montant de ma retraite soit encore une fois copieusement raboté…

Deux conseils, amies et camarades chômistes, de la part d’un ancien blanchi sous le harnois…

D’un, raclez vos économies, s’il vous en reste, et avant chaque augmentation des tarifs postaux, faites le plein de timbres sans valeur faciale (les verts, puis les gris, puis je ne sais quoi de femen-isé, paraît-il, à présent). Non seulement pour vos factures, mais pour répondre aux demandes de Pôle Emploi. Une cinquantaine de timbres devrait suffire pour tenir un an ou plus. Optez pour les moins chers. Vous ne serez pas radiés si votre réponse parvient à J+4, même si des jours chômés s’intercalent.

De deux, si cela revient moins cher que de répondre en affranchissement petite vitesse au moins coûteux, allez, muni des pièces demandées, directement dans l’agence. Vous serez en général, et même le plus souvent, bien reçu, et vous épargnerez de dépenser des timbres.

C’est rarement le cas quand vous est communiquée une offre d’emploi. Certes, par types de corps de métiers, il existe des agences spécialisées. L’une, à Paris, est réservée aux journalistes. Celle-là ne vous inondera pas d’offres inadaptées. En général, il s’agit des autres, loin de votre domicile.

J’en ai reçu, en plus de quatre ans d’inscription sur la liste des demandeurs, trois de la sorte.

La première recherchait un formateur-traducteur-interprète. Je suis bien formateur (d’occasion) et traducteur (diplômé, expérimenté), mais nullement interprète. Là, il s’agissait de former des cadres aux rudiments de l’une des langues vernaculaires pratiquées au Nigeria. Donc, pour ne pas être radié des listes, réponse, timbre, envoi, &c.

La seconde était de même type, et cela tombait bien, j’ai des restes de notions d’espagnol qui figuraient sur mon cv. Problème, il s’agissait encore d’interprétariat, dans une école de couture qui allait former des hispanophones. Jouable, à condition de se taper toutes les bases Termium, du Grand Dictionnaire, &c., pour se familiariser en deux mois à la terminologie du stylisme textile, de la couture industrielle et artisanale, de la fabrication, &c. J’ai estimé que cela ne me qualifierait vraiment. Donc, formulaire, timbre, &c.

Cette fois, c’est bien une offre de rédacteur en chef adjoint qui me parvient. Qui peut le plus, peut le moins. Bac+5, ok, même dépassé. Sauf qu’il s’agit d’audiovisuel, domaine totalement absent de mon cv. En sus, tout journaliste, même stagiaire, est considéré cadre par les conventions collectives, et la qualification mentionnée est celle d’agent de maîtrise. Employé de presse, donc. Pas grave, les hauts et bas, la carrière en dents de scie, eh, on ne vas pas chipoter. Mais, argh, condition impérative : « arabe courant exigé ». Nadim bebek (pas sûr de la translittération). Certes, j’ai su, en arabe littéral, énoncer les chiffres d’un à dix. Mais hormis asma-hemshi (idem), et quelques rares autres vocables, à Tétouan ou Tanger, c’était plutôt l’espagnol qui me tirait d’affaire. Donc, formulaire, timbre, &c.

Je ne peux trop en vouloir à l’ANPE-Pôle Emploi. Après tout, les journalistes, de surcroît traducteurs, sont présumés disposer d’un vaste relationnel et le métier mène à tout. Je dispose dans le mien d’une styliste bien connue du côté du Sentier, d’origine espagnole. Mais surbookée… Cela ne l’a pas intéressée. La plupart des consœurs ou confrères présumé·e·s arabophones sont pour moi de lointains souvenirs. Quant à un formateur, même débutant, féru d’haoussa, igbo ou yoruba, là, je cale total.

Ne relayez pas d’urgence : je présume que ces trois postes sont déjà pourvus, soit de longue, soit de fraîche date.

Mais je me demande sérieusement si Pôle Emploi est sous-équipé, ne pouvant passer les cv à l’OCR (reconnaissance de caractères). On rétorquera que, désormais, pour trouver du taf, mieux vaut minorer les cv, raboter les diplômes, les postes de direction, s’abstenir de mentions superflues. Mais franchement, obliger des personnes en fins de droit à justifier par courrier que l’emploi ne leur correspond absolument pas, est-ce bien raisonnable ?
Pourquoi pas des courriers du type « Chèr·e Chômiste, si vous-même ou une personne de votre entourage… (…) si ce n’était le cas, merci de ne pas tenir compte de cette annonce » ?

Récemment, une amie s’est tapée plus d’une heure de transports en communs (et elle avait omis de demander le demi-tarif que le Stif, le syndicat des transports d’IDF, lui réserve) pour s’entendre dire que le rendez-vous n’avait plus lieu d’être car le poste était pourvu depuis l’avant-veille. Croyez-vous que ce « détail » lui aurait été communiqué ? Cette fois, Pôle Emploi n’était nullement en cause.

Pour conclure, à tout hasard, même « jeune » retraité futur à court terme, je suis prêt à reprendre du service, mais en presse écrite, et uniquement si aucune langue n’est requise hormis l’anglais (pour un anglais courant et uniquement pour traduire de l’anglais vers le français et non l’inverse). J’espère en tout cas que ma petite collection d’offres insolites ne s’enrichira pas d’ici là… Mes exemplaires sont à céder (à bas prix) : faire offre.