Gouverner en maintenant à coups de désinformations tyranniques des têtes sous l’eau n’est manifestement plus possible en ce troisième millénaire. La fièvre de la liberté sévit ; elle se propage à vive allure et plus rien ne semble pouvoir l‘arrêter. Les moutons d’hier  après avoir mangé quelque chose comme du lion sont prêts à tout pour reconquérir leur dignité et celle de leurs ascendants. Plutôt mourir debout sur la Place Tahrir ou ailleurs que vivre à genoux s’avère désormais être leur devise. 

Que reste -t-il de la révolution égyptienne ? Pas une miette de justice, ni d’égalité encore moins de prospérité. Rien que de la pénurie à gogo et d’interminables files d’attente pour acquérir le minimum vital comme le pain ou le carburant ; coupure d’électricité, insécurité galopante, hausse de criminalité viennent s’ajouter aux misères quotidiennes comme pour mieux pourrir la vie des Egyptiens devenus ces inconditionnels de liberté, de dernière minute. 

Et quand la parole se libère, que les trônes se font éjectables, gare aux dictateurs qui n’ont plus qu’à bien se tenir ! Un tiens valant mieux que deux tu auras, à Damas comme au Caire, les contestataires ne veulent même plus laisser le temps au temps ; ils rejettent toute main tendue au motif qu’elle arrive trop tard ou à mauvais escient. 

Devenus à leur tour ces inquisiteurs, ils s’insurgent devant la lenteur du processus de démocratisation, la frérisation de la société, les dérives de la nouvelle Constitution comme de l’ensemble de la politique en déliquescence. Il faut dire que dans ce climat délétère, comme à la mode libanaise, même une loi électorale peine à voir le jour, torpillant les législatives. 

Forte du soutien de l’armée exprimé par la voix du général Abdel Fatah al-Sissi, l’opposition" Tamarod" comme son anagramme matador, s‘est chargée de la mise à mort de cette présidence stérile. L’ultimatum lancé à Mohammad Morsi auquel a été opposé une fin de non recevoir, arrive à expiration sans avoir récolté l‘effet escompté. 

Malgré les marées humaines venues manifester dimanche au cri de « Irhal » (dégage) comme en 2011, le président élu à 51,7% du suffrage refuse de prendre acte de cette désastreuse impopularité ; il se repose, tranquille sur ses lauriers, faisant la sourde oreille face aux grondements de la rue. « S’ils n’ont pas de pain, ils n’ont qu’à manger de la brioche » et les Egyptiens n’ont qu’à se gaver de  « foul », (fèves) comme ils l’ont toujours fait en attendant des jours meilleurs, doit se dire le chef ulcéré. 

Encore faut-il qu‘il y ait du foul pour tous quand pour subsister, un gouvernement aux abois se doit de faire la manche auprès de ses bienfaiteurs qataris, saoudiens, libyens ; ceux-là mêmes qui en catimini tirent les ficelles pour embraser la Syrie et étendre leur hégémonie. 

Jusqu’à quand Mohammad Morsi pourra-t-il tenir tête à un dragon multicéphale qui lui réclame des comptes : mais que faisiez-vous pendant ces douze mois ? – Je priais, ne vous déplaise. -Vous priiez, j’en suis fort aise. Eh bien ! Déguerpissez maintenant ! 

Et s’il venait à exécuter les sommations qui lui sont adressées, reste à savoir quel sera le futur Zoro militaire  à la hauteur de la mission pharaonique qui l’attend : gouverner une mosaïque traumatisée par  un autoritarisme de si longue date et qui désormais refuse catégoriquement  de se laisser marcher sur les pieds.  

Alors que le navire tangue, que le capitaine continue de s’entêter, les défections de ministres se multiplient. Les porte paroles respectifs du président et du gouvernement rendent aussi leur tablier. Les Egyptiens ont touché le fond ; il est temps pour eux de remonter à la surface…