C’est l’histoire d’un détenu pas comme les autres, retrouvé  en décembre 2010 pendu dans sa cellule de la prison Ayalon près de Ramleh au sud de Tel-Aviv qui défraye la chronique. La presse australienne ne comptant pas se laisser intimider s‘est en effet emparée de l‘affaire  pour tenter d‘élucider toutes ces zones d‘ombre qui entourent les circonstances de la mort de l‘Israélo-Australien Ben Zygier. 

Agent du Mossad, il était détenu dans une prison dotée d’un système de surveillance hautement sophistiqué, celle là même crée pour Ygal Amir, l’assassin de Yitzhak Rabin. Une chape de ciment couvre l’ensemble de la période allant de février, date de son arrestation à décembre 2010, date de « son suicide ».  Il semblerait que déjà lors de son arrestation, le site israélien d’information Ynet avait laconiquement fait savoir qu’un certain Mr X était sous cadenas. Un peu moins d’une heure après, sans doute afin d’étouffer l’affaire dans l‘œuf, la publication était retirée. 

Après la diffusion le mardi 12 février par la chaîne australienne d’une enquête concernant Ben Zygier, Benjamin Netanyahu s‘est empressé de convoquer en urgence, rédacteurs en chef et propriétaires de grands médias. Et sous la direction du chef du Mossad, les journalistes ont reçu l’ordre formel de censurer toutes les informations relatives à cette affaire, en provenance de la chaîne de télévision australienne ABC. Le seul motif invoqué pour convaincre l’assemblée selon lequel de tels relais seraient susceptibles d’occasionner une « gêne considérable aux services de sécurité » n‘aurait apparemment pas eu l‘effet escompté et pour cause : certains furieux d’être muselés de force, n’ont pas manqué de s’insurger , de dire leur ras le bol " qu’on prenne les Israéliens pour des imbéciles". 

Forts de leur immunité parlementaire, des députés de l’opposition, à la grande colère d’Avigdor Lieberman, se sont attelés à cette affaire frustrante, interpellant le ministre de la justice. Oeuvrant de concert avec tous ces partisans de la liberté d‘expression, des commentateurs ont pris d’assaut la toile pour réclamer la levée de la censure au nom du bon fonctionnement de la presse. Après cette fronde,  les médias israéliens ont été finalement autorisés à publier au compte gouttes, les informations de sources australiennes. 

Cependant l’omerta qui entoure les raisons de la détention de ce ressortissant Israélo-Australien n’a pas été brisée et ne semble pas prête d’ailleurs à l’être. Arrivé en 2001 sous le nom de Ben Alon, l’avocat juif de Melbourne aurait vécu dix ans en Israël, aurait épousé une Israélienne avec laquelle il aurait fondé une famille avant son arrestation en 2010. Avancer de telles explications laconiques ne suffit pas pour calmer  la polémique qui ne cesse d’enfler autour de ce sujet. Bob Carr, le chef de la diplomatie australienne, réclame plus, notamment des éclaircissements sur  tous les dysfonctionnement qui entravent l’affaire. Par exemple « aucune demande d’assistance consulaire n’a été assurée pendant sa présumée détention ».  

Et pour les services secrets australiens qui surveillaient le profil suspect de Zygier, ce dernier était sur le point de leur  faire des révélations sur le mode de fonctionnement du Mossad, notamment sur la pratique courante de l’usage de faux passeports australiens par leurs espions. Munis de fausses identités australiennes ces espions iraient gambader tranquillement en Syrie, au Liban ou en Iran pour commettre parfois des assassinats. 

Si cette affaire a mis le feu aux poudres, elle a quand même le mérite de braquer les projecteurs sur la liberté de la presse qui pâtit lourdement de la censure. En ce monde où l’on ne cesse de déboulonner tout ce qu’on l’on croyait indéboulonnable, le secret d’Etat semble à son tour arrivé à sa date de péremption.