Bob, bof, bof… Presse pourrie (sauf Môman Mediapart), politiciens pourris (sauf l’éventuel pote de Patrice Arfi, conseiller d’arrondissement), lectorats pourris (sauf les abonnés de Mediapart), et puis quoi encore ? À quoi bon évoquer ici la dernière charge de Patrice Arfi, de Mediapart, contre Jérôme Cahuzac sous la forme de cet « Affaire Cahuzac : les dix questions qui fâchent » (et n’apportent pas grand’ chose de neuf au dossier) ? Juste pour prendre date et constater si les questions seront ou non posées par d’autres journalistes à Jérôme Cahuzac ? Pour revenir sur les suites de la cassette Méry, le procès Chirac, sans compter les autres affaires enterrées sans la moindre forme de procès ? Pour se distancer des « indignés » professionnels ? Interrogations mode for extérieur…

L’achargement – exprimons-le ainsi, pour éviter un « acharnement » qui vaudrait accusation implicite – de Patrice Arfi et de Mediapart contre Jérôme Cahuzac est-il incongru (oui, car messéant au regard des pratiques de la presse d’information de ce dernier demi-siècle, tout comme l’inattention est messéance à la magistrature,  considérait Pierre-Benjamin Lafaye) ou dérisoire ?

Ces « dix questions qui fâchent » non seulement la classe – la caste – politique mais aussi médiatique dévoilent de nouveau un sein vu et revu, ou souvent entrevu… Celui des affaires secouant un temps l’opinion, avant qu’elle s’en lasse, et de ce fait ne deviennent pas affaires d’État.

Exemple notoire, celui de l’affaire de la cassette Méry, comme le qualifie Wikipedia. Peut-être, quand l’entrée « l’affaire du compte de Jérôme Cahuzac » figurera dans l’encyclopédie en ligne, sera-t-il temps de créer des liens croisés.

Pour l’instant, le sujet est évoqué par un simple paragraphe dont la pertinence est « contestée ». On comprend mieux pourquoi les rédactrices et rédacteurs se lassent de contribuer à Wikipedia, comme l’attestent des constations récentes (et ma propre expérience).

Alors, à quoi bon ?

Confraternel appel

En exergue, Mediapart place cet avis à la profession : « Toutes les questions posées dans cet article sont libres de droit. Avis aux confrères… ». On a compris. Ce dimanche matin, Jérôme Cahuzac était au micro d’Europe nº 1 (avec i>télé, Le Parisien, pour Le Grand Rendez-vous),  il sera lundi soir face à Jean-Luc Mélenchon lors de l’émission Mots croisés de France 2. Un Jean-Luc Mélenchon si prolixe sur son blogue mais qui, pas davantage que Marine Le Pen, n’a jugé bon jusqu’à présent d’évoquer cette affaire de présumé compte à l’étranger de l’actuel ministre, compte censé remonté au temps où il était chirurgien-capilliculteur.

Si les questions, dont j’épargne le détail aux visitorat de Come4News, qui en connaît la teneur (voir nos précédents articles), ce sera bien la preuve que… connivence et complaisance sont les deux mamelles de la presse actuelle ? En tout cas à l’endroit, voire l’égard, du ou des pouvoirs.

« Nouvel » élément, le parquet de Paris a bien accusé réception de la communication de Mediapart qui lui a signalé l’opportunité d’ordonner un réquisitoire supplétif ou d’ouvrir une procédure de mise à disposition, voire de défèrement du citoyen Cahuzac, Jérôme. « Réponse sera donnée ». Aussi vite que celle de l’Union des banques suisses, au courant de l’affaire depuis plus d’un mois à présent ?

Sans chercher à contraindre Jérôme Cahuzac à poursuivre Michel Gonelle pour diffamation, Fabrice Arfi suggère qu’une plainte soit déposée pour « faux et usage de faux » à propos du fameux et très public enregistrement d’une « voix », qui pourrait être celle de X (soit Jérôme Cahuzac ou l’un de ses proches).

Arfi suggère aussi que la clinique Cahuzac retrouve dans ses archives la trace des honoraires versés par Hervé Dreyfus, son client selon le chirurgien d’alors, devenu son chargé d’affaires et de la gestion de sa fortune (ou de celle de la clinique, du couple Cahuzac, allez savoir…).

« Contestez-vous » que Gérard Ranchon, votre comptable, a reçu récemment notification d’observations relatives à des déclarations fiscales de la part de la direction des finances publiques dont, vous, Jérôme Cahuzac, relevez ? Confrères, posez donc la question en ces termes, tel est le sens de cette interpellation.

Enfin, autre élément évoqué, l’interception d’une conversation (par on ne sait qui, mais dont la teneur a été communiqué au cabinet du ministre) entre Edwy Plenel « et une source – réelle ou supposée » de ce dossier. Ce qui remémore bien sûr d’autres écoutes, les affaires Clearstream et d’autres, antérieures. Amis (de mon temps, on s’interpellait ainsi dans les couloirs du CFJ-CFPJ), tolérez-vous qu’un ami soit ainsi entendu sur nos plaines, sortez de la paille les stylos, les micros, les éditos.

« Il y a des pays où les gens au creux des lits font des rêves (…) Chantez, Compagnons, dans la nuit la liberté nous écoute… » (Chant des partisans).

République exemplaire

Il est diverses façons de recevoir (ou percevoir) cette nouvelle charge de Mediapart. Le site peut estimer qu’il s’agit entre lui et un ministre au bras long (appuyé discrètement par l’appareil d’État, l’agence Havas, l’UMP reconnaissante à Éric Woerth) d’une lutte au couteau, « au dernier sang » comme je l’avais précédemment écrit. Meilleure riposte, l’attaque. Pour le moment en franc-tireur appelant la cavalerie à la rescousse.

Ou alors, il s’agit de la défense et illustration d’une conception exigeante de la presse, donc, de fait, des citoyens, voire d’une Nation capable de s’opposer à la raison d’État. Pas moins.

Au passage, on fidélise un lectorat d’abonnés qui, au vu du nombre et de la teneur des commentaires sur le site, reste friand, en redemande. Et voudrait voir lever le profond « mystère des liens et des services rendus entre MM. Woerth et Cahuzac », comme le formule Fabrice Arfi. Éric Woerth, ancien trésorier de l’UMP, détient sans doute de quoi convaincre sa formation et ses alliés politiques de l’adéquation de soutenir l’adversaire socialiste. Gageons que Christine Boutin récite, faute de mieux, des neuvaines en vue d’obtenir d’en-haut la clémence pour Jérôme Cahuzac.

C’est aussi une manière de nous dire « vous avez applaudi Lance Armstrong, allez-vous adorer Jérôme Cahuzac ? ». Ou, encore, de nous inciter à nous faire Étasuniens exigeant de Jérôme Cahuzac ce qu’il fut demandé à Bill Clinton lors de l’affaire Lewinsky ; lequel Clinton, sous serment, considéra qu’une fellation ne constituait pas un rapport sexuel.

C’est finalement, la onzième question sous-jacente (pour les autres, sans être abonné à Mediapart, mais en cherchant rapidement, vous les trouverez reproduites ailleurs) : quelle conception nous sommes-nous formés de la presse et de la vie publique ?

En sommes-nous à nous dire « que le meilleur – soit le plus malin – gagne ! » ?

Mediapart ou Cahuzac maillot jaune ? Jusqu’au prochain tour (à qui, ce tour ?).

D’aucuns estimeront au contraire que les « infos » de Mediapart sont de la dope. Des canettes de bibine propres à échauffer les sportifs en chambre. Les munitions du spectacle.

Lequel ne vaudrait quand même pas qu’on se prive des compétences d’un ministre qui en vaut bien d’autres : après tout, on sait ce qu’on a, on ne sait ce qu’on aurait…

La rénovation de la place parisienne de la République est en voie d’achèvement. L’aménagement a été conçu pour améliorer « la qualité environnementale et la biodiversité », lit-on.
Pas du tout pour laisser davantage de place à des commerces temporaires, des marchés de Noël, des « événements de communication » (entendez : publicitaires), n’est-il pas ? Plus cela change…

Cette métaphore urbaine vaut-elle pour la République, cinquième du nom ? Douzième question pour l’affaire Cahuzac, et nième de tant d’autres : qu’apporterait une sixième République ? En fonction de la réponse donnée en son for intérieur, on continuera ou non à accorder de l’attention à l’affaire Cahuzac…
Qu’elle se solde par la démission du ministre ou la déstabilisation de Mediapart n’est certes pas tout à fait subsidiaire, mais somme toute secondaire.

épilogue provisoire

Relevons qu’Europe nº 1 a résumé ainsi les propos de J. Cahuzac sur l’affaire :
« Le ministre délégué au Budget (…), est revenu sur les accusations d’exil fiscal dont il a fait l’objet. "Je nie en bloc et en détail. Ça ne peut pas être moi sur les enregistrements car je n’ai jamais eu de compte à l’étranger", a martelé l’homme fort de Bercy, qui "se refuse à danser au rythme des articles et de la vulgarité". ».
La plupart des gens ne sauront pas quel type au juste de questions lui fut posé. Attendons de consulter, lundi soir, les comptes-rendus de Mots croisés. Quelles questions seront posées ? Comment en sera-t-il rendu compte ?
Jérôme Cahuzac renouvèlera-t-il son hommage à l’opposition (voir ci-dessous en commentaires) ?
En tout cas, Fabrice Arfi, ayant pris connaissance des réfutations de Jérôme Cahuzac, insiste sur le fait que l’article faisant état de l’enregistrement n’est pas cité dans les plaintes du ministre ou du citoyen Cahuzac (l’une est à titre ministériel, l’autre à titre individuel). Il est vrai que ni l’un, ni l’autre, ne contestent que cet enregistrement existe. Falsifié ou non ? Et qui est « la voix » ?
Comme dans la fable : « si ce n’est toi, c’est donc ton frère » ?