Jérôme Cahuzac a interrogé UBS, banque suisse qui aurait, selon Mediapart, un temps hébergé une partie de sa fortune. La réponse est qu’UBS se refuse à confirmer ou infirmer les affirmations de Mediapart. Mais Jérôme Cahuzac va tenter d’insister pour obtenir que cette banque démente qu’il y ait jamais détenu un compte bancaire. Réponse de Mediapart : que le parquet demande à un juge de se saisir du dossier ou qu’un juge demande à ce que la situation personnelle du ministre soit examinée dans le cadre d’une enquête judiciaire portant sur UBS.

Sur son blogue, Jérôme Cahuzac redit « je n’ai jamais ouvert ou possédé de compte à la banque UBS, en Suisse ou ailleurs à l’étranger. Jamais ». Il reproduit une réponse d’UBS qui informe que, « par principe, nous n’accédons pas à ce type de requête et n’établissons pas de confirmation négative en raison de la composante négative de nos obligations liées au secret bancaire ». En « clair », Jérôme Cahuzac avait mandaté son avocat, Me Edmond Tavernier pour qu’il s’adresse à UBS afin de savoir si cette dernière « a pour politique d’établir des confirmations dites négatives. ». Soit du genre « non, Monsieur Untel n’a jamais ouvert un compte chez nous ».

Il aurait peut-être été plus simple que, par lettre recommandée, voire par voie d’huissier, Jérôme Cahuzac lui-même somme UBS de se prononcer sur le fait qu’il ait ou non détenu un compte chez elle. Mais, à présent, Jérôme Cahuzac confie mandat à un avocat suisse de « poursuivre [des] démarches en vue d’obtenir cette confirmation ». Soit.

La réponse de Mediapart est un peu bisbrouillée. François Bonnet et Dan Israel s’y sont collés. À question de principe, réponse de principe. Surtout, l’Association suisse des banquiers contredit UBS : « la loi prévoit qu’un particulier peut autoriser un établissement à lever le secret bancaire le concernant… ».

Heureusement d’ailleurs : faire garantir une acquisition par un prêt bancaire ne serait plus possible. Pour tout, il faudrait produire un chèque de banque (qui garantit que la position de l’emprunteur ou du détenteur d’un compte est créditrice du montant, lequel sera bloqué jusqu’à encaissement par le bénéficiaire, soit le vendeur).

Mais, il y a un mais. Interrogée par Mediapart, la même association bancaire suisse se fait moins catégorique : c’est « une affaire à discuter entre la banque et la personne concernée. ». Bon, allez, on n’en voudra pas si Jérôme Cahuzac embarque un journaliste de Mediapart et un autre d’un autre titre dans un avion gouvernemental afin d’effectuer un rapide aller-retour à Genève, au siège d’UBS. D’ailleurs, si les cigarettes sont moins chères sur les bords du Léman que sur les rives de la Seine, je suis partant.

Deuxième argument de Bonnet et Israel : l’UBS est suspecte. Elle est en effet l’objet de diverses enquêtes internationales, dont l’une émane de l’administration fiscale et de la justice française. Pour l’instant, l’UBS a négocié avec les États-Unis, le Royaume-Uni et la Suisse, pas encore avec la France.

Le juge d’instruction Guillaume Daïeff enquête sur les pratiques d’évasion fiscale de la banque en France car sa filiale française était surtout mobilisée pour capter des clients désireux d’ouvrir un compte à l’étranger. Le ministère du Budget se retrouve partie civile.
Que le juge se saisisse donc de ce cas particulier dans le cadre de l’enquête générale, c’est techniquement possible, assure Mediapart. Effectivement, cela s’est vu.

Un réquisitoire supplétif émane du parquet mais un magistrat instructeur peut obtenir que soit considéré nécessaire un complément d’instruction ; par exemple en fonction d’une plainte du ministère du Budget. C’est simple : Jérôme Cahuzac peut demander à ses services que Guillaume Daïeff s’occupe de son propre cas dans le cadre de cette plus vaste enquête.

Quant à la plainte pour diffamation contre Mediapart, elle est traitée : Edwy Plenel, directeur de la publication, a été entendu lundi dernier, Fabrice Arfi est convoqué début janvier.
La plainte de Jérôme Cahuzac s’appuie sur l’art. 48-1b de la loi de 1881 sur la presse relatif aux « cas d’injures et de diffamation envers un membre du gouvernement » qui prévoit que ce soit la garde des Sceaux, Christiane Taubira, qui reçoive cette plainte.

Or, ce n’est pas le ministre du Budget qui est en cause en raison de sa politique ou de ses agissements dans le cadre de ses fonctions, mais bien Cahuzac, Jérôme, alors maire ou député, certes, qui est (ou n’est pas) diffamé par Mediapart.

« Le compte non déclaré détenu à l’UBS jusqu’en février 2010 » n’est pas celui d’un ministre qui planquerait des fonds secrets en Suisse, mais, s’il a existé, celui du sieur Cahuzac, Jérôme. Il y aurait donc là, pour les avocats de Mediapart, « un détournement de procédure ». De plus, seul le premier article de Mediapart est visé, alors que le second, révélant l’enregistrement, est beaucoup plus diffamatoire (de fait, mais en droit, Patrice Arfi et d’autres journalistes, car d’autres que lui ont encore signé divers articles de Mediapart, tout aussi « instructifs », peuvent plaider la bonne foi).

Allez, on va dire que Jérôme Cahuzac, citoyen lambda, a eu de l’indulgence à l’égard de François Bonnet, Dan Israel, Mathilde Mathieu, Martine Orange. Car sait-on jamais, un juge pourrait les taper lourdement au portefeuille.
Car figurez-vous que la diffamation publique proférée contre une personne exerçant des fonctions publiques peut être frappée d’une amende de 45 000 euros. Du fait que la plainte ait été jugée recevable, c’est la peine encourue (alors que s’il s’agit d’une personne privée, le montant plafonne à 12 000 euros).

Bref, la question – dans l’attente du jugement – reste qui, du citoyen Cahuzac ou de Mediapart, en matière d’affirmations erronées ou hasardeuses, est le chef d’escadrille. Mais le fait de détenir un compte à l’étranger non déclaré expose-t-il à la calomnie ? On peut se le demander : vu le nombre des clients français d’UBS, ce serait plutôt bien vu, non ? Au su des affaires jugées ou ayant fait l’objet de tractations avec le fisc, c’est à se demander si cela ne vaut pas une décoration.
Vous vous souvenez de cette comédie avec Jugnot, Cher Trésor ? Pour regagner la considération de son entourage, un chômeur de longue durée s’invente un contrôle fiscal musclé. Et cela marche à merveille.

 

 

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