Toujours plus loin dans la quête des voix de l'extrême droite ! Dernier avatar de cette démarche, l'amendement du sinistre Thierry Mariani, qui introduit des tests ADN dans la procédure du regroupement familial des immigrés. Des associations réagissent.

 

"Les étrangers sont-ils des êtres humains de seconde zone ?", interroge la Ligue des droits de l'Homme dans son communiqué du 13 septembre. Son argumentaire est limpide : "Des tests ADN pour les demandeurs de visas : l’amendement au projet de loi «maîtrise de l’immigration» qui vient d’être adopté par la commission des lois de l’Assemblée nationale apporte une nouvelle pierre à l’édifice de la rupture avec le droit commun et avec les principes de la République. Il s’agit de «proposer» (sic) aux demandeurs de visas de faire effectuer, à leurs frais, un test ADN pour obtenir une empreinte génétique prouvant leur filiation.

Faut-il rappeler que l’article 16 du Code civil interdit formellement toute «étude génétique des caractéristiques d’une personne» sauf «à des fins médicales ou de recherche scientifique» ? Seul un magistrat peut ordonner le recours aux empreintes génétiques pour établir une filiation. Mais ce qui est bon pour les Européens ne l’est plus pour certaines catégories d’étrangers (….) Quant à l’hypocrisie qui consiste à prétendre que le test ADN ne sera que «proposé» et non imposé, elle ne trompe évidemment personne : nul ne sera obligé de passer le test… ni d’obtenir un visa" ! Lorsque l'on pense à la volonté sarkoziste de réprimer davantage encore les chômeurs, pourtant déjà victimes de radiations en masse et dont la moitié ne sont pas indemnisés, on comprend que la LDH dénonce une démarche globale voulue par Sa suffisance caractérielle : "Jusqu’où notre pays sera-t-il ainsi entraîné sur la voie du refus de l’autre, de la stigmatisation et de la suspicion généralisée ?"
logo_fidhQuant à la Fédération internationale des ligues de droits de l'Homme, qui fédère 17 organisations africaines, elle proteste que "Réduire la filiation au seul lien biologique, c’est non seulement appliquer un traitement discriminatoire aux étrangers mais c’est aussi nier qu’une famille, ce sont des liens d’une autre nature que ceux du sang. En décidant d’imposer un tel test aux étrangers, le législateur français nie l’histoire personnelle de chacun. C’est l’humanité d’hommes, de femmes et d’enfants qui est déniée en la réduisant à une chaîne de molécules. Nous voulons affirmer solennellement que, venant après de multiples mesures restrictives et vexatoires, après les propos insultants tenus à Dakar par le président de la République française, nous ressentons cet amendement de la majorité des députés français comme une injure faite à notre identité humaine. Nous n’acceptons pas que la France institue ainsi une xénophobie d’Etat." Suivant cet amendement scélérat en effet, l'adoption est de fait interdite aux immigrés, qui vivent pourtant souvent dans des pays ayant souffert ou souffrant toujours de conflits armés causant un grand nombre d'orphelins.
logo_sauvons_la_rechercheLe collectif de chercheurs baptisé Sauvons la recherche, enfin, lance un appel aux parlementaires, sous la forme d'une pétition que nous vous encourageons à signer ici. "Selon la loi actuellement en vigueur en France, les tests génétiques ne sont utilisables qu’à des fins médicales ou de recherche scientifique, ou après une saisine judiciaire, énonce-t-elle. Les résultats de la recherche peuvent permettre certains progrès, mais aussi des utilisations inacceptables. Il serait aberrant que la loi favorise ces dernières. Pour la communauté scientifique, cela constituerait un détournement dangereux du fruit de leurs travaux, qu’elle doit dénoncer. (…) En France, les législateurs ont souligné l’importance du fait que le lien de filiation ne pouvait en aucun cas se réduire à sa dimension biologique. L’importance de ce principe est évidente lorsque l’on songe aux enfants adoptés ou aux familles recomposées. Ce principe cesserait-il d’être important pour ceux qui ne sont pas nés en France ? Le droit à vivre en famille, reconnu par la convention européenne des droits de l’homme, serait-il réservé aux Français" ? Sauvons la recherche conclut sous la forme d'une sévère mise en garde : "En contribuant une fois de plus à stigmatiser les candidats à l’immigration et sous prétexte de réduire un désordre, cette disposition en créerait un autre, infiniment plus grave, car il entamerait pernicieusement des principes éthiques, et ouvrirait la porte au fichage génétique de certaines catégories de la population. L’histoire nous a appris à quels désastres s’exposent les peuples qui acceptent de rogner peu à peu leurs principes éthiques, de banaliser l’inacceptable."

Or c'est bien dans cette voie que nous entraîne inexorablement, semaine après semaine, l'apprenti-sorcier de l'Elysée. Et toutes les protestations se sont avérées peine perdue : la loi a été votée et les tests ADN mis à l'essai jusqu'en 2010. Leur prix, d'environ 300 euros, sera remboursé si la filiation est prouvée mais les candidats devront avancer la somme. Le recours à ce test est dit facultatif. Reste à savoir si des visas seront attribués sans lui.

PS : un lecteur nous signale l'excellente analyse juridique de la nouvelle loi à lire sur Diner's room. En voici la conclusion : "Bref, à la torsion des principes du droit civil, du droit international privé, du droit de la preuve et d'un soupçon d'immoralité, le présent amendement ajoute un nuage d'incertitude."