Santé, bonheur, shit à toute heure ! Car après le cannabis et la mariejeanne qui font planer, voici la beuh médicinale qui frôle le radada, le ras des pâquerettes. Derrière une clôture portant l’inscription Tikkun Olam (expression commune en Israël et signifiant améliorer la vie), des serres de production de cannabis tout à fait légale. Nous sommes à la lisière d’une banlieue de l’agglomération de Safed, en Galilée (frontière libanaise), et des plants renforcés en cannabidiol (CBD), mais très faiblement dosés en THC (le tétrahydrocannabinol, la substance aux propriétés psychotropes), fleurissent et embellissent avec l’approbation du ministère israélien de la Santé.
En Israël, comme dans certains États nord-américains, ou encore aux Pays-Bas, les cannabinoïdes sont autorisés en raison de leurs vertus médicales. Le mois dernier, au Parlement européen, un colloque a débattu du cannabis pharmaceutique, qui peut d’ailleurs être légalement prescrit en France. Oui, mais, relève le Dr Spiess, de L’Union francophone pour les cannabinoïdes en médecine, « il s’avère impossible de s’en procurer sans se mettre hors-la-loi, » dans de nombreux pays, dont la France. En fait, seuls les patients en phase terminale ou subissant une chimiothérapie se voient prescrire des médicaments à base de cannabis en France.
En fait, la France « est en retard » par rapport à de nombreux pays européens, car elle proscrit de fait, comme la Grèce ou la Suède, l’usage du cannabis médical. Pourtant, une autorisation temporaire d’utilisation peut être obtenue « après soumission d’un dossier complet à une commission », précise le Dr Spiess. Lequel s’oppose à la dépénalisation totale de la consommation du cannabis récréatif, celui qui fait planer : « la médecine, qui connaît les troubles et les addictions provoqués par le cannabis, n’est pas pour la légalisation du cannabis non médical, » insiste-t-il.
Mais voilà, lequel prescrire ? Et comment ? En fleurs ou feuilles séchées, à proportion faible en THC, en huile (jusqu’à 60 % de THC) ou pollen ? Peu importe s’il s’agit de cannabis conçu sous la direction de Mor Cohen et Tzahi Klein dont la ferme a développé une variété à teneur quasi-exclusive de CBD (99 %).
Près de 2 000 personnes présentant diverses maladies ont déjà testé, en Israël, des extraits de cette variété, sous diverses formes, dont le « joint » traditionnel, et des doses de dix grammes. Au total, en Israël, l’usage de la marijuana a été autorisée pour 6 000 patients.
Selon ses concepteurs, ce cannabis « tout CBD » concurrencera des médicaments pouvant être nocifs, notamment du fait de leur mode de production synthétique, nuisible à l’environnement (il a été relevé notamment que la pilule contraceptive, finissant dans les égouts, polluait l’eau).
Aux États-Unis, Barak Obama, opposé à la légalisation, a toutefois ordonné aux agences fédérales de lutte contre les stupéfiants de ne pas s’en prendre aux dispensaires prescrivant du cannabis à usage médical. 18 États autorisent la prescription de cannabis aux États-Unis. À Oakland, des descentes de la police et de la DEA ont fait réagir la municipalité qui a porté plainte. Le résultat pourrait avoir des implications fédérales. Les États du Colorado, de Washington et de l’Oregon envisagent d’autoriser le cannabis à usage médical et même une légalisation totale, ce qui aurait pour effet de faire perdre 1,8 milliard annuel aux cartels mexicains de la drogue selon… l’Institut mexicain pour la compétitivité. Le cannabis légal produit dans ces États ferait fortement baisser les prix.
Le chanvre à usages industriels pourrait être autorisé dans le Dakota du Nord. 8 000 ha sont consacrés en France à cette culture, avec des plants dont la teneur en THC est inférieure à 0,3 %. En cas de développement d’une variété médicale, la production pourrait être renforcée.
En France, le pharmacologue Jean Costentin, du CHU de Rouen, travaille sur l’inhibition « des enzymes qui inactivent les endocannabinoïdes, telle la FAAH (fatty acid amide hydrolase) » pour renforcer « l’intensité des transmissions endocannabinoïdergiques, seulement là où elles sont fonctionnellement sollicitées. ». Il est l’auteur, chez Odile Jacob, de Pourquoi il ne faut pas dépénaliser l’usage du cannabis. Mais le cannabis produit en Israël pourrait s’apparenter à du chanvre industriel. Cependant, sa consommation à l’identique du tabac peut présenter d’autres risques pour la santé en raison de sa teneur en goudrons. D’autres études aboutissent à des résultats contraires : la fonction pulmonaire des fumeurs de cannabis serait peu affectée. Comme le cannabis classique, celui-ci peut être consommé en vaporisations (avec des inhalateurs, comme c’est le cas du Sativex, un médicament commercialisé hors de France).