entre l’éthique médicale, religieuse et humaine.

 

 

Un sujet de société qui revient continuellement tant il est douloureux, à la fois pour le patient et son proche entourage, par la souffrance et l’acharnement thérapeutique qu’il engendre. Je ne suis pas médecin, bien que dans ma famille il y en a, ce qui nous fit discuter lors des affaires qui eurent des retentissements médiatiques importants. Mais tout d’abord, bien que je ne veuille m’initier en profane, l’euthanasie est une mort douce sans souffrance dans la définition de la langue Française.

 

Mais plus pratiquement elle est un acte qui permet d’abréger la souffrance d’un patient conscient et médicalement incurable, c’est de l’euthanasie active. Le soignant avec l’équipe médicale non seulement accepte de contribuer à la mort du patient mais l’initie. Parfois, des abus, et cela c’est ce qu’il faut éviter, le soignant excédé par les souffrances du patient décide seul de sa mort. Un acte qui ne peut être considéré comme relevant d’une euthanasie prise en commun entre le corps médical, le patient et la famille. C’est un crime, bien que le soignant l’invoque de l’avoir fait contre la souffrance.

 

Ces états incurables et de souffrance ne représentent pas l’état ultime qu’est l’agonie avant la mort, et la question est doit-on laisser le patient souffrir jusqu’à son agonie ? Dans l’euthanasie active le patient est maintenu en vie par l’acharnement thérapeutique et est lucide, pour demander son décès, contrairement à celui en agonie ou le patient n’a plus la lucidité pour le faire. Ces états d’acharnement thérapeutique et d’agonie sont une évolution naturelle vers le décès puisque un patient en état d’agonie est souvent laissé tranquillement s’éteindre n’ayant plus que quelques heures de vie, c’est l’euthanasie passive. C’est tout simplement une action humaine en fin de vie puisque le patient ne réagit à aucun des traitements possibles, étant dans l’anti chambre de la mort.

 

Euthanasie active et euthanasie passive sont donc des actes qui consistent à infléchir ou à activer le processus naturel qui conduit au décès, dans un cas c’est le soignant et son équipe en accord avec le patient et sa famille qui l’initie, et dans l’autre c’est l’équipe médicale qui seule décide de l’inutilité des soins, sachant que les familles sont conscientes que l’être cher n’a que quelques heures de vie. Bien souvent, résignées, voyant son état, elles sont informées par l’équipe médicale de sa mort imminente.

 

Le problème que pose l’euthanasie comme définie ci-dessus est d’accréditer la demande du patient et de sa famille afin d’abréger ses souffrances inutiles sachant qu’aucune issue, avec les connaissances actuelles de la médecine, autres que la mort sont possibles. C’est donc une notion évolutive dans temps, sachant que si l’on attend on pourra, peut être, dans quelques temps, soigner le patient et l’éviter de mourir pour le mal dont il souffre. C’est de l’acharnement thérapeutique sur parfois plusieurs années sous le prétexte de préserver la dignité de la valeur humaine. Argument invoqué par ceux qui sont opposés à l’euthanasie contrôlée, autant que par ceux qui considèrent que laisser un patient souffrir avec des tuyaux et des machines partout est inhumain et indigne de la valeur humaine. Il y en a même qui eurent recours à des expériences folles qui consistèrent à congeler le patient à – 190 ° C dans l’azote liquide afin de le «ressusciter» plusieurs décennies plus tard. La question est donc,

 

faut-il donc faire souffrir encore quelques temps le patient ainsi soutenu en vie dans le but d’une thérapeutique improbable qui le sauverait de la mort ? Ou faut-il avoir le courage d’abréger ses souffrances et celles de la famille ?

 

C’est tout le débat entre ceux qui, aux demandes du patient et de sa famille sont pour abréger les souffrances inutiles, et ceux qui attendent l’état ultime de la mort.

 

Le corps médical dont la fonction est de soigner et non de tuer est divisé sur l’éthique de l’euthanasie, a-t-on le droit de donner la mort ? La loi est impuissante par ce qu’elle touche à la vie, et la facilité est de ne pas légiférer, un reste de notre culture catholique. Mais la pression des familles confrontées au problème de la souffrance de leurs êtres chers, et incurables, demande de pouvoir abréger les souffrances en initiant le décès du patient.

 

Une majorité des Français se dégage pour cette euthanasie active. C’est tout le problème que François Hollande a initié le mardi 17 juillet pour un débat national sur cette importante question sans prononcer une seule fois le mot euthanasie de peur de choquer le conservatisme religieux. Le président a pris l’engagement de développer les soins palliatifs, mais aussi de revoir la loi Leonetti de 2005 qui s’oppose à l’acharnement thérapeutique sans permettre de déclencher un geste médical pour provoquer la mort. Elle permet de développer des soins palliatifs en fin de vie afin de prendre en compte les souffrances.

 

Cette loi ne résout rien quand aux questions d’éthiques qui se posent dans le cadre médical, elle autorise seulement à prendre certaines solutions. Elle ne règle pas le problème de l’euthanasie dans un cadre règlementé dans une solution de souffrance, même si des soins contre la douleur sont administrés. Il faut donc une réflexion sur ce sujet afin qu’il soit une fois pour tout inscrit dans un cadre médical qui préserve le soignant et soulage le patient.

 

Le problème est aussi légal que spirituel.

 

L’église refuse tout, à la fois l’acharnement thérapeutique, l’euthanasie active et passive, pour elle l’euthanasie est moralement inconcevable, constituant un meurtre puisque Dieu donne la vie et que seul, il peut la reprendre. La lettre encyclique, Evengelium vitae, l’Évangile de la vie, du pape Jean-Paul II en 1995, l’euthanasie est en opposition directe avec le 5ème commandement, «Tu ne tueras point», Exode 20.13. En conséquence, toute forme d’euthanasie est prohibée. Je me souviens d’avoir appris lors de mon catéchisme que mourir dans la souffrance était naturel puisque cela permettait d’être lavé de ses pêchés. Le problème se pose de la même façon que pour l’interruption volontaire de grossesse, qui soulève l’opposition de l’église et de praticiens sous le prétexte que l’on hôte la vie.

 

Le corps médical est donc partagé sur la légalisation de l’euthanasie. Une enquête réalisée en février 2002 par l’Observatoire régional de la santé de PACA, le Centre régional des professions de santé, CRPS, et l’unité 379 de l’INSERM auprès de 1.000 médecins généralistes montre que 45 % des médecins généralistes Français sont favorables à une dépénalisation de l’euthanasie. Les médecins les plus impliqués et les plus à l’aise dans les soins palliatifs et le suivi des fins de vie sont le plus souvent hostiles à une légalisation de l’euthanasie au contraire de ceux, qui se sentent mal à l’aise face aux patients en fin de vie, et qui se prononcent le plus souvent en faveur d’une légalisation de l’euthanasie.

 

En octobre 2012, plus d’un Français sur deux estime que la loi actuelle sur la fin de vie ne permet pas «suffisamment d’atténuer les souffrances physiques ou morales» des malades. 59 % des catholiques seraient favorables à une loi qui légaliserait la pratique de l’euthanasie, selon un sondage Ifop/Pélerin publié dans le Pèlerin Magazine. Il faut néanmoins approfondir cet étonnant constat. 91 % des non pratiquants sont favorables à la légalisation de l’euthanasie, à peine trois points de moins que les sans religion, alors que seulement 14 % des pratiquants se disent très favorables et 45 % plutôt favorables. Il y a quand même une évolution sur ce problème qui montre une prise de conscience car il touche tout le monde, catholiques compris.

 

Le professeur Léon Schwartzenberg cancérologue imminent défenseur des sans abris et des sans papiers, adepte du parler vrai, n’hésita pas à prendre des positions contre l’opinion du moment. Ministre de la santé délégué à la santé sous Michel Rocard, il y restera 9 jours.

 

«Mentir aux cancéreux par compassion et dire la vérité à ceux qui ont le sida par peur de la contagion, cela procède d’une légale saloperie», disait-il à l’apparition de cette maladie en France, alors dénuée des puissantes trithérapies actuelles. La même année, il prit la défense du droit de mourir dignement et lança le débat sur l’euthanasie. Il dira au cours de l’émission «Apostrophes» sur France 2, «je suis simplement contre le maintien à tout prix d’une vie qui n’est plus une existence».

 

2Il publia Requiem pour la vie en 1985, un ouvrage cherchant à rompre le tabou de l’euthanasie. En 1991, l’Ordre des médecins le suspend d’exercice pour un an pour avoir révélé dans la presse, en 1987, l’euthanasie qu’il avait apportée à un malade incurable. En 1993, le Conseil d’État annula cette décision.

 

En 1992, il se présenta aux élections régionales en Provence-Alpes-Côtes-d’Azur ou il fut tête de la liste Énergie Sud de Bernard Tapie dans le Var. Mais il renonça à son poste de conseiller régional suite à l’affaire Testut. Il figura aux élections Européennes de 1994 parmi les initiateurs de la liste, L’Europe commence à Sarajevo. En 1994, il est l’un des fondateurs de l’association Droits Devant ! Vers la fin de sa vie, il s’engagea auprès des étrangers en situation irrégulière et des mal-logés et contre les organismes génétiquement modifiés, OGM. Jusqu’en 2001, tant que sa santé le lui permit, il défilait régulièrement avec l’association Droit au logement, dont il était président d’honneur. Il mourut d’un cancer, évolution d’une hépatite contractée lors de transfusions effectuées à ses patients, qui avait évolué en une cirrhose du foie.

 

Et puis l’affaire de Vincent Hubert, un jeune pompier qui le 24 septembre 2010 en quittant sa caserne pour rejoindre sa petite amie fut écrasé dans un virage par un poids lourd qui déboulait. On le retrouva sous les roues arrières, aveugle, muet et tétraplégique. Admis aux urgences de l’hôpital d’Évreux il y subit une quinzaine d’interventions. Mais les médecins ne laissèrent guère d’espoir à sa mère, Marie Humbert. Et là commença cette affaire qui défraya la chronique.

 

Du jour au lendemain, la vie de Marie bascula, elle quitta son appartement et son travail pour suivre «son Titi» dans un centre spécialisé. Et pourtant, Marie n’eut pas le sentiment de se sacrifier pour son fils, elle fut persuadée que Vincent allait guérir, c’était juste un problème de temps et d’amour. Le «miracle» eu lieu neuf mois après son arrivée au centre, Vincent bougea son pouce. Marie mettra neuf autres mois à lui apprendre l’alphabet afin de pouvoir communiquer avec lui.

 

Cette période d’euphorie fut de courte durée, malgré les séances de rééducation et d’ergothérapie, Vincent ne fera physiquement plus aucun progrès. Lucide et conscient de sa très lourde pathologie, Vincent voulut mourir. Il veut mourir parce que son corps entièrement paralysé, hormis son pouce, est une souffrance, qu’il ne voit rien, qu’il n’a plus d’odorat, que son dernier repas remonte à plus de deux ans et qu’il ne retrouvera jamais l’usage de la parole. Au fil des mois, sa détermination ne faiblit pas bien au contraire. Devant le refus des médecins à l’aider à mourir, Vincent va jusqu’à écrire une lettre au président de la République. Du jour au lendemain, l’affaire se médiatisa, et un débat national sur l’euthanasie s’engagea dont Vincent devint malgré lui, le symbole. Désespéré, Vincent se tourna alors vers sa mère et lui dicta, «si tu m’aimais, tu me tuerais !» Par amour pour son fils, Marie qui lui donna la vie, va lui offrir sa mort, tiré Marie Hubert l’amour d’une mère.