Rien, ou presque, ne rapproche Dominique Strauss-Kahn de feu Sir Jimmy, soit Jimmy Saville, très célèbre présentateur de la BBC, si ce n’est leur très forte notoriété et le fait qu’à présent, il est dit des deux hommes que « tout le monde » était plus que moins au courant de leurs penchants en privé pour des activités sexuelles fort peu dans la norme. Jimmy Saville, qui pourrait être symboliquement dépouillé à titre posthume (il est décédé voici un an) de son titre nobiliaire, est désormais présumé avoir abusé de très jeunes adolescentes et l’opinion britannique se demande s’il n’avait pas longtemps bénéficié de complicités par omission de porter ses agissements à la connaissance de la police…
Sir James Wilson Vincent Savile (Saville pour les médias) décoré de l’Ordre de l’empire britannique et de celui de saint Grégoire le Grand par… le Vatican, ou de celui, catholique aussi, de Malte, fait docteur honoraire en droit par l’université de Leeds, défraye depuis plusieurs jours la chronique britannique pour cumuler les plaintes de femmes âgées à présent d’une cinquantaine ou soixantaine d’années l’accusant d’avoir abusé d’elles lorsqu’elles avaient de 13 à 16-17 ans. Il avait commencé sa carrière dans l’univers de la radio-télévision en 1958 puis grimpé les échelons pour devenir l’animateur de deux émissions à forte audience, le hit-parade Top of the Pops et Jim’ll Fix It (Jimmy exauce vos souhaits) qui en avaient fait l’équivalent d’un Drucker, d’un Bellamare, d’un Jacques Martin, d’un Guy Lux, ou d’autres animateurs français.
Il était en particulier populaire auprès des enfants et de leurs parents car très souvent les vœux qu’il permettait de réaliser étaient prioritairement ceux émanant de la petite jeunesse. Après une éclipse, il retrouvait l’antenne de la BBC en avril-mai 2007.
C’est dans les années 1960 et 1970, alors qu’il s’illustrait déjà aussi par des œuvres charitables, qu’il aurait, parfois en compagnie d’autres célébrités, tourné son attention vers de très jeunes femmes. Ses pratiques auraient été poursuivies jusqu’au moins l’année 1991 puisque, last (en date) but not least (en portée d’accusations), Karin Ward, alors âgée de 14 ans, aurait été témoin d’ébats de l’animateur avec une autre mineure tandis qu’une troisième se trouvait aux prises avec le très populaire chanteur Gary Glitter. Ce dernier, pour d’autres, faits sera par la suite condamné pour pédophilie mais a toujours proclamé l’avoir été à tort et il dément formellement le témoignage de Karin Ward.
Les accusatrices sont à présent plus d’une douzaine, certaines témoignant sous couvert d’anonymat, d’autres se confiant à la presse. Ce serait déjà déplorable mais il apparaît aussi que cinq enquêtes de police le visant pour des faits similaires avaient été avortées et un reportage pour l’émission Newsnight a bel et bel bien été remisé car la BBC avait considéré que des preuves évidentes ou irréfutables manquaient.
La rumeur veut à présent que Jimmy Saville se rendait à l’orphelinat du Haut de la Garenne à Jersey, dont il était un bienfaiteur, pour avoir des relations sexuelles avec des fillettes de neuf ans et davantage. Deux fillettes, deux sœurs, alors âgées de 9 et 11 ans, auraient, en vain, prévenu la direction.
Saville s’en prenait aussi à des majeures, notamment des danseuses tenant un rôle équivalent à ceux des Claudettes ou des Coco Girls, et dès 1973, des directeurs ou chargés d’émission de la BBC auraient été mis au fait d’agissements répétés. Saville ne se cachait absolument pas d’avoir une vie sexuelle abondante, voire débordante, mais taisait ses penchants pour les très jeunes filles. Onze d’entre elles s’étaient déjà confiées à la presse ou la police ces derniers jours, certaines nommément (Katrina Rose, Bebe Roberts, Dee Coles, à présent Karin Ward…), d’autres sous couvert d’anonymat (mais au moins deux d’entre elles ont communiqué à la presse des photos d’elles prises à l’époque des faits).
The Sun est le titre le plus en pointe pour exiger qu’une enquête interne à la BBC soit menée. Pour le moment, les institutions charitables que favorisait Saville, à Jersey, dans le Surrey et ailleurs, ne sont pas inquiétées.
Karin Ward n’exclut pas que certaines très jeunes filles aient pu consentir à des relations certes imposées, car non sollicitées, mais rémunérées par des cadeaux tels que des disques dédicacés, du parfum, du maquillage, des cigarettes,&c. D’autres auraient résisté et Saville n’aurait pas insisté après que les refus aient été réitérés.
Roger Foster, neveu de Jimmy Saville, soutient que lui-même et sa famille considèrent que les accusations sont fausses et qu’elles nuisent aux bonnes œuvres que le défunt soutenait. Janet Cope, secrétaire et assistante personnelle de Saville, se dit encore incrédule… David Gloan, ami personnel de Saville et producteur de télévision, a aussi émis de très forts doutes.
Mais aujourd’hui, dans la soirée, la police du Northamptonshire a fait savoir qu’elle avait recueilli deux nouveaux témoignages. D’autres forces de police régionales ont lancé des appels à témoignages. Une employée de Savile, Sue Thompson, a pour sa part décrit une scène explicite, tandis que le producteur Wilfred De’Ath aurait recueilli un aveu de Saville. Peu avant 19 heures (locales), Scotland Yard annonçait que les enquêtes seraient supervisées depuis Londres et que la police métropolitaine travaillait en lien étroit avec la BBC mais aucune enquête officielle centrale n’est encore ouverte « à ce stade ».
La presse irlandaise, notamment The Herald, sous la plume de Pat Stacey, se dit généralement convaincue de la véracité des témoignages, ainsi que la plupart des près de deux millions de téléspectateurs ayant visionné un reportage d’ITV1 diffusé mercredi soir à 23 heures (locales).
La BBC rediffusait des programmes d’archives de l’émission Top of the Pops mais elles ont été déprogrammées. Une comédie musicale s’inspirant de l’émission a été aussi annulée.
Pour Jonathan Jones, du Guardian, Saville, connu pour ses excentricités, avait fait de sa flamboyance un « bouclier luisant » et il « se dissimulait sous les projecteurs ». S’il n’était pas décédé lors des derniers Jeux olympiques, il en aurait sans doute été l’animateur de la soirée d’ouverture. The Week s’interroge : des journalistes se contentaient des réponses de Saville selon lesquelles ses compagnes d’un moment « avaient plus de 16 ans ». N’était-il point représentatif non pas de toute son époque, mais d’une partie de celle-ci ? D’autres personnalités (Jimmy Page, John Peel…) étaient aussi vues en compagnie de très jeunes filles. « Voici quarante ans, on détournait le regard, » estime Suzanne Moore, du Guardian.
Il est aussi – un peu légèrement – allégué que les lois sur la presse de l’époque « surprotégaient » les célébrités. Brian Hitchen, redchef du Daily Star (entre 1987 et 1995), a laissé entendre que les pratiques de Saville étaient connues des milieux de la presse et du spectacle, et notamment de lui-même, qui avait appris que l’animateur avait été débarqué par le capitaine d’un paquebot P&O à Gibraltar à la suite de plaintes des parents d’une adolescente.
Le scandale, s’il s’amplifie, ne devrait pas avoir de répercussions politiques, même s’il est suggéré que l’anoblissement très tardif de J. Savile avait été différé en raisons de rumeurs. De son vivant, Savile était considéré tel un véritable héros de la culture pop et des milieux populaires en raison de ses origines modestes.
S’il s’attaquait à des enfants, il était bien pire que DSK qui, aux dernières nouvelles, n’est pas pédophile…
Le « consentement » n’a aucune valeur venant d’une gamine de 9 ans, c’est un viol !
Cela, Sheli, dans un cas comme dans l’autre, n’est pas contestable.
Je ne confond pas DSK avec Savile, le rapprochement vient de l’évolution du traitement médiatique (je reviens d’ailleurs dessus ce samedi, dans une suite, car l’affaire prend une autre ampleur).
Je me doutais bien qu’en évoquant le « consentement », j’allais faire hausser des sourcils. Simplement, je n’ai pas écrit que toutes étaient pleinement consentantes, mais que certaines avaient fait état – à des degrés divers, initialement peut-être, et se ravisant ensuite – d’un certain degré de complaisance – le terme est vague – avec la demande et l’offre, ou plutôt les diverses offres de rétribution.
C’est indéniable, et la suite l’établit. On en est, depuis hier soir vendredi, à une quarantaine de plaintes (dont celle d’un homme pour attouchements). Sur ce nombre, on a des situations très différentes. Certaines se sont senties piégées dès le départ, d’autres espéraient faire carrière dans l’univers du spectacle, &c. D’autres ont peut-être été initialement fascinées par un personnage très célèbre (et très apprécié des parents).
Bref, vos remarques sont justes, Sheli, mais l’affaire est un peu plus multiforme.
Elle l’est moins cependant, depuis qu’il apparait que Savile s’attaquait aussi à de jeunes personnes vraiment vulnérables. Toutes (et tous) ne l’étaient sans doute pas autant.
Ce que je voulais dire, c’est qu’il devrait être totalement exclu de parler d’un quelconque consentement pour une fille de moins de 13 ans, même si effectivement à un moment donné elle a pu dire « oui » ou « d’accord »… à cet âge et à ce stade de développement affectif, ce oui ou ce d’accord n’ont strictement aucune valeur car elle ignore ce que cela implique, tout comme cet élève de 13 ans qui avait des relations sexuelles avec sa prof de 35 ans qui pensait que c’était une histoire d’amour! Non! C’est un viol !
Les « Grands hommes » et les « Grandes femmes » sont souvent inconnus et fontsouvnet le bien dans la discrétion
Les autres ne sont grands et en particulier ceux qu’a magnifié l’Histoire, cette « grande menteuse », qu’en apparence.