C’est « spontanément », au regret du ministre de l’Intérieur libyen, Fawzi Abdul Al, que des habitants de Benghazi – et sans doute des milices rivales – ont expulsé, vendredi dernier, trois milices de la ville. Les affrontements ont fait une quinzaine de morts, et sans doute de nombreux blessés. La milice Raffalah al-Sahati a réintégré sa base, mais non pas celle d’Ansar al-Charia, qui regagnera peut-être la ville ultérieurement. On ne sait toujours pas si les quatre hommes arrêtés après l’assaut du consulat américain et la mort de l’ambassadeur et de trois autres diplomates ou militaires américains sont ou non détenus et mis à la disposition de la justice…

D’un côté, la réaction des habitants de Benghazi est rassurante, d’un autre, le ministère de l’Intérieur libyen déplore qu’il n’ait pas été laissé assez de temps aux autorités pour intégrer les miliciens dans des forces armées ou de police autorisées.

En fait, les autorités s’appuient sur des milices mieux disposées que d’autres à leur égard, et le nième ultimatum lancé aux milices moins conformes, dites « illégitimes » (elles auraient deux jours pour évacuer leurs bases, ce qu’a fait déjà dimanche deux d’entre-elles, originaires de Derna, celles des Martyrs d’Abu Salem Shaouda et d’Ansar al-Charia), pose autant de problèmes qu’il est censé en résoudre. Soit leurs membres parviennent à retrouver une activité rémunérée ou lucrative, soit ils risquent de rester un élément d’instabilité.

De plus, il semble que l’assaut contre le consulat américain était délibéré, et qu’il n’avait que peu à voir avec une réaction spontanée de musulmans salafistes radicaux, émus par la diffusion de la fameuse vidéo L’Innocence des musulmans. Mais le procureur de Benghazi ne confirme ni ne dément que l’assaut s’est soldé par quatre arrestations, comme il avait été annoncé.

Les événements de ces derniers jours auraient fait au moins quinze morts. Neuf sont des manifestants qui avaient convergé vers la base de la milice Raffalah al-Sahati, apparemment légitime puisqu’elle a pu réintégrer sa base, six autres seraient des miliciens exécutés alors qu’ils évacuaient une base.

Des attaques de l’armée contre des bases des milices de Benghazi se sont reproduites dimanche dans la matinée à Tripoli.

Mais à Benghazi, des membres de la milice Raffalah auraient arrêté des militaires et des policiers…

Bref, la situation restait confuse, dimanche soir.
Cette mobilisation estimée spontanée peut rassurer les démocraties occidentales et inquiéter tant la Chine que la Russie pour lesquelles la stabilité d’un régime l’emporte sur d’autres considérations. Les deux pays, dont les gouvernements ont des rapports complexes avec leurs communautés musulmanes intérieures (et les autres : à Moscou, qui ne compte que quatre mosquées, des manifestations contre la construction d’une cinquième mobilisent des milliers de personnes), peinent autant que ceux de l’Otan à trouver des interlocuteurs fiables et pérennes en Libye.

Pour le moment, en dépit de la division des autorités libyennes sur l’attitude à suivre vis-à-vis de groupes islamistes dont la palette est large, les relations avec les pays de l’Otan restent majoritairement privilégiées (même si, sur divers plans, les relations commerciales avec la Chine et la Russie, et même aussi avec l’Iran, sont loin d’être réduites).

Une information attribuée à un quotidien arabophone non précisé (il s’agirait d’Al-Charq, mais divers quotidiens portent ce titre) a été reprise par les radios iraniennes Irib : la France envisagerait de créer une base militaire proche de champs pétroliers libyens. Si cette information avait un réel fondement, on ne sait s’il s’agirait de coopération pour la protection de l’industrie pétrolière ou d’une base avancée proche du Mali ou Aqmi et d’autres groupes islamistes radicaux ont pris le contrôle du nord du pays.

Les milices « illégitimes » ont sans doute consenti à collaborer avec l’armée ou les brigades autorisées afin d’évacuer leurs bases et camps. Reste à savoir si la plupart agissaient pour leurs propres comptes ou étaient influencées par des menées radicales et si leurs membres, rendus à la vie civile ou intégrés dans l’armée ou la police, constituent ou non encore une menace potentielle.

Al-Jazazeera rapporte que nombre des brigades ont pu conserver leurs armes et qu’elles ont pu se replier. Où et dans quelles conditions ? Si la plupart des libyens se félicitent de la dispersion de ces brigades, une minorité considère encore qu’elles étaient garantes de la révolution et les meilleurs garde-fous contre le retour aux affaires d’anciens membres du régime de Kadhafi…