Bien étrange cette maladie du passé qui s’obstine parfois à vouloir entacher une vie des couleurs pâles de la mélancolie en s’y immisçant par effraction à travers la moindre brèche qui lui est offerte. Voleuse du moment présent qu’avec subtilité elle sait geler, elle met en berne le moral de son otage l’acculant de fait à fixer le regard vers ces zones lointaines, ombrageuses, où bien qu’ensevelis, nombre de souvenirs déchus refusent désespérément de mourir. 

Vestiges indéboulonnables d’une période révolue, ils persistent à laisser diffuser en nous une même et intarissable palette de sourdes sensations tapissées de mots et de mots encore vivaces qui sporadiquement, d’assaut prennent le cerveau le mettant chaos. 

Alors un à un s’égrènent et se ré-égrènent indéfiniment ces mêmes petits bouts de vie inoxydables éparpillés pêle-mêle dans ce labyrinthe vertigineux du passé où en boucle sévit «le nœud de vipère» au milieu de tout cet inextricable imbroglio. 

Et quand la pesanteur de ce néant, couplée d’un dégoût de vie  se font trop envahissants, que l’instinct de conservation échoue face à la léthargie, à défaut de mettre le feu sur ces bribes d’histoire, sur la nostalgie, le recours à certaines psychothérapies apparaît comme étant l’ultime solution. 

L’administration des antidépresseurs fait partie de la panoplie des outils utilisés pour venir à bout de ces troubles car dit-on, la fameuse chimie du cerveau aurait une part de responsabilité non négligeable dans le déclenchement de tout ce remue-ménage psychologique. 

Le temps passant, je me rends compte de la vastitude du temps que l’on peut perdre au cours d’une vie à se morfondre sur des faits qui ne méritent malheureusement pas l’intérêt que nous leur portons pendant que l‘essentiel est voué au tout dernier plan pour ne pas dire sacrifié ! 

Ecouter les bruissements du monde jusqu’à la lie, à en oublier son pauvre nombril ! Il s’en passe des choses infiniment plus graves dans cette planète victime de maltraitance, aux habitants assoiffés de guerre et de sang, obstinément résolus à entretenir entre eux, vaille que vaille une rivalité devenue chronique. 

Des pays brûlent. Des populations, des enfants se meurent. Nombreux spoliés de leur vie, moisissent injustement dans des cachots dont ces Pussy Riot accusées d’incitation à la haine religieuse alors qu’elles ne faisaient qu’exprimer leur colère avec les moyens du bord. 

Quant aux aberrations qui peuvent fournir une explication partielle à l‘état piteux du monde, elles sont quotidiennement légion et la dernière en date s’illustre par l’engouement que suscite le blabla autour de la "secret story" entre le Thomas et la Miss par opposition à l’indifférence réservée aux problèmes de nature bien plus importante. 

Sans oublier celle qui a frappé Lance Armstrong, ce battant d’une belle exemplarité  qui n’a eu de cesse sa vie durant, de pédaler en solitaire à travers monts et montagnes pour en définitive se voir dépossédé de ses anciens prix par des juges se voulant tardivement, soucieux de l’irréprochabilité dans le  domaine  du sport, lequel baigne au milieu d‘une débauche quasi-générale ! Et j’en passe et des meilleures ! 

Bien loin d’être un fleuve tranquille, la vie se plaît à nous exposer à des situations pour le moins éprouvantes mais en y regardant de plus près, tous ces multiples signes ne seraient là que pour nous empêcher de nous rouiller, pour nous grandir tout en développant notre capacité à nous dépêtrer de notre bourbier de condition humaine. Sortir son épingle du jeu s’acquiert avec une dose de persévérance au bout de laquelle le moment présent cessera de glisser bêtement d’entre les doigts ! 

(texte écrit pour une personne qui m’est chère).