L’Empire du milieu (et son milieu politico-mafieux) reste-t-il aussi impénétrable que par le passé ? On pourrait l’imaginer facilement si, comme l’affirment des experts en reconnaissance faciale, Gu Kailai (ou Kalai), épouse d’un ex-dirigeant évincé, Bo Xilai, aurait fait condamner à la peine de mort avec sursis (en fait 14 ans d’emprisonnement), une sosie à sa place. Elle – ou son double – avait admis le meurtre de Neil Heywood, homme d’affaires britannique et possiblement son amant, pour le faire taire.
Jean-Luc Domenach, de l’Institut des Sciences politiques de Paris, avait estimé pour France 24 que la condamnation, hier lundi, en Chine, de Gu Kailai, était « hautement politique ».
Elle le serait en fait doublement si ce n’était pas elle, mais une sosie, qui se serait présentée devant le tribunal de Hefei. Cette substitution visait-elle à la protéger des rigueurs d’une détention ou à masquer son élimination définitive ? La question peut se poser, si tant était que les experts en reconnaissance faciale ne se soient pas fourvoyés.
Si elle se tient tranquille pendant deux ans, la condamnée à mort de Hefei verra sa peine commuée en un quart de siècle d’emprisonnement.
Divisez cette durée par au moins deux – voire plus de trois – si les mesures habituelles de libération conditionnelle parfois appliquées en Chine pour des personnalités lui bénéficieront.
Le sinologue Jean-Luc Domenach estime que le but n’était pas tant de condamner Gu Kailai que de ruiner la carrière de son époux, Bo Xilai, homme d’affaires mais aussi dirigeant du Parti communiste de Sichuan, qui passait autant pour le « Kennedy chinois » que sa femme pour une Jackie (plutôt Onasis qu’autre chose en raison de sa stature de femme d’affaires).
Ce qui a provoqué la chute du couple, c’est que l’un de ses seconds, un ancien haut policier, s’était réfugié à l’ambassade des États-Unis, et indiqué que Gu Kalai aurait empoisonné le Britannique Neil Heywood, un avocat d’affaires présumé avoir son amant, en l’entraînant dans une chambre d’hôtel.
La femme qui a été présentée au tribunal, en l’absence de tout observateur international, s’est livrée à une complète autocritique, déplorant avoir nui au parti, le PCC. Il y aurait-il eu négociation entre Bo Xilai et la haute direction du parti (afin d’adoucir le sort de son épouse, qui serait seulement assignée à résidence) ou aurait-il été estimé que Gu Kalai risquait d’être incontrôlable ?
La femme qui a comparu est beaucoup plus corpulente que la Gu Kalai, 53 ans, d’avant son arrestation. Le procès a duré deux jours, il a été télévisé, et le verdict, plutôt clément, faisant état de menaces qu’auraient proféré Neil Heywood, et d’une responsabilité atténuée de l’accusée du fait de problèmes psychologiques, a été rendu lundi. Neil Heywood avait aussi été présenté tel un agent secret du MI6 britannique.
Les experts en reconnaissance faciale estiment que ce n’est pas des traitements médicamenteux qui auraient suffi à transformer à ce point l’apparence de celle qui passait pour une sorte de future Première dame de Chine. Il est aussi souligné que d’autres cas de substitution de riches et influents accusés auraient défrayé la récente chronique judiciaire chinoise. Un tel prête-visage serait dénommé ding zui (ou remplaçant-criminel) en chinois.
Les experts, d’après photos et vidéos, ont particulièrement scruté la forme des oreilles des « deux femmes ».
À l’origine, la mort de la victime avait été officiellement attribuée à un excès de boisson suivi d’une crise cardiaque et sa dépouille avait été assez rapidement incinérée. Par ailleurs, une aventure romantique avait été attribuée à Gu, non pas avec le Britannique, mais avec l’architecte français Patrick Devillers. Mais Gu avait été aussi accusée par les médias d’avoir une sexualité très libre.
Il ne peut être exclu non plus que, dans un climat de théorie du complot, alimenté aussi par les partisans de Bo, et le fait que pratiquement tout accusé de meurtre en Chine encourt la peine capitale, les hypothèses les plus farfelues se répandent.
Le procès s’est déroulée dans une atmosphère surréaliste, l’accusée, pourtant une juriste très expérimentée, acquiesçant à presque tout, les témoins ne comparaissant pas tous, les accusations de menaces de la victime contre le fils de l’accusée ont paru improbable, et surtout, on se demande pourquoi la victime aurait été éliminée de la sorte.
Pour He Weifang, professeur de droit à Pékin, le procès aurait tenu de la farce destinée à masquer divers éléments bien davantage qu’à éclairer les circonstances réelles ou les relations entretenues par la famille Gu et Bo avec des hommes d’affaires étrangers.
Pour le moment, Bo Xilai n’est accusé que d’avoir tenté d’intercepter des communications téléphoniques ou fait écouter les conversations de Hu Jintao, le secrétaire général du PCC.
Pour le moment, au sujet d’une possible substitution, la presse fait certes de deux experts, mais ne les nomme pas encore.
Par ailleurs, le traitement infligé au complice de Gu, Zhang Xiojun, a fortement contrasté avec celui réservé à l’accusée. Il a été condamné à neuf ans pour avoir fourni le poison, à la demande de Gu. Selon diverses hypothèses, Gu pourrait être graciée dans les neuf prochaines années. Avoir utilisé une sosie pour lui épargner le désagrément de comparaître semble maladroit alors que le verdict clément est déjà très fortement critiqué par les uns, tandis que les autres considèrent que la femme de Bo Xilai n’est qu’une sorte de chèvre émissaire, injustement accusée après coup.
Bo et Gu étaient très peu rétribués pour leurs fonctions présentes ou passées. Mais le frère aîné de Bo et les soeurs de Gu ont amassé de considérables fortunes, ce qui ne peut que partiellement expliquer le formidable train de vie du couple.
Chine Nouvelle (Xinhua), dans son édition française, a commenté que Bogu Kailai avait été aussi privée « de ses droits politiques à vie ». L’agence note aussi « le juge en chef Hu Quanning a prononcé le verdict après avoir confirmé l’identité des accusés. ». Elle conclut que, le 13 novembre 2011, dans la chambre de l’hôtel Lucy Holiday, la victime aurait été « totalement ivre », puis se serait évanouie : « après que le Britannique eut vomi et demandé de l’eau, Bogu Kailai lui aurait fait avalé le poison », un dérivé de cyanure. Un laboratoire médico-légal aurait procédé à des tests toxicologiques et confirmé la thèse de l’empoisonnement.
La dépêche ne fait aucune mention de Bo Xilai. Dans ses précédentes versions en anglais, l’agence faisait état de Bogu Kailai “wife of Comrade Bo Xilai”, en ajoutant que tout contrevenant à la loi se traité en conformité à la loi, “no matter who is involved” (qui que ce soit).
Au sujet d’une possible substitution au tribunal, l’un des lecteurs du Daily Mail a sobrement commenté : « encore un exemple de mauvaise contrefaçon en Chine ». Mais d’autres restaient fortement sceptiques.
[b]et nous n’avons rien vu, c’est ce qu’autorise un régime de dictature communisto-mafeux qui n’a qu’à puiser dans les nombreuses recettes de l’histoire concernant tortures, maquillages, chantages, honey pot et autres façons de tromper les foules et/ou de les mâter…[/b]