Aujourd’hui, nul n’ignore que la Colombie est l’un des pays dont la crise sécuritaire est la plus vieille au monde. Elle est ce pays où la question des Forces armées révolutionnaire de Colombie (Farc) constitue un casse-tête et en même temps un goulot d’étranglement pour le pouvoir étatique en place à Bogota. Si, comme par un coup de chance, un ami de Bogota  nommé Hugo Chavez vient « s’interposer » là où beaucoup de ses pairs n’ont pas réussi à introduire la moindre brindille de cheveux, il y a de quoi se poser des questions sur ses chances de s’y emmitoufler confortablement.

La presse nationale colombienne et celle internationale sont revenues largement, ces dernières 48 heures, sur le fait qu’un des responsables des Farc se serait dit « favorable » à une rencontre entre le chef de la guérilla colombienne Manuel Marulanda, ou son représentant, et le président vénézuélien Hugo Chavez . Lequel, rappelons-le, a terminé à la fin de la semaine dernière, une visite de plusieurs heures en Colombie. Cette visite de Chavez a été un moment-clé dans l’entrelacement des relations carrément inamicales, pour ne pas dire va-t-en-guerre, entre Bogota et la guérilla marxiste des Farcs. En ce sens que ces deux parties qui ne s’entendent que sur leurs désaccords, avaient fini de se livrer, comme d’ailleurs à l’accoutumée, à un dialogue de sourds. Dans cet atmosphère on ne peut plus délétère, chacune croit être dépositaire du monopole de la  vérité et de la raison. Au point que l’une ne fait jamais ou très peu de gestes agréables aux yeux de l’autre.

C’est dans ce climat quasi-perpétuellement de bas étage, très préjudiciable au commun des colombiens, notamment des dizaines d’otages aux mains des Farc, que Hugo Chavez a programmé sa visite. Il profitera alors de ses « bonnes » relations personnelles avec chacune des parties, pour faire avancer les choses, tant soit peu, dans le bon sens. Du moins au vu de ce qui a été rendu public En atteste l’espoir suscité auprès des familles des otages. Espérons que ce le soit pour le reste.

Bénéficiant alors de l’estime des Farc qui n’ont pas exclu de tenir une rencontre de partage avec lui, mais aussi de celui de Bogota qui l’a « mandaté », comme rapporté par les médias internationaux, pour faire office de médiateur entre les deux parties, Chavez passe inéluctablement pour l’homme du moment. Par conséquent, il peut et doit déplacer les frontières de l’irréalisme des protagonistes colombiens.

Sachant donc qu’Hugo Chavez peut y arriver, et, pourquoi pas, à faire libérer des otages côté Farcs et des prisonniers du côté opposé, il ne pourrait en aucun moment être considéré comme un simple bienfaiteur, circonstanciel . Mieux, Chavez serait alors le trait d’union entre Alvaro Uribe et les Farc. Trait d’union, au sens premier du terme. Puisque s’il réussit son coup d’essai en faisant libérer un minimum de 545 personnes dont 45 otages, comme annoncé dans la presse colombienne, il amorcerait du coup un tournant non moins satisfaisant dans la gestion de la question des Farc par Bogota. Ou vice-versa.

 

Boubacar DIASSY