Un quartier résidentiel comporte, pour ceux qui y ont vécu, une certainement touche de nostalgie. On garde en nous des souvenirs d’enfance, des parties de cache-cache, des heures à lézarder au soleil, des après midi à jouer au ballon dans la rue, des camps secrets faits de fétus de paille dans un petit coin de nature environnant ou bien encore, des petits boulots afin de gagner quelques piécettes. Un quartier, c’est tout un pan de notre histoire. En Chine, les résidents de certains quartiers pleurent la perte de cette partie d’eux mêmes. Ils se retrouvent comme amputés d’un membre. Des fleurs déracinées dont le pot est brisé.

 

Les bourgs avoisinants les grandes villes, jusque là calmes et sereins, sont touchés par une vague destructrice. On fait tabula rasa pour satisfaire les envies commerciales de promoteurs immobiliers dont le seul but existentiel est de faire de l’argent, toujours plus d’argent. Une cupidité condamnable mais ‘exercée avec l’accord des pouvoirs publics. Une connivence gagnant-gagnant, des profits au détriment de riverains déconfits. Une mécanique en accélération depuis l’envol économique du pays à la fin des années 1990.

 

 

Les pelleteuses réduisent à néant des maisons chargées d’histoires. Les chenilles de ces engins destructeurs roulent sur des photos de famille gisant sur le sol. Le bahut de grand mère ne ressemble qu’à un amas de planches insignifiantes, de la mousse sort du ventre d’un ours en peluche, alors unique confident d’un enfant en bas âge et la porte d’entrée qui faisait office, jadis, de lieu de passage pour entrer dans un foyer chaleureux, se retrouve dégondée et ne protége plus aucun cocon familial.

 

 

Aussi bien dans la province de Shanxi, que dans celle du Yunnan, on assiste à des drames en séries, pire qu’un drama que savent si bien nous concocter nos amis chinois. Des gestes de désespoir perpétrés dans l’ensemble du pays.



On ne compte plus les exemples tel que celui d’une vielle femme, attachée à son village, préférant mourir que de voir sa terre natale, emplie de charme, se changer en une vaste zone résidentielle sans saveur, sauter du dernier étage de l’Hôtel de ville car la somme proposée par les pouvoirs locaux, afin de l’indemniser, n’était pas suffisante pour l’empêcher de commettre l’irréparable. Ou bien encore, le cas d’un homme, jeune père de famille, qui s’est fait réduire en pièce de puzzle avec de la dynamite. Un geste qui a fait des dommages collatéraux. Les cadavres de ces "sacrifiés" sont souvent incinérés en secret et en tout urgence, pour éviter que les médias n’en fassent leur choux gras. Si une information a le malheur de filtrer sur le site internet d’un journal, elle se voit être supprimée dans les jours qui suivent. La Chine, un pays dictatorial? A vous de juger.



Les services publics se remarquent par leur inertie face aux demandes des propriétaires souhaitent un coup de frein sur les expropriations forcées. Tel un schizophrène à multiples facettes, paradoxalement, ils se mettent en quatre pour arrêter, souvent violemment, les manifestants.

 

 

Les dirigeants politiques exproprient et dédommagent peu, ils permettent aux richissimes promoteurs de racheter des terrains pour une bouchée de pain. Ces promoteurs deviennent de ce fait, les acteurs dominants de la politique immobilière. Un premier pas pour ces investisseurs ambitieux, dans le but de toucher les hautes strates du pouvoir. En possédant des terrains, achetés grâce à la corruption de fonctionnaires, forts convoités par les entreprises, ils côtoient et tissent des liens avec les milieux industriels. Les propriétaires terriens sont en phase de devenir les nouveaux maîtres de demain. Leurs volontés sont de plus en plus prises avec considération et, progressivement, ils influencent les orientations politiques locales.

 

 

Le paysage urbain se transforme : aux anciennes maisons traditionnelles, typiquement chinoises, se substituent des lofts et des appartements de standing sans spécificité architecturale. L’environnement sonore se retrouve lui aussi perturbé. Les petites cloches situées à l’entrée des magasin, tintant à chaque fois qu’un nouveau client franchit le seuil, sont remplacées par des jingles synthétiques vantant les mérites d’un énième produit qu’ il "faut" acquérir pour être moderne.