Dans chaque domaine d’activité, il y a toujours eu un précurseur.

En Côte d’Ivoire, il y a un auteur, originaire de Grand-Bassam, la première capitale du pays de l’Eburnie, du nom de Bernard Bilin-Dadié, qui répond à ce profil. A l’instar de René Maran qui a laissé Batouala à la Guyane, lui en a fait autant pour la Côte d’Ivoire par le canal de son non moins célèbre roman « Climbié », qui a marqué le parcours scolaire des enfants des indépendances africaines que nous sommes. Les dictées pendant les examens scolaires naguère tirées de cette œuvre n’étaient pas de l’eau à boire.

Mais nous réussissions quand même à faire de notre mieux pour être au tableau d’honneur. Quel parent d’élèves ne serait pas heureux de voir épeler  le nom de son enfant parmi les cinq premiers de sa classe ! Dans certaines familles l’on conditionnait la prise du repas du soir aux enfants par  la connaissance exacte de leur leçon… Même celui qui est allergique à la lecture ne pourra pas tarder à tomber sous le charme de cet auteur qui manipule à merveille la langue de Molière, en parlant de son époque, du temps colonial que beaucoup d’entre nous ne connaissent pas.

La première version de Climbié a été écrite en 1952, mais éditée pour la première fois en 1956, sous la bannière des éditions Seghers. Au hasard de ma lecture je tombe sur ce passage : « La rentrée ! Le matin, de bonne heure, les enfants débouchaient de tous les côtés, de tous les coins, de toutes les ruelles, avec des sacs sous le bras, des cerceaux en mains. L’école bruyante, mouvementée, animée, revivait. Elle faisait penser au retour des tisserins dans les palmiers. Sa volée de moineaux lui était revenue. Partout des chants, des appels, des cris. Les anciens se saluaient, joyeusement, tandis que les nouveaux, dépaysés, cherchaient un maintien, désorientés, inquiets, ils s’accrochaient à leurs parents. » Quel style cadencé ! L’on se croirait  à un spectacle musical ! Dadié ayant plusieurs cordes à son arc ne pouvait qu’avoir ce style prosaïque, poétique, inspiré sûrement par sa vie en campagne, auprès de son oncle Assouan Koffi. Même si Dadié dément que ce roman qui fait la satire des temps coloniaux n’est pas un roman autobiographique, cela n’empêche qu’il y a quand même une grande pente de sa vie à l’intérieur.
Lire Climbié, c’est faire un voyage à la fois vers le passé colonial et celui de la culture africaine de l’oralité. Dans ce monde moderne où l’enfant africain a du mal à avoir un repère sur lequel il faut s’adosser, ce livre peut constituer un point d’appui non négligeable pour lui.
L’écrivain Bernard Dadié servant d’intermède entre le passé et le présent, il n’en demeure pas moins un auteur incontournable dans la sphère littéraire ivoirienne, africaine que mondiale, cet auteur aux multiples œuvres dont « Un nègre à Paris » et autres.
                                                                                                  Constant Ory, Ecrivain

 

 

 

Editeur : NEI, Abidjan, 2003.
ISBN : 2 84487-205-0
Publié précédemment par les Editions Seghers, Paris, 1966, 1973.