On ne peut relire le verbatim de la conclusion des deux candidats, lors du long débat du 2 mai dernier, sans remarquer le côté prémonitoire de leurs tout derniers mots.
Une prophétie qui s’avère plus aisée à détecter a posteriori cependant (c’est tout de même plus facile, tous les instituts de sondage vous le confirmeront…) :
« je souhaite vous mener dans ce contexte difficile », pour l’un…
« Je veux que les Français reprennent confiance et espoir », pour l’autre.
Et de fait, un peu plus de la moitié d’entre eux a démontré son espoir en témoignant d’une confiance nouvelle. Pourtant, à les observer et à les écouter hier soir sur la place de la Bastille, passées les premières exultations, on sentait bien à une certaine gravité qu’ils étaient pleinement conscients de la difficulté du contexte.
Pendant ce temps, l’autre à peine moitié affrontait à la Mutualité un contexte difficile au travers duquel les moins affaiblis parvenaient malgré tout à entretenir un lueur d’espoir au travers d’une confiance réaffirmée à contretemps.
Gageons que le poids et l’accumulation des contraintes qui ne vont ni manquer, ni tarder à se manifester vont exercer avant l’été leur érosion sur les certitudes les plus ancrées des uns comme des autres. Au point peut-être qu’ils en viendront à redouter un début d’Alzheimer, en tentant de se remémorer, mais en vain, qui était l’auteur de laquelle des deux affirmations.
Osons même le pronostic (a priori cette fois, une vraie folie !), sans pour autant vouloir jouer les Cassandre, qu’elles pourraient s’avérer interchangeables dans cinq ans.
Pour les uns, « les ennuis commencent maintenant », selon la combien juste formule inventée en 1936, mais qui n’est pas près de se démentir ou même simplement de se démoder. Ils s’affirmeront dès qu’il s’agira de commencer à bouleverser de longues habitudes.
Pour les autres, des vocations vont naître ou s’affirmer, l’espoir d’Iznogoud le disputant sans complexe à la confiance défunte en Haroun el Poussah, selon le casting et le scénario classiques des révolutions de palais.
Et pourtant, comme ils seraient tous bien inspirés de méditer ce qui ressemble au fond à une évidence : « Révolution, c’est un mot mal choisi, parce que ça veut dire un tour complet. Par conséquent, ceux qui sont en haut descendent jusqu’en bas, mais ensuite ils remontent à leur place primitive… et tout recommence ».
Cela aussi était écrit, voici plus d’un demi-siècle ! Par Marcel Pagnol, dans la Gloire de mon Père…