Pour ceux qui ont cru qu’il irait à CPI- Dieu seul sait combien ils sont nombreux-pour répondre d’éventuels crimes commis pendant sa rébellion, c’est la grande déception. Soro  Guillaume, c’est de lui qu’il s’agit, gravi avec une rare assurance les marches glissantes des escaliers de la république de Cote d’Ivoire. Aujourd’hui, il est aux portes de la présidence après s’être fait plébiscité à l’assemblée nationale pour tenir le perchoir durant les cinq années à venir. Contre vents et marées soufflant dans tous les sens, le député de Ferkessédougou, localité située dans le nord du pays, avance lentement mais surement, au gré des coups de force et de chantages.

 

 

 L’ascension d’un maître chanteur

 

Les méthodes de cet intellectuel moyen dont on ne sait exactement les diplômes universitaires, sont basés sur les compromis de toutes sortes. Son entrée en politique commence avec l’émergence de la nouvelle élite des années 90. Une émergence suscitée par le déclin de l’URESS que d’aucun ont appelé le vent de l’est. Etudiant à l’université d’Abidjan en faculté d’anglais, Guillaume Soro militant au sein de la sulfureuse fédération estudiantine, (la FESCI) en prendra la tête en 1995. C’est un mouvement d’opposition qui a maille à partir avec le pouvoir d’alors dirigé par Henri Konan Bédié, son allié aujourd’hui par Ouattara interposé. Après cette brève expérience où il passe la main à Charles blé Goudé à la tête de la fédération, « Bogota » comme on l’appelle dans le cercle très fermé de ses amis, disparait des sillages politiques pour réapparaître en septembre 2002 en revendiquant la rébellion qui venait de frapper la cote d’Ivoire. Laurent Gbagbo était alors président de la république. Les multiples accords qui s’en sont suivi ont vu Guillaume Soro devenir avec ses compagnons d’armes ministres dans les gouvernements successifs improvisées pour faire plaisir au chef rebelle et ses parrains qui n’ont jamais eu le courage d’avouer leur complicité. Le 4 mars 2007, suite aux accords politiques de Ouagadougou, il devient premier ministre et allume à Bouaké, deuxième ville du pays et fief de la rébellion, la flamme de la paix avec l’ex-chef d’Etat. Le chef rebelle ne dépose pas pour autant les armes contrairement à ce qui avait été consigné dans lesdits accords. Après la débâcle des élections de novembre 2010, il rempli définitivement sa part de contrat vis-vis de celui pour qui il s’est toujours battu. Soro Guillaume prête main forte à Alassane Ouattara dans la bataille d’Abidjan. Ce qui lui vaudra de rester encore pour un temps au poste de premier ministre, doublé de celui du ministre de la défense, au mépris de la promesse faite à Bédié par Ouattara.

En quittant ce poste après plusieurs tractations nocturnes le 8 mars dernier, le nouveau président de l’assemblée nationale affirmait partir le cœur léger, l’âme en paix et le sentiment du devoir accompli. « Devoir accompli », a-t-il dit, pour avoir pris les armes et endeuiller des milliers d’ivoiriens, plonger le pays dans un chao dont il peine à se relever et désorganiser tous les fondements du mérite et de l’amour de la mère patrie. Tant pis pour les idéalistes qui croient que seule l’obéissance aux lois que l’on s’est prescrites est liberté. L’ancien chef rebelle est monté au perchoir de l’assemblée nationale sous la bannière du RDR, partie du président de la république au sein duquel il n’a commencé à militer officiellement qu’à la veille des législatives du 11 décembre dernier. Pas donc besoin d’être divin pour comprendre qu’il n’a atterri là que par arrangement politique sans lequel, il se serait retrouvé à la cour pénale internationale. Candidat unique du reste pour souligner son poids politique non négligeable, il devient de facto l’homme à même de remplacer le président de la république en cas de vacances du pouvoir.

Et pour ceux que cela exaspère comme les 12 députés qui ont eu le courage de dire non parmi plus de 200 béni-oui-oui à l’hémicycle, il faudra attendre encore avant de voir l’ancien rebelle faire face à la justice. Pour l’heure, le bouclier de l’immunité parlementaire fait autorité absolue de la chose établie.