Les Brésiliens jouent avec le même enthousiasme, au foot, aux cartes, au bingo ou à la loterie. Et plus encore quand, comme c’est le cas avec le bicho (qui est la loterie clandestine) quand des sommes faramineuses y sont, une fois mesurées à l’échelle nationale, investies, permettant aux heureux gagnants d’améliorer leur quotidien. Et ce même si les seuls vrais gagnants à cette loterie sont les organisateurs et les gestionnaires,  tous appartenant aux grandes familles mafieuses du pays.

 

Les Brésiliens sont également un peuple non seulement très extraverti, mais très voyeur, y compris quand le voyeurisme se réfère à la misère sociale.

 

A titre d’exemple, l’une des chaînes de télé de l’Etat de Bahia (i.e. "Record Bahia"), avec siège à Salvador, retransmet, chaque midi, une émission appelée "Se liga Bocão”.

 

Le principe de l’émission, qui dure plus d’une heure, est toujours le même : il existe, à l’extérieur du studio, une équipe volante de  journalistes chargées de suivre, micro et camera en main, la Police Militaire (responsable de la sécurité intérieure) qui procède chaque jour, notamment dans les quartiers les plus insécurisés ou défavorisés de Salvador, à des interpellations et à des arrestations pour vol, agression à main armée, viol, meurtre, détention et trafic de drogue, de voitures volées, ou d’armes.

 

Et à chaque fois aussi, on voit, en direct, la ou les personnes arrêtées, menottes aux poignets, la tête basse ou cherchant à se cacher (mais pas toujours),  et interrogée(s) par le journaliste qui est resté au studio et qui, vu, l’audience de l’émission, est devenue une vraie star de la télévision brésilienne.

 

 

A vrai dire ce sont parfois deux journalistes qui, au studio, se relaient afin de faire vivre en direct les événements susmentionnés.

 

Et ne croyez pas, chers amis de la France, que ces journalistes se contentent de faire leur métier. Cela va bien plus loin puisque l’on assiste, sous leurs auspices, à un véritable show qui consiste pour eux, une fois mis en duplex, par caméras interposées, avec le gars interpellé par la Police Militaire, à jouer le rôle tout à la fois de juge inquisitorial, de pourfendeur  et de donneur de leçons de morale qui, en élevant la voix et en tapant du poing sur la table, se met à tancer l’interpellé en lui disant des choses comme :  "t’as pas honte, mon gars, d’avoir agi comme tu l’as fait; as-tu pensé à tes parents ou à tes enfants"; etc,. etc; et qui, chaque jour aussi, ne cessent de remercier, en direct, la Police Militaire – en citant les noms des personnes engagées dans les arrestations –  pour son travail remarquable.

 

Et tout ceci avec ce sens inné du spectable comme seuls des latins au sang chaud d’Amérique du Sud peuvent s’en montrer capables. Et c’est précisément cela que les téléspecteurs adorent en assistant à l’émission : voir ce spectacle offert  par des journalistes qui jouent les redresseurs de tort chaque jour que Dieu fait, eux qui pourtant savent fort bien, en leur for intérieur, que tout cela est du blabla, puisque la violence, dans certains quartiers de certaines gandes villes du Brésil, n’a pas diminué d’un iota depuis le début de ce genre d’émission. Et ce pour le plus bonheur, d’ailleurs, des journalistes concernés, puisque sans cela ils seraient au chômage ou affectés à des reportages moins gratifiants en termes de popularité auprès du grand public.