Pourquoi un Jacques Cheminade, qui vient d’avoir ses 500 signatures d’élus, ne fera-t-il sans doute que moins de 2 % dans les sondages et dans les urnes alors que Mélenchon dépassera peut-être les 11 %. Après, tout Cheminade ferait un très bon ministre des Finances, et un collègue de gouvernement apprécié d’un Dupont-Aignan, lors d’un quinquennat Mélenchon…
J’ai parfois conversé avec des militants du mouvement de Jacques Cheminade, lu les documents qu’ils diffusent, et pu constater le bien-fondé de nombre de leurs thèses.
Il suffit de lire en ligne, sur son site, le projet qu’il défend pour constater la convergence avec l’ensemble de ceux qui considèrent que les mécanismes de la finance, mis en place par le Square Mile (la City) et Wall Street, sont néfastes pour le plus grand nombre.
Mais Cheminade n’a pas le style ni le parcours d’un politicien classique.
Il ne parle pas à l’émotion, ne s’est jamais compromis avec l’une ou l’autre des formations dominantes, de celles qui, alors qu’il dénonçait, voici déjà plus de deux décennies, la financiarisation galopante, la confortait tel à présent le candidat Hollande qui ne s’y attaque surtout pas de front.
Cheminade n’est ni un « austère qui se marre » (Jospin), ni un austère qui compatit (Sarkozy, depuis très peu). Il ne cherche pas à susciter la sympathie, l’émotion, la ferveur, l’adhésion partisane, mais à susciter une réflexion de fond.
FN et LO-NPA compatible
Si on s’en tient à ce que proclame le Front national, hors bondieuseries et obsession de l’immigration, Cheminade est aussi compatible avec les aspirations des électeurs et électrices du FN qu’avec celles de l’extrême-gauche (PCF et Front de Gauche inclus). Car comme le programme du FN est un gigantesque fourre-tout dans lequel, si on ne décèle pas les contradictions flagrantes, tout le monde peut y trouver son compte, sur l’essentiel, soit un retour à l’écu, ou une inflexion de la politique monétaire européenne (ce que souhaite Mélenchon), où se situe vraiment la différence ?
De même, si l’on écarte la phraséologie, pour se livrer à une véritable analyse sémantique, à quelques iotas, bémols ou dièses près, Cheminade est tout à fait en phase avec, non pas tout ce que revendiquent les trotskystes de Lutte Ouvrière ou du NPA, mais ce qu’ils pourraient souhaiter faire dans un gouvernement de gauche très élargi. Ah, certes, là où Nathalie Arthaud classe des mesures sous l’intitulé « Lutte de Classe », là où Poutou évoque l’autogestion sans la nommer, on trouvera bien quelques divergences de forme.
Et puis, bien sûr, il laisse aux homosexuel·le·s le droit de vivre dans l’indifférence, considère peut-être que le droit au logement des sans-papiers relève de politiques territoriales, et sans considérer que nombre de questions sont des débats de seconde zone, il se consacre uniquement à traiter des réels fondamentaux, économiques prioritairement.
L’épisode LaRouchiste
Évidemment, quand certains adhérents ou sympathisants du FN lisent sur son site qu’il poursuit « une polémique infatigable contre le chauvinisme nationaliste et le totalitarisme international », certains peuvent se croire visés, alors qu’il n’en est rien.
Il y a aussi de fortes divergences, non pas avec l’ensemble des écologistes, mais avec ceux qui estiment que la défense « d’un nucléaire citoyen, opposé à celui des nucléocrates » doit lui valoir l’anathème.
Pourtant, ce qu’on lui a le plus reproché, c’est d’avoir un moment réfléchi de conserve avec Lyndon LaRouche, candidat étasunien hors normes, ancien trotskyste, mais dont le candidat démocrate John Kerry n’avait certes pas refusé le soutien.
Autant je mets quiconque au défi de lire et étudier les programmes du FN, de l’extrême-gauche, de Dupont-Aignan, de Mélenchon bien sûr, et même les promesses hasardeuses et illusoires de Sarkozy, sans y trouver parfois son compte, une convergence de convictions, autant j’assure qu’il en est de même avec nombre de thèses de LaRouche. Je parle du plus grand nombre d’entre nous, évidemment, pas des rares prédateurs qui approuvent les expulsions de gens grevés d’hypothèques tandis que LaRouche voulait les placer « sous protection fédérale de banqueroute ».
Mais comme LaRouche cherche autant à s’attirer l’attention qu’un Jean-Marie ou une Marine Le Pen en polémiquant sur tout et souvent à travers, développe une pensée originale souvent à contre-courant (ainsi, il attribue davantage la découverte de la gravitation à Kepler qu’à Newton, ce dont je me dispenserai de discuter, car cela ne modifie en rien mon quotidien), Cheminade, qui se préserve bien de faire de même, lui est encore assimilé. C’est un peu faire de Marine Le Pen une groupie forcenée de Brasillach, ce que Mélenchon réussit fort bien pour le plus grand plaisir de ses troupes, n’en pensant pas moins (si c’était le cas, en privé, il ne tutoierait pas la présidente du FN en échangeant des blagues avec elle ; mais il dénonce en revanche, vertement, les thèmes qu’elle emploie).
528 signatures
En donnant à Cheminade leur signature, 528 élus de base ont pris des risques considérables. Avec un maire, un conseiller général ou régional FN, on peut toujours s’arranger. Il suffit de proposer de discrètes compensations en coulisses, ou d’arranger des affaires personnelles ou familiales, de laisser embaucher un militant. Ainsi obtient-on de cruciales abstentions sur des projets économiques, le vote contre sur des sujets sociétaux ou symboliques ne faisant frémir personne.
Parrainer Cheminade, c’est en quelque sorte proclamer qu’on ne s’est pas fait élire pour faire carrière, et qu’on ne cherchera pas à se faire réélire à tout prix. Candidat depuis 1995, Cheminade s’est retrouvé ruiné, un temps saisi, et il n’y a strictement rien à en attendre en termes de places, d’avantages divers.
Il ne s’attend même pas à ce que ceux qu’il pourrait convaincre votent pour lui, ne préférant pas un « vote utile ». Il se définit « gaulliste de gauche », ce qui n’est pas infâmant.
Nicolas Miguet, autre candidat, avait, en 2002, mis en garde les maires : ils allaient soutenir un délinquant, doté d’un « lourd casier judiciaire », à la tête d’une secte, ce qui allait leur valoir des enquêtes du fisc. Tout cela était du Sarkozy-Morano vraiment trop poussé, totalement faux, et Miguet fut clairement condamné. Hommage du vice à la vertu, avait conclu Cheminade.
Faute d’entendre, lire
On pourra estimer que les voix se portant sur Cheminade seront perdues pour tout le monde. Mais ses démonstrations ne tomberont pas que dans les oreilles de sourds.
Je ne suis pas un inconditionnel de Cheminade, loin de là, que j’estime un peu trop cassandre, même s’il avait parfaitement vu juste, et longtemps à l’avance, sur la crise financière, économique et sociale actuelle, notamment dans son pointage des principales causes. Je ne suis pas aussi optimiste que lui sur l’avenir du nucléaire de xième génération, pas convaincu qu’une autre approche de l’euro que la sienne ne soit pas possible.
Mais pour le moment, l’euro tel qu’il reste envisagé, est bien au cœur du « projet européen de “régulation” de la finance (…) en cogestion entre les banques et l’administration de la Commission, sous la tutelle, le protectorat, des experts financiers » internationaux.
Un vrai débat
Au lieu d’avoir tel ou tel candidat se voir sommé de rétorquer on ne sait quelle nouvelle petite phrase en réponse à telle ou telle autre d’un concurrent, on aimerait entendre et voir certains grands candidats (par les sondages) devoir se prononcer sur tel ou tel point du programme de Cheminade.
Évidemment, les journalistes sont aujourd’hui rétribués pour dénicher le titre qui fera des ventes ou la réaction fournissant de l’audimat.
Un vrai débat entre Mélenchon et Cheminade sur les moyens de juguler la finance et la spéculation ferait fuir les trois-quarts des téléspectateurs, estime-t-on d’avance.
Plutôt qu’un duel convenu Mélenchon-Bayrou, je préfèrerais entendre Cheminade demander à Éva Joly si elle entend mettre fin à toute recherche fondamentale sur le nucléaire et si le renoncement à l’EPR y mènerait ou non. Flop assuré, si ce n’est auprès de celles et ceux se préoccupant vraiment de la question, sans œillères (et je ne doute pas qu’Éva Joly aurait de solides arguments).
Je vois bien l’utilité d’un François Lenglet, de BFM Business, qui s’attarde, graphiques à l’appui, sur tel ou tel point du programme d’un candidat ou d’un autre, je préférerais que ce soit Denis Robert, à l’occasion, qui titille les candidats sur les grands mécanismes financiers.
Comme l’exprime Mélenchon, « la pratique politique est une pédagogie de masse ». En tribun, il est fort, le Mélenchon. Mais en appui sur le fond, le Cheminade n’est pas de trop, loin de là…
Évidemment, il est beaucoup moins drôle qu’Iznogoud président, celui qui ne pense pas qu’à sa réélection seulement en nous rasant ; mais Cheminade, sans doute ni élu, ni réélu, ne cessera pas, lui, de faire de la politique.
[b]bel article Jef,
Le pauvre Cheminade va encore y laisser sa chemise et c’est vrai que tout ce qu’il dit mérite un peu, tout petit peu d’attention.[/b]
Bonjour,
Je soutien le candidat CHEMINADE, et j’ai une qestion pour la REDACTION du site, pourquoi sur le sondage a droite de l’article (Qui est votre favori pour le premier tour de l’élection présidentielle ?) il y a plusieurs candidats sauf Cheminade … pourriez-vous rectifier le tir ?
Merci.
Je suis bien d’accord avec vous, Pierre-Paul Gallion. J’espère que l’administration pensera à rectifier (d’ailleurs, il manque aussi Carl Lang, par exemple).
Bonjour,
Ce n’est pas gagné pour faire rajouter les candidats qui manquent dans le sondage…