Italie : plus d’un million de maisons et bâtis « fantômes »

Rien qu’à Vicenza, 9 000, rapporte Il Giornale de Vicenza, estimés valoir 2,8 millions d’euros de revenus fiscaux : ce sont les biens immobiliers « fantômes », qui, en Italie, dépassent le million (1 081 698 dépistés l’an dernier). Il y a de tout, des entrepôts, des commerces, des maisons individuelles et des immeubles. L’Agenzia del Territorio et le fisc italien ont rendu publique lundi une mise à jour, au 31 décembre dernier, de leur recension des biens immobiliers ne figurant pas sur les relevés du cadastre. Un vrai sport national, la dissimulation des biens construits.

Toutes les régions et provinces d’Italie sont touchées par le phénomène.

Sur des parcelles, on construit, on occupe, on loue, en toute discrétion et anonymat.
Et on a construit ainsi plus d’un million d’édifices divers…

 

Mais c’est fini, enfin, jusqu’à la prochaine opération, grâce aux images satellitaires confrontées aux plans et registres cadastraux.

 

Cela va représenter 472 millions d’euros de rentrées fiscales pour l’État italien.

Au nord, ce n’est pas « si pire ».

Outre les quelque 9 000 maisons fantômes de Vicenza, surtout des entrepôts (3 419), il y a Trévise (environ 16 000 biens non enregistrés), Padoue (près de 12 000). Mais la plus grande concentration se trouve au sud, en particulier à Naples et aux environs, à Cosenza, Salerne et Reggio di Calabria. C’est évidemment bien moindre dans le Val d’Aoste, peu dense et montagneux : 589 recensements.

Plus généralement, la lutte contre toutes les formes d’évasions fiscales a permis à l’État italien de récupérer déjà 12 milliards d’euros. Et ce n’est pas fini. Ce n’est que le dixième ou le douzième du total estimé.

Pour ces biens non déclarés, l’Agence du territoire avait l’an dernier fait appel « au public » (entendez aussi aux maires, par exemple), et déjà recensé, fin avril 2011, 1 065 484 parcelles. Depuis, le nombre a augmenté, grâce à l’exploitation d’images satellitaires, et l’Agence traitera encore, d’ici la fin du mois, 368 664 parcelles repérées.

La valeur globale de tout ce construit est estimée générer 817,39 millions d’euros de revenus.

Pour Rome et le Lazio, La Reppublica donne le décompte : 12 711 appartements, 9 240 magasins ou entrepôts, 4 789 garages, et 5 278 édifices divers de bureaux, ateliers, &c., rien que pour la capitale (3 % du national). Soit plus de 80 000 avec la province. Mais Rome représentait un manque à gagner de 23 millions d’euros à elle seule.

Chaque quotidien régional italien détaille les chiffres de sa province, indiquant parfois le chiffre des habitations ou bâtiments qui devront encore faire l’objet de vérifications (655 ateliers ou fabriques pour la province de Viterbo, par exemple).

Il faut bien sûr faire la part des choses car certains biens immobiliers sont dégradés (et parfois sans toiture). Mais la plupart font l’objet d’une occupation, par des propriétaires, des familiers, ou des locataires. Cela donne une idée de l’ampleur de l’économie « grise » italienne.

La dette globale de l’Italie devrait avoisiner  2 000 milliards d’euros, plus de 120 % du PBI.

La lutte contre l’évasion fiscale semble avoir eu pour corollaire (si ce n’est pour conséquence, partielle, avec la montée de la crise, qui pousse à jouer) une montée des recettes des paris (+30 % générant plus de 1 578 millions d’euros nouveaux, pour le seul loto). Les impôts directs sont restés presque stables (+0,2 %), mais les recettes indirectes ont cru de 2,3 % depuis fin 2010.

La fraude cadastrale est une tradition qui remonte à loin, notamment dans les Pouilles, où les maisons de type trullo anciennes, toutes en pierres superposées sans mortier, pouvaient être effondrées en n’en retirant qu’une seule, en prévision du passage d’un percepteur.

Cette supposition a toutefois été contestée. Les trulli de la valle d’Itria coûtaient peu mais demandaient une main d’œuvre abondante, pour les construire et les reconstruire. Leur mode de construction a évolué, le mortier et le torchis devenant employés, et les plus plus belles habitations, reliées entre elles, se louent à présent fort cher.

Auteur/autrice : Jef Tombeur

Longtemps "jack of all trades", toujours grand voyageur. Réside principalement à Paris (Xe), fréquemment ailleurs (à présent, en Europe seulement). A pratiqué le journalisme plus de sept lustres (toutes périodicités, tous postes en presse écrite), la traduction (ang.>fr. ; presse, littérature, docs techs), le transport routier (intl. et France), l'enseignement (typo, PAO, journalisme)... Congru en typo, féru d'orthotypographie. Blague favorite : – et on t'a dit que c'était drôle ? Eh bien, on t'aura menti !