Pour le reste, une société ne peut progresser correctement que si la classe moyenne représente sa grande majorité, société où chacun a sa place au sein des nombreuses entreprises qui constituent son tissu économique.

Or c’est là que le bât blesse aujourd’hui :  à force de mépriser les métiers manuels et de privilégier les études, la société actuelle, en France comme ailleurs, a créé un important volet de chômage parmi tous ces jeunes diplomés qui, parce qu’ils n’ont aucune expérience pratique, ne sont pas près d’avoir un emploi, sinon comme petite main chez Mac Donald ou ailleurs.

Dans ces conditions, il importe que  les responsables de l’instruction publique repensent complètement les formations à donner aux jeunes, en les en poussant, grâce aux écoles professionnelles et techniques mises sur pied à cet effet – et ce en concertation avec les entreprises –  vers des métiers manuels (au sens technique du terme, et non au sens péjoratif), lesquels sont bien plus porteurs d’avenir, pour les futurs pratiquants, que des hautes études où les étudiants n’ont aucun contact, sauf dans certains secteurs très spécifiques, avec la réalité  du monde des entreprises.
 
Quant  à ces entreprises, elles doivent former, sur tout le territoire du pays, un réseau où les PME-PMI sont très nombreuses et impliquées dans tous les domaines de la production et de la recherche (que ce soit dans l’agriculture, la sylviculture, l’industrie, les services, les loisirs, le tourisme, les transports ou l’environnement), permettant ainsi, une fois réparties sur tout le territoire, non seulement d’engager les jeunes qui possèdent les métiers dont je viens de parler, mais de maintenir, dans les régions concernées, des emplois qui permettent de mettre en valeur l’environnement de ces régions.

J’ajoute que ces emplois doivent se référer aux technologies du futur plutôt qu’aux technologies du  passé, ce qui nous renvoie à un problème de recherche et de développement.

 

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Dans le même registre, l’Etat, au lieu d’essayer de maintenir en vie des industries qui de toute façon sont condamnées à terme, ferait mieux de concentrer ses efforts sur l’innovation, y compris d’ailleurs dans les industries concernées.

 

Prenons, par exemple, le secteur de l’automobile.

Vu le prix de la main d’oeuvre à l’étranger, les producteurs français  – concurrence oblige – s’employent aujourd’hui à délocaliser leurs productions à l’étranger. Avec, comme conséquence une hausse du chômage en France.

Or l’Etat, pour compenser cela,  doit faire, avec les voitures, ce qu’il a fait pour le TGV et pour le Concorde, à savoir investir dans le développement d’un produit qui représente un monopole sur le plan technologique, et qui, dans le cas de la voiture, est représenté, qui par la voiture électrique, qui par un véhicule fonctionnant  avec d’autres formes d’énergie que le pétrole.

 

Et quand, dans le futur, le prix du pétrole sera multiplié par deux, ou par trois, ou par quatre, en raison du tarrissement des puits et des gisements off-shore, ou en raison de problèmes politiques avec les pays fournissseurs de pétrole, l’Etat français pourra rentabiliser ses investissements, et, avec lui, les entreprises  produisant les nouveaux types de véhicules.

 

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Si donc, pour parler plus concrètement, Renault ou Peugeot fabriquent aujourd’hui leurs voitures en Turquie plutôt qu’en France, il importe que l’Etat français, grâce à une politique industrielle qui existait sous De Gaulle et qui a cessé d’exister, reprenne à son compte la recherche et le développement d’un nouveau type de voiture (au sens ou il fonctionne avec de nouveaux types d’énergie).

Soyons clair  : si l’Etat cherche  à maintenir, en France même,  la production des véhicules produits sous marque française, il est foutu. Et pourquoi svp? Réponse : car les Indiens (pas ceux des Amériques; ceux de l’Inde) ont mis sur pied, ou sont en train de mettre sur pied, des petites voitures pour un prix modique (en gros) de 2 à 3’000 euros.

Or, à ce compte-là, c’est sûr, aucune entreprise française, allemande, américaine, japonaise ou coréenne ne pourra soutenir la concurrence des Indiens sur le marché des petites voitures.

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Pour en revenir à la politique industrielle que la France, à mon avis, devrait pratiquer pour soutenir son économie, il se trouve que, mis à part ces pôles de croissance que représentent les grands projets industriels, des efforts doivent être faits pour développer tout un réseau de PME/PMI sur l’ensemble du territoire de la France. Car ce sont elles, PME/PMI qui engageront les jeunes ayant acquis un métier dans les écoles techiques et/ou professionnelles.   

Or aujourd’hui que voit-on ? On voit des jeunes cherchant à faire des hautes études afin de trouver un job dans les grandes entreprises ou dans les grandes banques,  et ce alors même que ces entreprises et ces banques sont en train de se restructurer en détruisant des emplois.

 

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Je n’entends pas dire, en m’exprimant de cette façon, qu’il faille retourner à l’ancienne structure économique fondée sur la primauté de l’agriculture et de l’industrie sur les services. 

Il faut voir les choses différemment en ce sens que les trois catégories que je viens de citer travaillent aujourd’hui avec les dernières nouveautés en matière technologique.

Dans ces conditions, l’agriculture, au sens moderne du terme, est une affaire tout aussi industrielle que l’industrie proprement dite. Elle concerne également l’environnement si l’on considère que le  maintien de l’agriculture dans certaines régions permet de maintenir à la fois la vie et le biotope de ces régions. Elle concerne, enfin, le tourisme si l’on considère que l’aménagement rural des régions concernées permet aux touristes venus d’ailleurs d’y passer d’agréables séjours.

 

Seulement voilà, dans la mesure ou l’économie régionale repose sur des projets de développement qui sont régionaux eux aussi, il importe de donner plus de pouvoir aux régions, et, concomitamment, moins de pouvoir aux autorités centrales du pays. En d’autres termes,  si la France veut maintenir un tissu économique régional de première qualité, elle doit s’orienter vers une structure qui, tout en étant de type fédératif, donne plus de liberté aux régions. 

 

Claude Gétaz