Ce qui vaut pour la Grèce vaut aussi pour la France et d’autres pays européens si les mêmes causes reproduisent les mêmes effets. À savoir des rentrées fiscales en forte baisse (18,7 % rien que pour la TVA de janvier en Grèce) du fait d’une austérité renforcée. Cela étant, il semble qu’une nouvelle bouffée d’air sera accordée à la Grèce. Jean-Claude Juncker a convoqué une réunion des ministres des finances de la zone euro pour 18 heures, jeudi soir, à Bruxelles.

Ce n’est pas que les prix à la consommation aient baissé en Grèce. Au contraire, ils sont parfois près d’un tiers (29 %) plus chers que dans d’autres pays européens, pour les mêmes produits. Cela pourrait être dû à l’influence de cartels (d’ententes) entre grossistes. Qui ont réussi à faire que la Grèce soit le quatrième pays le plus cher parmi les sept (dont la France et le Royaume-Uni, l’Espagne, l’Italie et l’Allemagne) dont un échantillon de 67 produits dits, de base, avant ou après imputation de la TVA.
N’empêche, avec un TVA dans la moyenne haute de l’Eurozone (à 23 %), la Grèce a engrangé un milliard de moins de recettes fiscales d’une année sur l’autre (jan. 2011-2012), avec 1,85 milliard pour sa seule TVA (contre 2,29 en jan. 2011). Soit moins 18,7 %, près du cinquième. Il y a l’austérité pour les ménages, les nombreuses faillites, et les entreprises qui ne reversent pas la TVA parce qu’elles sont déjà étranglées par d’autres dettes, envers leurs fournisseurs privés. Les faillites ? 111 000 en 2011, contre 75 000 créations… pour la plupart précaires, avec un nombre majoritaire d’entreprises individuelles (des licenciés devenant auto-entrepreneurs, pour travailler davantage, et gagner moins).

L’évasion fiscale… marginale

L’évasion fiscale (qui subsiste) n’est pas en cause. Mais bien l’austérité, appliquée à un peu tout le monde, sauf, bien sûr, aux parlementaires et ministres, les mieux payés ou presque d’Europe (le FMI fixe des objectifs, n’impose pas les moyens de les atteindre, laissés à la discrétion des politiques). Antonis Samaris (Nouvelle Démocratie), outre divers avantages, engrange plus de 208 000 euros par an, et en a déjà placé 286 000 en Belgique. C’est moins pour l’ancien Premier ministre (Pasok), George Papandreou, qui ne raclait que 130 000 euros annuellement, selon Open Europe. Un député se contente de 8 500 euros du mois (en fait, le double, compte tenu de divers avantages).

Mais même si on effaçait 70 % de la dette grecque, cela ne suffirait pas. D’autant que Standard & Poor’s vient de nouveau de la dégrader… provisoirement, dans l’attente d’un accord. Accord, sauf réaction imprévisible de, par exemple, le parti Laos, il y aura sans doute. Mais de nouveau, trop peu, trop tard. Il faudra sans doute concéder d’une main ce qui aura été refusé de l’autre. Soit pour éviter la contagion à l’Espagne, l’Italie, le Portugal et l’Irlande, soit pour éviter une dégradation encore plus forte de l’économie.

De toute façon, même si la Grèce quittait l’euro et dévaluait fortement (de 60 % ?), son redressement se ferait attendre. Et puis, au fond, c’est assez simple. Si tout le monde exporte et importe moins, il faudra bien vendre aux Séléniens ou aux Martiens.

Tout le monde sait bien que les mesures imposées à la Grèce sont intenables sauf exode massif des Grecs… hors d’Europe. À moins bien sûr que la Grèce empoche plus de 150 milliards d’euros, puis quitte la zone euro, dévalue (moins que sans cet apport), et reporte le remboursement aux calendes.
Que ferait-on ? Envahir militairement la Grèce ? Bonjour les dégâts.

Pour Standard & Poor’s (qui envisage aussi de dégrader les États-Unis), mais aussi pour à peu près tout le monde, effacer 70 % de la dette grecque ne suffira pas. De plus, les politiciens grecs peuvent signer n’importe quoi, ils ne pourront guère appliquer les mesures préconisées dans leur intégralité. Tout le monde le sait, tout le monde fait semblant de croire qu’une signature suffira à sortir la Grèce du marasme. Georgios Karatzaferis, du Laos, n’a pas tort de dire que les mesures d’austérité imposées sont comme « des chaussures trop étroites ; à un moment ou un autre, on les envoie balader.".

Le parti communiste grec se prononce pour la faillite et le non-remboursement. Les exportations allemandes stagnent, et la classe moyenne grecque (avocats, juristes, ingénieurs, médecins…) prônent à présent le boycott des produits allemands. Même l’Allemagne, où des salaires inférieurs à un euro de l’heure sont pratiqués, n’est pas à l’abri d’une explosion sociale.

Il faudra bien, à un moment ou un autre, prendre la réelle mesure de la répartition des profits. En Grèce, comme ailleurs.

Plus que le PIB grec

Les diverses aides (ou remises) consenties à la Grèce vont finir par dépasser de loin son produit intérieur brut. Lequel devrait baisser de plus de 3,5 % (voire jusqu’à 5 %) cette année. 2012 risque de finir avec une dette publique du double de son PIB. Plus les remèdes augmentent le mal, plus…

Les représentants de la coalition gouvernementale ont levé leur réunion, dans la nuit de mercredi à jeudi, après plus de sept heures de discussions. Pasok, Nouvelle Démocratie et Laos ont plus de 250 parlementaires (sur 300) et s’ils tombaient d’accord, le vote au parlement serait acquis. Mais ils se sont quittés sur un désaccord sur la question des retraites que la troïka veut voir réduire de 15 points.

De son côté, selon The Wall Street Journal, la Banque centrale européenne aurait consenti que la dette grecque qu’elle détient soit assouplie. Elle avait acquis des obligations grecques à bas prix. Elle aurait accepté de les échanger contre d’autres. La BCE y perdra. De combien ? Ce n’est pas encore divulgué. Cela pourrait permettre aux partis grecs de faire valoir qu’ils ont réussi à négocier un peu et non pas totalement capitulé.

Mais il n’est pas sûr que cela calme les salariés et les chômeurs. Il fut un temps où un gouvernement pouvait bloquer les salaires, les émoluments, les pensions… mais aussi geler les prix. Là, on considère bien sûr que que les consommateurs étant appauvris, il n’y aura pas de hausse des prix. C’est en parti vrai. Pour le moment, de fait, les bas et moyens salaires ont déjà baissé en Grèce. Pas du tout les prix. Certes, le salaire minimum est supérieur à ceux de l’Espagne et du Portugal, mais les loyers et les prix aussi. Et ce n’est pas parce que les prix ont baissé que les rentrées de TVA sont moindres.

Pour le moment, l’Union européenne, soit de fait les gouvernements des pays les plus importants, Royaume-Uni inclus, n’exigent des sacrifices que des mêmes. Fort « bien ». Mais après avoir fait plier les Grecs, à qui le tour ? La question grecque se pose aussi en ces termes. Même si la Grèce passe le cap de ces prochains jours (et pourra rembourser ses dettes en mars), elle devra rester sous perfusion. Personne ne croît qu’elle pourrait financer ses investissements via les marchés vers 2021. Pour éviter une explosion sociale, sa classe politique devra se réformer. Cela, les gouvernements européens ne veulent pas trop l’imposer : cela pourrait donner idées ailleurs…

Lors d’un débat organisé mercredi soir par Le Soir (.be), l’ancien Premier ministre belge, Guy Verhofstadt, a évoqué la classe politique grecque et ses « partis gangsters ». Il y a effectivement des bisbilles entre les grands partis européens, et vis-à-vis des partis grecs. Mais c’est loin d’être déjà la guerre des gangs, pas de sang, pas d’exécution devant l’opinion. C’est sans doute qu’il y a encore assez de peuples à tondre de concert… 

Aux dernières nouvelles, les partis de la coalition grecque se seraient mis d’accord sur une réduction des retraites, peu avant la rencontre avec les ministres des finances européens. Un montant global a été fixé, mais sans donner de détails sur qui sera touché (et dans quelles proportions). ΤΟ ΜΝΗΜΟΝΙΟ ΑΠΕΛΕΥΘΕΡΩΝΕΙ ΝΤΑΧΑΟΥ (memorandum macht frei), titrait ce jeudi le quotidien Democratia.