dans un islamisme consensuel ?

 

 

Le roi Mohammed VI et Abdelilah Benkirane, mardi 29 novembre au palais de Midelt, sur les hauteurs de l’Atlas. Crédits photo : Azzouz Boukallouch/AP. Document Le Figaro.fr

 

Support Wikipedia Cette image représente l’opportunité du roi, à son adaptation, aux résultats des élections législatives imposées par son peuple dont il a le respect. Pas besoin de révolution, de morts comme en Égypte et pire que tout, en Syrie. Mohamed VI 23ème monarque de la dynastie Alaouite qui règne depuis le milieu du 18ème siècle, n’est pas ce que sont Ben Ali, Mohamar Kadhafi, Hosni Moubrack qui ont été contestés et renversés par leur peuple, et Bachard el-Assad, assis sur son trône entouré de milliers de morts, qui vacille sous la pression de son peuple. Avec Mohammed VI ce fut autre chose, la transition vers l’émergence du Parti islamique modéré Justice et Développement s’est faite, en douceur. On pourrait se poser la question pourquoi alors que pour les pays d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient ce sont des sit-in ou la guerre civile qui ont reversées les dictatures. Au Maroc c’est un roi héritier d’une dynastie admise par le peuple depuis des siècles. C’est le chef suprême quoique qu’il arrive, le gardien de l’identité Marocaine. Le roi du Maroc est sacré pour son peuple, c’est ce que beaucoup de Marocains m’ont appris, bien que d’autres ne l’acceptent pas. Cela lui confère l’obligation d’être moderne à sa manière, c’est à dire d’engager les réformes de gouvernance plus démocratiques et attendues depuis trop longtemps. Son père Hassan II a maintenu son pays d’une poigne de fer pendant dix années par un État d’exception. Les partis de gauche ont été la cible de la répression à la suite d’une constitution sur mesure qu’Hassan II fit adopter en décembre 1962, dans laquelle il se proclama roi commandeur des croyants, personnalité inviolable et sacrée, qui fut mal acceptée par les partis politiques. Mohamed VI porte ce titre, que le Parti islamique Justice et Développement lui a reconnu, le plaçant ainsi dans la légalité du jeu politique. Par contre le mouvement islamiste Al-Adl Wal-Ihsane, Justice et bienfaisance, justifiant 200.000 adhérents dont le porte parole et Fathallah Arsalan ne reconnait pas au roi cette qualité, ce qui fait qu’il est illégal mais reste toléré.

 

Au décès de son père le 23 juillet 1999 Mohammed VI avait la lourde tâche de moderniser son pays qui est classé au 130ème rang mondial pour le développement économique et social. Il se trouva ainsi confronté à la question des islamistes du Sahara occidental qui n’est toujours pas résolue, les partis de droite comme de gauche restèrent unis par un nationalisme intransigeant en faveur de sa Marocanité. En juillet 2009, pour ses dix années de règne, il gracia 25.000 détenus. Et le 9 mars 2011, dans le cadre du plan de régionalisation et des manifestations Marocaines du 20 février nées du régime absolutiste, d’une corruption croissante, avec de criantes inégalités et du chômage notamment chez les diplômés, et la peur des révoltes Tunisiennes et Égyptiennes, le roi s’efforça de répondre aux revendications par un discours annonçant une réforme de la Constitution. Elle fut approuvée par référendum le 1er juillet 2011 par plus de 90% des votants. Elle visait à renforcer le pluralisme, les droits de l’homme et les libertés individuelles, ainsi que la réduction de ses pouvoirs au profit du chef du gouvernement et du Parlement.

 

La encore, les réseaux sociaux ont joués leur rôle ainsi que les militants de petites formations de gauche ou le mouvement islamiste d’Al-Adl Wal-Ihsane par des appels à une monarchie non affairiste. Après plusieurs semaines pour réagir aux révoltes musulmanes, ils ont dénoncé la banalisation du régime ainsi que de rejoindre ces révoltes constituant ainsi un ensemble révolutionnaire dont la marche pacifique du 20 février fut l’acte fondateur. Bravant le mauvais temps, la désinformation des médias, les barrages routiers et le refus des partis officiels d’y participer, 10.000 personnes au moins défilèrent à Rabat, Agadir, Al-Hoceima et à Marrakech, ou des incidents eurent lieu ainsi qu’à Casablanca.

 

Inquiètes de la situation sociale et de la hausse des prix, les autorités décidèrent d’injecter 15,7 milliards de dirhams, 1,4 milliards d’euros pour compenser la hausse des prix sur les produits de première nécessité. Cette somme venait se rajouter aux 17 milliards de dirhams, 1,5 milliards d’euros prévus dans la loi de finance 2011. Le pouvoir monarchique sentant le danger avait donc choisi de manager la classe la plus touchée celle des petits marchands ainsi que les diplômés chômeurs auxquels 1800 embauches furent promises. Il fallait impérativement désamorcer une catastrophe sociale. Et comme par miracle les revendications de certaines catégories d’enseignants, dont les dossiers étaient bloqués depuis des années, furent satisfaites. Début mars, Mohammed VI transforma le Conseil consultatif des droits de l’homme, très critiqué, en Conseil national des droits de l’homme institution visant à consolider l’État de droit. Le Maroc se dota ainsi de moyens modernes pour un État de droits et de liberté dans un régime démocratique répondant à sa culture religieuse. Le roi fit le pas qu’il a toujours refusé de faire, perdre une partie de ses prérogatives pour plus de démocratie. Petit à petit le Maroc se dirige vers une gouvernance à l’Européenne, et c’est tant mieux.

 

Le Maroc riche pas sa beauté, son soleil, ces hôtels et Ryads luxueux mais très pauvre par sa misère hors des villes. La ruralité souffre d’être abandonnée. J’ai fait un trek au Maroc et le contraste est saisissant entre la vie citadine et celle de la montagne des villes du Sud ou la population apparaît abandonnée. Le Maroc reste malgré tout un pays en voie de développement, le tourisme Français y participe beaucoup. Le problème du nouveau gouvernement sera de rendre plus homogène la vie Marocaine.

 

Nommé lundi 28 novembre par le roi, Abdelilah Benkirane s’attelle au difficile exercice des alliances pour former un gouvernement de coalition forcément hétéroclite. Il a obtenu aux élections législatives du 25 novembre 107 élus sur les 395 que compte le parlement. «Nous ne pouvons pas conduire seul le gouvernement, il faut s’allier avec d’autres partis» précisa Abdelilah Benkirane. C’est la première fois qu’un parti islamiste est appelé à la direction du pays, ce qui est une petite révolution dans ce temple Chérifien.

 

Mais c’est aussi la première fois qu’un parti islamique devra prouver ses capacités à répondre à sa politique. Dans l’opposition, les partis sont rois, ils peuvent clamer ce qu’ils veulent n’étant pas aux commandes, et comme ils ne sont pas plus intelligents que les autres, ils auront les mêmes difficultés.

 

Abdelilah Benkirane à cherché à doucir l’image de son parti en clamant à Libération, «on est un parti à référentiel islamique, mais, rassurez-vous, on ne demande pas à nos militants s’ils font la prière». Pour Lahcen, Daoudi membre du secrétariat général de son parti, il affirme que «les thèses de son parti n’ont rien à voir avec l’islam». Sa mission la plus difficile sera de développer une culture de modération. Il considère son parti comme un barrage contre les idées que l’islam véhicule, ayant joué un rôle important lors du débat sur le rôle de la femme. Pour lui le PJD aurait été un rempart à une guerre civile, car il existe au Maroc un courant gauchisant qui importe les concepts de l’Occident. Il clame respecter l’Occident, mais transporter telles quelles, de telles idées, et des pratiques politiques Occidentales dans la société Marocaine provoque leur rejet.

 

Islamisme modéré vous dites, Jeannette Bougrag secrétaire d’État à la jeunesse, «je ne connais pas d’islamisme modéré». «Je ne soutiendrai jamais un parti islamiste. Jamais. Au nom des femmes qui sont mortes, parce qu’elles ne portaient pas le voile», déclare Jeannette Bougrab, dans une interview au «Parisien.fr». Jeannette Bougrag est née d’un père ouvrier métallurgiste et Harki décoré de la Légion d’honneur à titre militaire. Elle se revendique de droite partisane du gaullisme social, paradoxale d’être avec Sarkozy qui n’a rien d’un gaulliste est encore moins social.

 

Au Maroc le statut de la femme, par suite du nouveau code de la famille adopté par le parlement en 2004, et grâce à la volonté du roi Mohammed VI et des pressions modernistes, va devenir l’égale de l’homme. La femme n’aura plus besoin de tuteur pour se marier, et la responsabilité familiale sera assurée par les deux époux, c’est à dire sans plus aucune tutelle exclusive. Le plus important, la garde des enfants en cas de divorce reviendrait à la mère, puis au père, puis à la grand-mère maternelle, voir Maroc le statut des femmes.

 

Je me souviens étant à Marrakech peu d’années plus tard et d’avoir entendu nombre de Marocains critiquer le nouveau statut de la femme. Pour Lahcen Daoudi, le PJD a assuré un rôle de médiation entre le pouvoir et la population en modelant et surtout en cautionnant cette réforme. «Nous avons voté au nom de tous les gens qui se revendiquaient de l’islam».

 

Les femmes ont été les vedettes des élections municipales Marocaines en 2009.

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Une électrice Marocaine en 2009 votait dans le quartier de Takkadoum, à Rabat. Crédits photo : AFP, document Le Figaro.fr

 

Marquées par une forte abstention, les élections municipales de 2009 ont vu la femme politique participer massivement au Maroc. Pour la première fois une loi impose que 12 % des sièges des conseils municipaux soient occupés par des femmes. «C’est peu, mais c’est beaucoup quand on sait qu’en 2003 on avait 0,56 %, soit 127 femmes élues dans les conseils municipaux et qu’aujourd’hui il y en a 3 265», explique Jamila el-Mossali. Jamila el-Mossali est députée parlementaire à la Chambre des représentants, et est aussi candidate aux élections municipales de Salé. Salé, c’est l’une des agglomérations que le parti islamiste modéré PJD aimerait conquérir. Le symbole est fort. Salé est la ville jumelle de Rabat, c’est la deuxième ville la plus densément peuplée après Casablanca. Une ville plus pauvre aussi, et conservatrice.

 

Chaque parti s’est emparé de cet argument de campagne, les islamistes modérés également. Dans chacune des deux grandes villes industrielles, Casablanca et Tanger, une femme est tête de liste d’un arrondissement. «Bien sûr, on espère que la participation des femmes va motiver les gens à aller voter». Pour le PJD, ces élections municipales ont valeur de test après être arrivé en deuxième position aux législatives en 2007. Le parti islamiste, plus présent en milieu urbain que dans les zones rurales, aimerait s’emparer d’autres grandes villes comme Casablanca ou Fès.

 

Le parti islamique de la justice et du Développement a donc remporté les élections législatives de 2011 par ce qu’il tire sa force de deux choses comme le clame Lahcen Daoudi, d’une part, «le gouvernement ne répond pas aux attentes des Marocains et engendre des mécontents que nous drainons en tant que parti de l’opposition, d’autre part, le projet de société et le discours du PJD sont en phase avec la réalité Marocaine». Nous n’importons pas le discours de Marx ou celui du libéralisme pour le greffer sur la société Marocaine. Aucun de ces deux discours ne correspond à la réalité Marocaine. A l’inverse, le nôtre s’enracine dans cette société. Le PJD se réclame un parti du centre.