Mediapart révèle qu’un ancien directeur général des douanes, passé directeur du Budget, Pierre-Mathieu Duhamel, avait été invité à diverses reprises à des réceptions privées de Ziad Takieddine, le sulfureux intermédiaire de la Sarkozye, qui s’est exonéré de tout impôt sur sa considérable fortune. L’intéressé plaide la légèreté mais aussi l’incompétence : il n’avait « aucune compétence fiscale ». Allez, on ne peut lui reprocher qu’un manque de curiosité.
La Suisse a le lac Léman, le Luxembourg s’enorgueillit du lac de la Haute-Sûre, d’une superficie de 380 hectares, depuis 1959 (il résulte de la construction d’un barrage).
Mais sa flotte maritime est sans doute plus importante que sa lacustre. C’est donc à bord de La Diva, le yatch de Ziad Takieddine, immatriculé au Luxembourg, que monte, en 2002, l’ancien directeur général des douanes.
Un douanier n’est jamais un informateur du fisc, et vice-versa, c’est bien connu…
L’occasion, c’est l’attribution de la Légion d’honneur au directeur. Pierre-Mathieu Duhamel est alors un ami de Thierry Gaubert, intime de Nicolas Sarkozy, et comme Hortefeux, Copé et d’autres, ami proche de Ziad Takieddine…
Lequel Takieddine est impliqué dans diverses affaires de (rétro ?) commissions à l’occasion de marchés internationaux (frégates pour l’Arabie Saoudite, sous-marins pour le Pakistan).
L’intéressé rétorque qu’être invité sur un bateau n’implique pas de liaison particulière avec son propriétaire. Certes : mais quand il est nommé directeur du Budget, les invitations se poursuivent. Sur La Diva ou en d’autres propriétés de l’intermédiaire, qui s’est exonéré d’impôt. Madame est aussi conviée. Mais bien sûr, on parle de tout et de rien, sauf d’argent.
Gaubert n’était évidemment pas plus curieux. Un pavillon luxembourgeois ne lui évoque rien…
Pour La Vie des idées, Gabriel Zucman, qui achève une thèse d’économie, commente que 8 % du patrimoine mondial mobilier (avoirs, placements, assurance-vie) est réfugié dans des paradis fiscaux. Il ne s’agit que des comptes des particuliers. « En France, les 10 % les plus riches possèdent plus de 60 % du patrimoine national. Peut être possèdent-ils en réalité 65 % ou 70 % du patrimoine national… », poursuit Gabriel Zucman.
Hier, jeudi, lors de l’émission de David Pujadas, Jean-François Copé a été interrogé sur une photo publiée par Mediapart le montrant en compagnie de Takieddine. Il a botté en touche et nié toute implication dans le financement de la campagne d’Édouard Balladur.
Comme s’est exclamé Nicolas Sarkozy, « la fraude, c’est la plus terrible et la plus insidieuse des trahisons de l’esprit de 1945. C’est la fraude qui mine les fondements même de la République sociale… ». C’est bien sûr de la fraude aux prestations sociales qu’il s’agit, pas de la fraude fiscale. Une vraie diva, ce président. Et la fraude fiscale, elle ne porte pas « un coup terrible à la belle idée nécessaire de solidarité nationale » ? Tout dépend, en fait, à qui elle rapporte.
Encore hier, un employé qui s’était aperçu que son patron n’avait rien déclaré pour lui aux caisses sociales (chômage, retraite, sécu, &c.), s’est rendu compte qu’il n’y avait, dans la Sarthe, plus qu’un seul fonctionnaire chargé de ce type de problème. Il n’emporte pas ses dossiers à la maison mais, même s’il était invité sur La Diva, il serait trop fatigué pour s’y rendre.
« Sar-ko, ton culot impi-toya-a-ble », pourrait-on fredonner en pastichant le générique de la série Dallas. Au fait, et Éric Woerth, et son Woerthgate, ils puaient du bec, ils sentaient le pâté, pour ne pas être invités à bord de La Diva ? Qu’un simple directeur des Douanes ou du Budget ait été invité par Takieddine et non lui, et madame, devrait mortifier le maire de Chantilly et son épouse…
Woerth sera « très actif pour la présidentielle 2012 ». Il mène à présent « une mission sur la place de la France en Inde ». Paul Giacobbi, député PRG, président du Conseil exécutif de Corse, l’accompagne. Il est aussi membre de la « cellule Riposte » animée par Hortefeux. Lui qui fut un temps pressenti pour succéder à Fillon affirme sans rire, au Parisien, « je n’avais aucun plan de carrière au gouvernement ». Maintenant, il affirme qu’il a vendu l’hippodrome de Compiègne parce que son loyer était d’un montant trop faible « et n’a pas été mis en concurrence lors du renouvellement du bail… ». Mais qui avait donc influé pour que le loyer ne soit que de 45 000 euros ? Pas le directeur du Budget de l’époque, espère-t-on.
Ce bail a été signé en novembre 2003. Tiens, de 2002 à 2006, Pierre-Mathieu Duhamel était Directeur du budget au ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie d’alors. Philippe Marini (maire de Compiègne) et Antoine Gillibert (Société des courses) n’étaient pas à bord de La Diva, au moins ?
Allez, terminons par une citation choisie du citoyen Pierre-Mathieu Duhamel. « S’agissant des citoyens, la question est aussi posée de leur propre soumission à la dictature de la transparence. Quelle est la part d’eux-mêmes qu’ils entendent voir exposer sur la place publique et quel serait l’usage de cette exposition que pourrait faire un régime politique qui ne serait pas démocratique ? ». (conclusion sur la notion de transparence lors des Assises de l’évaluation des politiques publiques). Mais, ô mânes de Jaurès, avec Nicolas Sarkozy, nous sommes en démocratie.
Pour l’ancien ministre Alain Lambert, Pierre-Mathieu Duhamel est « quelqu’un avec qui l’on partirait volontiers, à défaut de vacances, en mission au service du bien commun. » La croisière du Bien commun, sur La Diva, voilà un concept qui fleure bon. Le même estimait que son énigmatique ami se livre peu et que de lui, « toutes les facettes ne sont pas connues… », (mais la pêche au gros, sous les tropiques est l’une de ses facettes bien connues ; entendez les poissons, pas la pêche aux gros fraudeurs fiscaux).