Comment sera composée la future opposition libyenne qui présentera (on ne sait vraiment quand réellement) des candidats aux futures élections ? Sa diversité révèlera-t-elle des clivages idéologiques ou de vision économique ou régionaux, voire tribaux ? Personne ne peut vraiment déjà répondre, mais s’il faut en croire le journaliste américain Franklin Lamb, les ex-loyalistes et d’autres envisagent sérieusement de créer une formation politique.

Tiens, revoilà Franklin Lamb. Cet universitaire et journaliste plutôt pro qu’anti-Kadhafi avait été légèrement blessé lors de la prise de Tripoli et se faisait rare depuis lors.

Nous le retrouvons à présent au Niger auprès des membres d’un mystérieux Front de libération de la Libye (FLL) dont l’activité semblerait plus politique que militaire.

Le Lybian Liberation Front (LLF), ou Front de libération de la Libye (FLL) serait, selon lui, déjà une réalité. Quelque part au Niger, il aurait assisté, en compagnie d’un universitaire originaire de Syrte, à une réunion d’un nombre indéterminé de « délégués ».

Dont un ex-général loyaliste.

Lequel lui confirme qu’environ 800 « organisateurs » du FLL seraient déjà au Niger, pays de regroupement de ces activistes.

Les Touaregs et d’autres groupes du Sahel assureraient la protection de ces voyageurs.

L’adjointe de Moussa Ibrahim, le porte-parole du régime loyaliste, semble organiser les liaisons téléphoniques, satellitaires et autres.

L’un des axes de la campagne électorale du FLL serait les droits des femmes. Lesquels, formels sous Kadhafi (par exemple, la polygamie masculine était autorisée sous réserve d’assentiment de la première épouse), semblent devoir être restreints si les déclarations de Moustapha Abdeljalil entraînaient une mise en vigueur. Par exemple, en cas de divorce, généralement systématiquement accordé si le mari en fait la demande, l’ex-épouse ne pourrait plus bénéficier de l’usus du logis familial.

Franklin Lamb laisse supposer qu’un autre universitaire, Abu Zeid Dorda, qui avait été, selon Lamb, victime d’une défenestration après son arrestation à Tripoli en septembre dernier, pourrait être l’un des candidats du FLL sous réserve qu’il soit libéré. Cet ancien ministre, ex-ambassadeur devant les Nations Unies, a été présumé remplacer Moussa Koussa lorsque ce dernier avait rejoint la Tunisie, puis le Royaume-Uni (et à présent les Émirats).

Toujours selon Lamb, Seif al-Islam Kadhafi aurait trouvé un refuge sécurisé mais ne rejouerait pas dans l’immédiat un rôle de premier plan.

Situation confuse

L’annonce de la création de ce FLL explique-t-elle qu’Abduljawad Bedeen ait pu déclarer, depuis Benghazi, que les miliciens « révolutionnaires » puissent conserver leurs armes jusqu’à nouvel ordre ? Porte-parole de la nébuleuse Union des forces révolutionnaires, Bedeen semble avoir eu l’aval du secrétaire du CNT à la Défense, Fawzi Bukatif.

Bedeen est un ancien combattant du Groupe de combat islamique libyen qui s’était soulevé contre le régime dans les années 1990. Il serait en passe, avec sa brigade, de sécuriser la ville de Shabha, au sud de la Libye.

La situation économique est aussi confuse. La Libye, rapporte Reuters, hier importatrice de grains, viendrait d’annuler une commande de 100 000 tonnes de blé fin octobre dernier et les négociants ne savent plus à qui s’adresser et les transferts d’argent sont malaisés.

Toutefois, l’aéroport international de Tripoli a rouvert et un avion des Turkish Airlines s’y est posé avec une petite centaine de passagers…

À Syrte, des milices incendient les ruines d’immeubles encore debout dans les rues principales, mais ces actions ne semblent pas concertées. Comme à Bani Walid, la Croix Rouge va tenter de récupérer ou de faire exploser les diverses munitions, certaines ayant déjà fait des victimes.

De leur côté, les États-Unis renforcent leur collaboration militaire avec l’Algérie, et le Qatar, qui aurait, selon Le Temps d’Algérie, « envoyé pas moins de 5 000 membres de ses forces spéciales en Libye », notamment à Tobrouk, et ravitaillé en armes (dont des françaises) et argent divers groupes ou clans, continue à jouer un rôle qualifié de trouble. « L’émirat garde encore plusieurs fers au feu. Doha chaperonne, par exemple, cheikh Ali Salibi, l’un des principaux responsables islamistes libyens, tout en abritant Moussa Koussa, l’ancien chef des renseignements du colonel Kadhafi, » conclut Le Temps. Le fait que des armes françaises aient été livrées aux futurs insurgés, fait plusieurs fois pointé, a été reconnu par Bernard-Henri Lévy dans son livre, La Guerre sans l’aimer. Mais certaines de ces armes pourraient avoir été revendues, ayant été ou non utilisées.

Reste à savoir si le rôle assigné à l’armée algérienne consiste aussi à les récupérer, comment et où.

Dans un entretien avec Libération, BHL a considéré : « cette guerre atroce a eu au moins ce mérite : elle a forgé une espèce d’unité. ». Ce qu’il reste à démontrer. En attendant, le drapeau noir flotte sur la marmite de Benghazi, mais ce n’est pas celui d’une fédération anarchiste.