Les téléphones ne servent (presque) plus à téléphoner.

    Après une discussion enjouée, un ami me demande pardon par BlackBerry Messenger. Je me demande alors si je dois clôturer l’affaire ou m’énerver encore plus et exiger une preuve de son repentir comme par exemple prendre le téléphone et appeler.

 

 

Ils me disent que parler est une pratique désormais démodée. Et c’est possible, il suffit de s’apercevoir que le téléphone ne sonne que lorsque les parents, les patrons ou leurs secrétariats ou encore les opérateurs de telemarketing appellent.

Concrètement, l’opérateur Orange bien connu de tous ces adeptes du téléphone portable, signale que la moitié de ses clients utilisent plus le téléphone pour naviguer que pour parler. Et les résultats d’un rapport transmis par le consultant JD Powers & Associates, dont les auteurs observèrent l’activité d’une centaine de téléphones portables pendant 48 heures prouvèrent qu’effectivement, parler était la chose la moins courante. Le reste des prestations du téléphone s’utilisaient jusqu’à 4 fois plus.

 

Qui appelle et qui ose rappeler ? Parfois, la voix tremble, les mots s’entrechoquent, la respiration trahie, les silences sont trop eloquents. On perd du temps.

Je finis par accepter les excuses par "Bbm" en répondant "O.K", affaire classée.

Ce qui importe réellement c’est que parler a aujourd’hui des connotations insoupçonnées.

On considère cela intrusif, innoportun ou pire, trop engagé. Les gens sont prêt à n’importe quoi pour échapper à un appel. Et lorsque leur prend l’idée d’appeler, ils vont même jusqu’à calculer habilement l’appel de sorte que de l’autre côté il y ait des garanties de non réponse afin de pouvoir laisser la trace élégante d’un appel manqué.

Il y a des raisons d’en avoir marre. Nous disposons de 4 façons d’être retrouvé immédiatement par téléphones, chats divers et variés, réseaux sociaux ou courriers électroniques. Face à tant de disponibilité, l’ambigüité est le nouvel art à cultiver. On a recours à toutes ces techniques pour en dire le moins possible. On fait des blagues systématiquement. On se retranche derrière les emoticônes. On tâte le terrain avec des messages. S’il n’y a pas de réponse, on n’aura même pas à dire au revoir. On ne pourra jamais obtenir autant de prestations avec un appel.

Il semble que nous soyons des sujets obsédés par les connexions et effrayés par les liens d’attachement.

Mes amis reconnaissent que maintenant plus que jamais ils se laissent le luxe de ne pas répondre lorsque le téléphone se manifeste. Et voici leurs raisons: "Tu sais que celui qui appelle à envie de parler et que tu dois disposer d’au moins une demi-heure". "Ils attendent que j’ai une réponse concrète, si je ne suis pas en condition, je ne réponds pas". "Je préfère le chat. Pendant que je discute je peux faire autre chose alors qu’un appel exige un engagement exclusif".

 

Les SMS, What’s App, chats divers et variés, courriers électroniques, etc. laissent une trace plus durable qu’une simple conversation téléphonique. Mes comptes de Gmail et Facebook, par exemple, étaient configurés par défaut pour garder tout le contenu de mes chats. J’aurais pu le changer, mais comme je l’ignorais j’ai fini par accumuler un registre énorme de conversations triviales, denses, sympathiques, irritantes.

Je ne suis pas la seule, je me rends compte que beaucoup conservent des chats dans leur portable.

Pourra-t-on un jour déclasser ces archives ?

 

Une réflexion sur « Les téléphones ne servent (presque) plus à téléphoner. »

  1. Bon article et je souligne,avec tous ses moyens de « communication » on écrit de moins en moins…!

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