Une incursion dans l’exploration des origines du suppositoire, via l’Internet, ne mène guère loin. Si ce n’est une fois de plus à s’interroger sur ce qui constitue une innovation par rapport à une découverte ou une invention. Petit retour sur ce sujet fondamental.       

 

Qui, en France, connaît vraiment Traian Viua, pionnier de l’aviation, ingénieur roumain breveté en France pour les uns, ingénieur français d’origine roumaine pour les autres ?

 

Les historiens de l’aviation n’ignorent pas cet innovateur.
Pour les (soi/t-) dits/ants « historiologues », ces vulgarisateurs de diverses nationalités ayant tendance à tirer la couverture (chauffante, heater blanket en astronautique, electric blanket en électroménager) pour en draper leur génie national, c’est moins sûr.

C’est moins du point de vue du terminologue que du grand-père recherchant un livre illustré des inventions pour les « juniors » (en l’occurrence, les moins de trois ans) que j’aborde le sujet.

Mais il y aurait certainement matière à se livrer à de fort variées et très savantes recherches approfondies, interculturelles et lexicologiques.
D’abord, qu’est-ce qu’une invention par rapport à une innovation ?

On n’a rien inventé depuis… quand ?

Selon l’encyclopédie en ligne des inventions et inventeurs du site Invention-Europe (qui liste aussi des nord-américains et d’autres), les deux dernières inventions de ce siècle remonteraient à Facebook (2004) et YouTube (2005) tandis que d’autres s’intéressaient davantage aux babillards (circa 1989) et aux premières vidéothèques. D’autres ouvrages listent par exemple le Coca Cola®, mais ne nous disent rien du soda générique qui découle peut-être du cidre ou du kéfir (caucasien) ou du kombucha (chinois).
Sans aller comparer l’encyclopédie des inventions de l’Internaute avec des homologues nord-américains ou japonais, j’imagine que de fortes disparités seraient décelées dans les divers ouvrages.

 

Cela tient-il au nommage, à la lexicographie ? Sans doute aussi un peu. Ce qu’il resterait à établir. La lessiveuse est-elle une machine, un device, ou ce que vous voudrez ? La Wikipedia francophone nous signale charitablement qu’il ne faut pas la confondre avec la lavandière. Ô tempora, ô mores… Cette précision m’aurait semblé superflue. Je conçois bien qu’avec la lessiveuse à billets, on puisse confondre le blanchiment (préparation préalable d’apprêt) et le blanchissage (opération ultérieure), mais là…
La lessiveuse serait-elle à la France ce qu’est le suppositoire aux yeux des médecins étrangers ? Soit une particularité dont le mot anglais ambigu de washer ne rend pas compte ?

Remarquons que si, pour la plupart d’entre-nous, lave-linge et lave-vaisselle sont à présent des inventions contemporaines, alors que la machine à laver a précédé, de peu (1851 et 1886 respectivement), son homologue et parfois voisin dans les cuisines, la perception des inventions est fort subjective. Ainsi, le Frigidaire™ est-il rétrogradé à l’appellation de réfrigérateur, voire de frigo (parfois réservé à des applications industrielles, aux frigorifiques).

Suppositions

Au passage (ce qui semble le terme idoine), signalons que le rectumodynamisme des suppositoires est une voie de recherche qui n’a guère progressé depuis la publication de l’article du Lancet de septembre 1991, « Rectal suppository: commonsense and mode of insertion » (qui concluait que l’efficacité voudrait, le conditionnel ou suppositif s’impose, d’introduire cette préparation à l’inverse de son administration traditionnelle, soit en la poussant par l’extrémité pointue). La question, celle de la laxité des fibres musculaires, est pourtant aussi importante que le dosage du lait dans le thé (à verser préalablement ou consécutivement en « nuage », c’est selon).
L’histoire du suppositoire, innovation attribuée aux Égyptiens qui enduisaient une pointe de corne animale d’un principe actif, invention ayant consisté à trouver un « médium » (dérivé du latin pour moyen ou milieu) dispensant d’un support « véhiculaire » (et non vernaculaire), reste à sonder. Polysémie, tu nous tiens parfois par le fondement…

Par anal. (abr. usitée des dictionnaires), une découverte est une trouvaille (« Il s’imagine avoir fait une importante découverte alors qu’il n’a trouvé que la pie au nid », signale Le Grand Robert). Départager les termes peut vous laisser lessivé.

Je ne vous lasserai pas plus avant. L’important est de chercher, pour les unes, de trouver, pour les uns, comme il en est de participer ou de l’emporter. À la chasse au dahu qu’est la datation du suppositoire, il vaut mieux s’abstenir, concéder au laxisme, et la tirer… Inutile, en préalable à cette révérence, de s’administrer un suppositoire à la poudre d’escampette.

C’est d’ailleurs l’opinion du Dr Dupagne, revenu bredouille de « recherches fouillées » (forum médical Atoute). Un sien confère n’a trouvé que des suppositions dans ses annales. Une pharmacienne aurait déniché un traité de pharmacopée mentionnant le dosage de l’excipient (suif, beurre de cacao…) en 1886. Il y aurait, en la matière, une possible rétention d’informations. 1886, la même année, donc, que l’invention du lave-vaisselle. Je m’en lave les mains (lavabo inter innocentes manus meas ; entendez aussi béotiens et ignorants), à ma table de toilette, faute de disposer d’un lave-mains (de sacristie, par exemple), en mon cabinet d’aisances qui me sert parfois pour la consultation de divers ouvrages.