Quarante deux ans d’histoire s’achèvent avec la chute du guide Mouammar Kadhafi. Un grand homme, quoi qu’en disent ses ennemis, quitte la scène internationale de la plus humiliante manière qui soit. Emportant dans l’inconnu de sa cachette quatre décennies de stabilité que le peuple libyen dorévant ne pourra que rêver, et semant au passage hantise perpétuelle et incertitude des lendemains dans la tête de ses ennemies.
Une histoire s’achève. Un bonheur jamais expérimenté se bat en brèche avec la bénédiction parait-il de la masse, la vindicte populaire qui blâme le philanthrope pour ses largesses intarissables. Nous voilà au seuil du délire né de l’irréparable bêtise humaine. Kadhafi s’en est allé, laissant son pays dans la désolation totale et déchiré par une guerre qui aura profité aux occidentaux.
Ses successeurs, rebelles dans l’âme préparent bien entendu ce qu’il convient d’appeler l’après Kadhafi, dans un optimisme sans précédent. Ce que le guide n’a pu offrir en 42 ans, mieux, ce qu’il a toujours confisqué, c’est-à-dire la liberté, investiture par excellence de la démocratie, eux l’offrirons. Le bonheur, la paix, l’amour, bref, le paradis terrestre sera servi sur un plateau d’or à ce peuple affamé de liberté et bâillonné pendant près d’un demi-siècle. Pourtant, à bien y voire, Kadhafi n’a jamais été le problème de la Libye, tout comme la démocratie telle que prescrite comme une panacée par l’occident n’a jamais intéressé le monde arabe. Les élections multipartites, libres et transparentes resteront toujours un idéal qui ne franchira jamais le fossé béant qui les séparent de la réalité. La notion de liberté d’expression ne restera qu’une déclaration de principe. L’éducation et la culture ajoutée à l’islam, veilleront à préserver cette civilisation qui répugne l’occident, par peur de se faire assimiler. L’homosexualité sera toujours réprimée avec la plus grande sévérité. La question du genre restera un eternel tabou, et les femmes n’auront toujours de droit que leurs nombreux devoirs. L’inconditionnelle soumission restera leur lot quotidien. Aucun progrès sociologique et psychologique notable ne sera observé. Et pourtant, on prépare l’après Kadhafi, activement, feignant d’ignorer que les tenants de la rébellion sont des conservatistes encore plus récalcitrants que le guide déchu. Poser la question pour savoir de quel après Kadhafi parle-t-on, parait donc comme une question pertinente, en se focalisant seulement sur le fait que ce dernier soit un dictateur qui confisque toute initiative de liberté. Mais ce serait en même temps faire preuve d’une grande naïveté, car voir les choses sous cet angle, c’est prendre pour parole d’évangile les arguments ressassés par l’OTAN dans sa campagne de lynchage médiatique. Cela dit, il y aura bel et bien un après Kadhafi. Mais pas pour la démocratie et la liberté. Ce n’est pas ce qui préoccupe tant que ça. L’après Kadhafi, c’est la main mise sur le pétrole et le gaz libyen, le verrou étant désormais levé. C’est la liberté de disposer des richesses du pays sans contrôle et dans l’opacité totale. Les rebelles du CNT sont à jamais redevables à Sarkozy et sa horde d’alliés américain et européens. Le changement tant rêvé par les libyens, c’est la France qui le réalisera pour le bonheur de ses multinationales, avec à la clé 35% des contrats pétroliers promis par les nouveaux hommes forts de Tripoli.
La Libye changera à coup sur. Ses infrastructures, audaces architecturales des temps modernes tomberons en ruine. Les programmes sociaux ne seront qu’un vieux souvenir. Ses flux migratoires changeront de direction, et ses fils n’auront que leurs yeux pour pleurer, quand à l’ailleurs de l’autre coté de la mer, l’occident s’en délectera.