Tunsie: Les centres d’appels, entre enfer et arnaques

 

La délocalisation des centres d’appels avait vivement été critiquée par l’opinion publique française et même la classe politique, il y’a cependant une question qu’elles ne sont jamais posées, qu’en est il de la situation de ces centres d’appels outre-méditerranée?  Ces pays à forte main d’œuvre à bas prix profitent –ils de cette délocalisation ?

Je crois que leur indignation ne  ferait que croître s’ils étaient au courant des conditions de travail et de salaire dans ces centres d’appels  délocalisés. Pour y avoir séjourné, car c’est ainsi qu’il faut le dire, c’est en toute connaissance de cause que j’ose aujourd’hui parler de ce sujet presque tabou en Tunisie. Il ne faut pas critiquer, toujours positiver car la Tunisie a besoin d’emplois. S’agit-il vraiment d’un emploi ou d’une exploitation pure et simple?

Ce qu’il faut tout d’abord savoir : pour la plupart, ce sont des maitrisards, des ingénieurs en informatiques, génie civil et autres qui y travaillent, le taux de chômage oblige. C’est quand même aberrant d’avoir bac +5 et répéter à longueur de journée un script qui ne dépasse pas une page tout en avalant l’amertume des refus répétés de répondre et des insultes proférés par les habitants des pays appelés (pour notre cas la plupart du temps la France), surement fatigués eux-mêmes de répondre à tout bout de champ aux appels de vente et de pub en tout genre.

Avant je souriais en lisant dans les journaux que certains ont craqué à cause du travail, du stress, et se sont suicidés. Pour moi, ça relevait tout simplement de l’utopie. C’est en franchissant le pas de ces « call centers » que j’ai pu imaginer la souffrance de ces personnes, et si j’avais persisté ne serait-ce que 2 mois, un malheur me serait certainement arriver .

 La téléopération ne s’arrêtait pas au travail et me poursuivait jusque dans mes nuits, car croyez moi j’en faisais des rêves chaque soir. De 8h à 18h, avec une pause déjeuner d’une heure en prime, vous êtes là assis à répéter les mêmes phrases, les mêmes arguments et les mêmes réponses.

Et les objectifs sont fixes, gare à toi si tu n’arrives pas à les atteindre. Les superviseurs et la direction n’ont cure que tu sois tombé du matin au soir sur des répondeurs ou des personnes qui te raccrochent au nez. Qu’il s’agisse d’une prise de rendez-vous, d’une télévente ou d’une simple qualification de fiches (enquêtes d’opinions), tu dois te coltiner des refus catégoriques de répondre et même subir des agressions verbales.

Me diriez-vous alors, quel est le salaire perçu pour pouvoir supporter tout cela ? Eh ben vous n’allez pas en revenir, le meilleur des meilleurs, donc le plus sérieux, ne paye pas plus de deux euros l’heure. Car le salaire moyen tourne autour de 2 dinars (1,05 euros l’heure) et le maximum est de 3.5 dinars, soit moins de deux euros. Et ce serait encore formidable si à la fin du mois tu pouvais tranquillement toucher ton salaire de 200 euros.

Eh oui, le calvaire n’est pas terminé, car la plupart de ces centres d’appels sont des arnaques, qui profitent abusivement de la misère des étudiants et des jeunes diplômés, leur faisant miroiter un salaire de misère à la fin du mois et ne les payant jamais. Chez qui vas tu te plaindre ? Rares sont ceux qui te font signer un contrat de travail en bonne et due forme et le silence complice des autorités n’encourage même pas une poursuite judiciaire.

Après mon premier mois de travail, lorsqu’on a commencé à me chanter le retard de virement venant de la France, j’ai simplement démissionné, préférant rester à la maison que travailler gratuitement. Moi j’ai pu m’en sortir avec un mois non-payé. Mais certains de mes amis ont jusqu’à 3 ou 4 mois sans salaire et à la fin, par culpabilité ou mépris se font tout bonnement renvoyer par les responsables.

Dans le centre d’appel ou j’ai travaillé,  nous avons effectué des opérations pour un grand groupe français de l’environnement. Sont ils au courant des conditions d’obtention des rendez de leur entreprise? Ou choisissent-ils en en toute connaissance de faits de fermer les yeux sur cette exploitation inhumaine?

 

 

20 réflexions sur « Tunsie: Les centres d’appels, entre enfer et arnaques »

  1. Excellent article! quelle honte pour nous Français de « cautionner » cette nouvelle forme d’esclavagisme.

    Les centres d’appel sont ils des industriels (prestataires de services) français ou tunisiens?
    bon courage à vous

  2. [b]Intello,

    merci et félicitations pour cet article. L’univers que tu dépeins ici n’est pas propre à la Tunisie (hormis pour l’absence de salaire). En France les call-centers font preuves de même méthode, pour le plus grand bonheur des actionnaires qui se complaisent à faire croire qu’ils font dans le social en recrutant en masse (C’est cool ils font baisser le chômage !!). Belle image utopique car au final au bouts de quelques mois, les arrêts maladies s’enchainent, ainsi que les dépressions, les prises de médicaments, les retards, absences, … Là du coup on creuse le trou de la sécu !!

    Pour avoir travaillé durant 5 ans dans un Call-center de France, je dois avouer que ces plates formes ont beaucoup évoluées au fil des ans. Lorsque tu bosses pour une société qui possède 1 voir 2 call-centers, tu peux encore avoir une marge de manoeuvre, mais lorsque tu te fais racheté par des multinationales, tu deviens un numéro parmi tant d’autre, et le facteur humain n’existe plus du tout. Tu deviens une simple machine à répondre (ou appeler) et tu entres dans un système de production de masse qui te dépasse attiré par les carottes financières hypothétiques qui t’aideront à gagner 100€ de plus par mois et passer de quelques tout petits euros la barre poussive des 1000€.

    Management oppressant, résultats obligatoire sous peine de sanctions, aménagement des horaires impossible, salaire de misère, brimades, reproches, insultes des appelants, reconnaissance inexistante, etc. Autant de choses affrontées par les téléconseillers jour après jour que cela soit en France ou ailleurs.

    L’usine était critiquée il y a quelques décennies pour son esprit semblable à un enchevêtrement de poules élevées en batterie et travaillant comme tel. Aujourd’hui les usines sont devenues des call-centers, et personne pourtant ne fais rien pour stopper l’hémorragie, car cela permet notamment de masquer la réalité de la précarité du travail en France.

    Amicalement

    Tom[/b]

  3. Ces centres d’appels sont pour la plupart tunisiens sous traitant alors les divers services des entreprises françaises. il y’a bien sûr des « call centers » honnêtes (300 euros par mois ce qui est bien vu le niveau de vie et le salaire moyen en Tunisie) mais de nombreux autres sont des arnaques et profite de la naïveté et de la misère des étudiants et nouveaux diplômés

  4. Merci Supertitom, moi qui naïvement pensait que chez vous c’est mieux ( c’est toujours mieux, comparé aux calls centers tunsiens.
    Vous avez tout dit, et le pire, si tu démissionnes ou tu fais renvoyé, eux sont tranquilles car il y’a des milliers comme toi qui cherchent un petit salaire à la fin du moi.
    rendez-vous sur ce site, l’un des plus connus pour la recherche d’emploi en Tunisie, la moitié des voire le trois quart des offres concerne les téléopérateurs et les télévendeurs!!!
    [url]http://www.tanitjobs.com/[/url]

  5. tom,

    ton comm vaudrait bien un article (eu egard à ce qu’on lit ici en ce moment)

    comment condamner ces procédés (prudhomme etc)

    Pas facile aussi pour ceux qui sont appeles 30 fois pour les meme qyestions

  6. [b]Isa,

    merci pour ce gentil commentaire. J’avais écris à mes débuts sur le sujet, je vous propose le lien si vous voulez. Cela se passait il y a 1 an et la situation n’a fait que s’empirer depuis. Triste réalité que celle du conseiller clientèle.

    voici le lien :

    [url]http://www.come4news.com/index.php?option=com_content&task=view&id=36415[/url]

    Attention, je précise que je ne cible en rien les conseillers d’Afrique du Nord car eux comme nous sont exploités et bradent leurs compétences pour ces marchands de rêves.

    Amicalement

    Tom[/b]

  7. [b]Intelo,

    et « oui », comme tu le vois la galère est la même partout. Mais ces sociétés savent très bien ce qu’elles font et profitent au maximum du chômage présent dans bien des pays. Ces sociétés savent très bien qu’elles peuvent agir à leur guise en terme de rémunération puisque pour 1 personne qui démissionne il y a au moins 10 personnes derrières qui veulent ta place. De plus, le taux de chômage et de précarité étant tellement élevé dans certains bassins d’emploi, ces sociétés se retrouvent libres de tout agissement concernant les conditions de travail, les pouvoirs publics fermant les yeux tout les inspections du travail, ne sachant que trop la possibilité offerte à la dîtes entreprise de délocaliser. Triste réalité, mais vraie réalité.

    Amitiés

    Tom[/b]

  8. [b]Re Bonjour,

    j’ai un autre lien qui pourrait vous plaire et qui met en parrallèle la vie de client et la vie de conseiller. Une sorte d’explication amateur des avis de tous bords, sourires.

    [url]http://www.come4news.com/index.php?option=com_content&task=view&id=38441[/url]

    Tom[/b]

  9. Précieux, votre article, Intello! Je savais que ces Centres surexploitaient les gens…mais pas à ce point.
    Et le drame, c’est qu’il n’y a même plus les syndicats pour faire pression comme c’était le cas en Usine!

  10. [b]Siempre,

    Le problème c’est que les syndicats essayent de faire bouger les choses, mais que de toutes façons leurs voix n’ont que peu d’importance du fait que ces sociétés peuvent délocaliser à l’étranger quand bon leur semble. Un très grand groupe de Call-center a trouvé le bon filon en exportant ces activités dans plusieurs pays du monde en créant des entités propres à chaque nation ce qui lui évite ainsi de devoir se plier à bien des législatures salariales.

    Autre avantage de multi-entités, jouer sur les pertes et autres bénéfices des groupuscules pour éviter de règler les primes de participation aux bénéfices par exemple. Elles sont négocier pour faire taire le bas peuple, mais utopique dans ce type de fonctionnement. Un leurre sous forme de poudre aux yeux tel un carotte à un baudet pour les salariés qui se battent dans le costume de Don Quichotte.

    Pour être plus concret, car je pense être un peu vague, si un syndicat fait le forcing auprès de la direction, le risque de voir la société migrer son activité vers une autre entité (et donc un autre pays) est plus qu’importante. Du fait, a vouloir demander des revalorisations en France (par exemple), le risque et la menace ouverte est que l’activité partira en Tunisie, au Maroc, ou encore ailleurs dans le monde. Au final, les salariés n’auront non seulement par eu leur réhausse, mais en plus ils seront au chômage. Les sociétés l’ont bien compris, et c’est pourquoi tout le monde ferme les yeux…au détriment de la santé des salariés et de leur conditions de travail.

    Amitiés

    Tom[/b]

  11. Je comprends Tom! C’est pourquoi il devient urgent d’internationaliser les luttes sociales.Peut-être que dans le futur, à l’égal de ce qui s’est passé pour les révolutions arabes, Internet permettra aux exploités du monde de mieux se défendre.
    Tout est à créer, ou presque pour faire face aux nouveaux esclavagistes!

  12. [b]Siempre,

    oui tout est a créer pour faire face à ces nouveaux esclavagistes, mais combien oseront risquer leur emploi pour cette lutte? La crainte du chômage erre tel un spectre sur le monde entier, et c’est pourquoi beaucoup préfèrent se taire plutôt que de se retrouver sans rien et à terme à la rue. Ces sociétés savent très bien ce qu’elles font et n’ont rien à craindre pour le moment malheureusement.

    Une uniformisation des règles salariales mondiales? Cela serait plus que enviable, mais c’est pourtant impossible. Ces grosses multinationales ont le pouvoir de l’argent pour elle, et il est certain qu’aucun gouvernement n’osera les brusquer ou les remettre en cause sous peine de les voir partir. Et oui, l’argent est bien le nerf de la guerre, et la puissance du monde n’est pas politique, mais bel et bien économique. Les maîtres du monde sont les grands patrons mais pourtant personne n’en prend réellement compte aujourd’hui.

    Amitiés

    Tom[/b]

  13. Contente de vous voir de retour parmi nous , Intelo, vous nous avez manqué!
    Un article solidement argumenté et vraiment passionnant, ainsi que les coms qu’il a suscité… C’est en effet très instructif de comprendre « de l’intérieur » la déshumanisation de ces officines esclavagistes …j’avoue qu’après vous avoir lu , je m’y reprendrai à 2 fois avant de rembarrer vertement les pauvres gens dont les appels,hélas, me mettent régulièrement en rogne !

  14. Merci MUM, ce fut une longue absence en effet. En fait au début ça m’énervait de me faire raccrocher au nez mais j’ai fini par m’imaginer à la place des personnes que nous appelions, certains devront même perdre des appels importants, étant en ligne avec ces appels de pub.

    Merci Siempre, nous nos syndicats sont entrain de mener des grèves à tout va pour tout et pour rien mais pas pour défendre des employés de centre d’appels. Et d’ailleurs sans contrat de travail, tu vas dire quoi à quel syndicat.

    Merci Supertitom je vois que vous menez le débat et avec vos 6 ans d’expérience, il y’a de quoi. La société à laquelle vous faites allusion dans votre article (Téléperformance) est bien implantée en Tunisie. Je crois qu’elle fait partie des quelques réglos qui payent quand même les 300 euros par moi. Mais toujours est-il que c’est sans sécurité, tu peux te faire priver à tout moment.

  15. je crois que tout est dit, très bon article, très bonne argumentation et honte à ces néo-esclavagistes!!!

  16. Bonsoir Intelo,

    Content de te revoir ici avec un article qui décoiffe!
    J’avais déjà entendu parlé de ces call centers, mais difficile d’imaginer toute cette arnaque de l’extérieur. C’est bien de l’avoir fait, et avec nos peu de moyens à ma disposition, je peux encore envoyer ton article sur Facebook et twitter régulièrement. Au moins si cela peut faire venir du monde…
    Il y a aussi ces centres pour les Hot lines des sociétés informatiques ou de téléphonie qui délocalisent également.
    J’ose imaginer que les conditions doivent être un peu meilleures chez eux.
    En tous cas pour la Tunisie, avez-vous la possibilité d’intégrer ces faits dans le cadre politique après tous les évènements passés qui ont conduit à ce grand bouleversement. Ou bien les politiques chez vous ont-ils repris de mauvaises habitudes en auquel cas il serait utile de le faire savoir haut et fort?
    Cordialement
    Ludo

  17. Merci Ludo, vos encouragements me touchent vraiment!!
    je crois que l’offshoring ou la délocalisation n’est pas en soi une mauvaise chose d’autant plus qu’elle constitue la pine dorsale de l’économie tunisienne (bureaux d’études, sous-traitance et comme vous l’avez mentionné le secteur informatique). La Tunisie constitue un marché important avec une main d’œuvre très qualifiée. Seul le secteur des centres d’appels souffre de cette exploitation abusive.
    On a besoin de ces délocalisations car la création d’emploi (tunisienne) ne peut absorber la masse de diplômée, plus de 200 000 qui sortent chaque année du système éducatif
    les autres secteurs marchent à merveille et je n’ai pas eu vent des plaintes ou toute forme d’exploitation (bien sûr le salaire n’est pas le même que chez vous) mais on s’en sort très bien avec vu le niveau de vie ici.

    ce qui préoccupe le plus les politiciens maintenant c’est plus la stabilité et les luttes de pouvoir. Avec les constituantes qui arrivent (23 octobre), chacun veut prendre une place et apporter son mot à dire pour remettre le pays sur les bons rails.

  18. [b]Bonjour Intello,
    Je pense qu’effectivement les délocalisations peuvent être attendues en Tunisie, mais d’un autre coté ici c’est mal vu car elles ont une mauvaise presse.
    Pourtant je connais plusieurs entreprises qui ont délocalisé une partie de leurs activités en sachant garder leur personnel voire en embauchant d’autres personnes, tout cela dans le cadre de leur développement.
    Autrement dit une délocalisation raisonnée.
    Maintenant si c’est pour tirer profit de la main d’œuvre étrangère souffrant d’une déficit de travail alors que, comme c’est le cas en Tunisie, se trouve une main d’œuvre très instruite.
    Voilà quelque chose qui me révolte, on se croirait reparti au moyen âge avec ces seigneurs au ventres débordants d’agapes monstrueuse et de leurs cerfs qui crèvent la faim.
    C’est inadmissible.
    Ces entreprises devraient comprendre qu’ils ont là un tissu humain d’une grande intelligence et qu’ils passent à coté de quelque chose qui pourrait leur profiter naturellement.
    Cordialement
    Ludo[/b]

  19. Je crois que le moyen âge nous y sommes déjà et pas seulement dans les pays pauvres et tiers-mmondistes comme la Tunisie. j’ai même un projet d’article qui s’intitule: « la démocratie, cette nouvelle monarchie ». Lorsqu’on voit le rapport entre nos dirigeants et nos riches, on se dit qu’on vit vraiment dans une forme de monarchie qui ne dit pas son nom.
    Tu as vu quelqu’un sorti de nulle part devenir président de la république même d’une île?
    ce sont les mêmes qui nous gouvernent et ce sont leurs proches et leurs fils qui reprennent le flambeau une fois celui en place parti. l’exemple le plus probant, et en France en plus, est le cas Jean et Nicholas Sarkozy.
    On dit qu’il y’a la crise qu’il faut aider les banques et les directeurs sont limogés avec des parachutes dorées tandis que le bas peuple perd son travail purement et simplement. lorsqu’on voit les dividendes des dirigeants des entreprises de cac40 et de Dow Jones, il y’a de quoi se dire que la nouvelle monarchie a un visage multiple, mais rien n’a vraiment changé depuis le moyen-âge.

Les commentaires sont fermés.