Des nuages menaçants qui s’amoncellent lourdement à l’horizon comme annonciateurs d’un orage bien particulier. Rien d’inquiétant car depuis des décennies, c’est pratiquement le quotidien du Liban qui oscille entre ça barde et ça va barder ! Toujours pas de gouvernement et le pays s’apparente de plus en plus à un joli navire sans pilote qui tangue désespérément comme sur le point de chavirer : la publication d’un acte d’accusation par le TSL dite imminente depuis déjà un bon bout de temps, un odieux attentat terroriste contre une patrouille du contingent italien des soldats de la paix de la Finul, une Syrie voisine en détresse. Une frontière sud, théâtre fréquent de violence avec le voisin israélien dont celle récente qui s’est déroulée lors de la commémoration de la Nakba (1948) et peut-être celle prochaine qui se déroulera dimanche prochain lors de la commémoration de la Naksa (1967). C’est sur ce fond de malaise qu’est venue se greffer l’étrange affaire Ogero, histoire de pimenter encore plus ces péripéties multiples et variées à l’heure où le pays sombre dans une grave crise économique, politique, sécuritaire.  

Ogero. La téléphonie libanaise disposant  d’un passé tumultueux, nécessiterait-elle de faire l’objet d’attention particulière afin de ne pas laisser le champ libre à des mains malveillantes susceptibles de s’en accaparer ? On se souvient en mai 2008 de la colère du Hezbollah faisant suite à la volonté de démantèlement par l’Etat de son réseau secret de communication. Aussi plus récemment le gigantesque démantèlement du réseau d’espionnage téléphonique pour le compte d’Israël. Sans oublier tout l’appétit exercé par cette énorme mine d’or sur les puissants de la politique et des finances avant qu’ils ne se partagent les parts  du gâteau privatisé.

 Aujourd’hui, c’est l’histoire du troisième réseau de téléphonie mobile censé être public cette fois-ci, offert par la firme chinoise Huawei en tant qu’aide à l’Etat. Confié provisoirement à Ogéro dans l’attente de la création de l’opérateur Liban Télécom, ce troisième réseau serait notamment suspecté par certains de faire l’objet d’une utilisation illégale destinée à établir un système d’écoute sur le littoral syrien. Fraude qui semblerait être à l’origine de cette sinistre controverse : Charbel Nahas, le ministre sortant des Télecommunications, parti donc en mission pour démanteler ce fameux réseau s’est vu interdit d’accès au bâtiment en question par les forces de l’ordre sous le commandement du directeur des Forces de sécurité intérieure du général Achraf Rifi. Ce dernier refusant catégoriquement de se soumettre aux ordres du ministre de l’Intérieur sous prétexte qu’Ogéro dispose de la charge de ces lignes par unique décision du Conseil des ministres.

Face à une telle rebellion, le camp du 8 Mars s’offusque et accuse les FSI de n’être qu’une milice inféodée au 14 Mars laquelle s’en réjouit claironnant que même un ministre ne peut-être au-dessus de la loi.  Et de part et d’autre fusent abondamment de virulentes accusations dénonçant l’insubordination d’un officier aux ordres du pouvoir politique, le mépris, la déliquessence des institutions, l’insoumission d’un ministre aux décisions d’un Conseil de ministres etc. Des divergences fissurant encore et encore le peu d’unité restant de ce pays en proie à de perpétuelles crises l’acculant inéluctablement à de profondes déstabilisations.
Passe encore si de telles agitations pouvaient laisser entrevoir à terme  un quelconque sursaut mais la situation ne fait qu’empirer au profit des ennemis du pays. Et, sans trop de scrupules, les leaders des deux camps continuent de s’égosiller à qui mieux mieux au travers d’interminables discours  au service de  leurs propres intérêts menant inexorablement le Liban vers une sordide impasse. Sinon qu’attendraient-ils encore pour trouver un compromis et pour se mettre à plancher sur les problèmes basiques touchant au quotidien en berne de la population ? 
Heureux sont ceux qui comprennent ou croient avoir compris quelque chose à cet imbroglio parmi tant d’autres aux tenants et aboutissants occultes. Cerise sur le gâteau salé, même la mise en place de la commission d’enquête chargée  sanctionner le général rebelle s’avère laborieuse car les deux camps s’opposent aussi sur les instances susceptibles d’en désigner les membres. Presque au fond du gouffre, bizarrement, les Libanais de tous bords débordent toujours d’enthousiasme pour continuer de soutenir passionnément ceux qui s’évertuent depuis si longtemps à les diviser pour mieux régner. Sans jamais se décourager ni même se lasser…