Dans le premier volet de ma série traitant du monde carcéral et de la vie en prison, j’ai évoqué le « luxe » de la télévision, cette possibilité offerte aux prisonniers de se distraire, mais finalement financée par eux même, et permettant par ailleurs l’autofinancement de bien des activités au sein de leur établissement pénitencier.

Dans ce second volet, je vais évoquer un autre aspect de la vie carcérale, à savoir le « cantinage ». Le « cantinage », un terme bien connu de la population carcérale, qui consiste à améliorer les conditions de détentions des prisonniers au travers de denrées alimentaires, ou encore de matériel en tous genres (ou presque). Des apports ponctuels, achetés par les prisonnier eux même et sur leurs propres deniers, en fonction de leurs besoins quotidiens.

 

Il faut savoir dans un premier temps que les disparités flagrantes rencontrées avec la location des postes de télévisions, se retrouve là encore dans le « cantinage ». Là encore il n’existe réellement aucunes lois, aucunes règles concernant la diffusion des denrées au sein des établissements pénitenciers dans la mesure où ceux ci sont autorisés par l’administration qui assure la transition entre l’acheteur et le vendeur, et plus précisément entre le commerçant et le prisonnier acquéreur.

Aujourd’hui, ce sont les règlements intérieurs des établissements, fixés par les établissements eux mêmes qui régentent le « cantinage », sans aucune unité d’ensemble pour le parc Français pénitencier en terme de tarifications.

1/ Comment fonctionne le « cantinage »?

En règle général, dans la majorité des prisons Françaises, cet approvisionnement ponctuel de confort du prisonnier se fait une fois par semaine.

Chaque prisonnier possède un compte bancaire, alimenté soit par son travail dans l’établissement, soit par les dons de ses proches. Ce compte bancaire est géré par le comptable de la prison qui fait office de « banquier » de l’établissement, et qui assure les transactions pécuniaires à la demande des prisonniers entre les prisonniers eux mêmes et le commerçant.

Chaque semaine donc, les prisonniers dressent la liste de leurs recommandations auprès de l’administration pour la prochaine livraison à venir. Une liste d’exigences qui peut voir fleurir à la fois des denrées alimentaires (comme par exemple de la brioche, du coca cola, des oeufs, de la viande, des pâtes, etc.), ou encore des produits d’hygiène (mousse à raser, gel, savon) voir mêmes des produits d’ordre vestimentaires ou usuels (tee shirt, pull, pantalon, piles, magazines, livres,etc.).

 

Un commerce autorisé et donc cautionné par l’administration pénitentiaire afin de rendre plus « confortable » et « décent » la vie du prisonnier, d’autant plus, qu’au passage, la dîtes administration tire profit de toutes ces transactions commerciales en se justifiant de son rôle d’intermédiaire.

 

 

 

2/ Quels sont les commerçants qui alimentent les prisons, et comment sont-ils « choisis »?

 

Au niveau des commerçants, il faut savoir que, bien que le volume d’acquisition soit massif, chaque semaine, les autorités compétentes n’hésitent pas à faire appel à des commerçants locaux (petites, moyennes et grandes surfaces) voir parfois à des sociétés spécialisées dans la vente à distance de denrées comme il en existe temps dans les entreprises de France (Par exemple les distributeurs de biscuits ou de cafés dans les sociétés).

 

Des commerçants qui sont sollicités par l’administration pénitentiaire sous la forme d’appels d’offres, mais qui finalement ne sont pas autant en concurrence qu’il n’y paraît. « Oui », bien que officiellement la concurrence est de mise sous la forme d’un appel d’offres, les sociétés « employées » divergent rarement et les établissements pénitenciers ne cherchent pas (malgré leurs acquisitions massives) à obtenir une tarification préférentielles qui pourtant permettrait d’alléger les coûts finaux pour les acquéreurs.

Par ailleurs, il faut savoir que les prix de « ventes » aux prisonniers sont fixés par le directeur de la prison, et qu’il est le seul arbitre de la tarification en vigueur au sein de son établissement.

Des prix qui sont bien entendu plus onéreux que ceux pratiqués en grande distribution, malgré le fait qu’ils soient censé être identiques ou presque, étant loin d’être revendus aux coûts d’acquisition, l’intermédiaire carcérale augmentant le prix à la revente afin d’amortir les frais occasionnés à la fois en terme d’hommes et de matériel, pour ensuite revendre le produit final à l’acheteur demandeur.

 

Le « cantinage » permet donc aux sociétés locales de faire du profit et de fonctionner commercialement parlant, privilégiant donc les commerçants de proximité avant tout. Une bonne chose finalement pour ces commerçants, mais pour autant cela ne change rien en terme de coûts pour les acquéreurs finaux qui eux doivent payer le prix extra fort de produit pourtant à la base abordable dans la vie civile.

 

3/ Quelle est la différence de coûts réels entre la vie civile et la vie carcérale?

 

Voilà la question que tout le monde attend je pense ou presque au sein de cette étude. La différence de coûts est-elle aussi importante entre la vie réelle de « Monsieur tout le monde » et celle du prisonnier?

 

Si l’on se réfère à l’étude faite par la cour de comptes en 2006, la variation des tarifs est significative non seulement entre la vie réelle et la vie carcérale, mais est très différente aussi entre deux centre pénitencier. Là encore, aucune unification entre les prisons, aucun système définit ne permettant l’unité entre les divers centres carcérales de France. Là encore la disparité entre les établissements rend impossible toute compréhension pour un prisonnier qui doit se faire transférer d’un centre à un autre. Aucunes lisibilités dans la compréhension tarifaire, le tout étant décidé seulement par le directeur d’établissement, en fonction de critères définit par ce dernier.

 

Prenons tout d’abord un premier exemple, qui permettra de mieux comprendre ce phénomène et les disparités qui règnent dans cette société de consommation à part :

En 2004 : un paquet de riz qui était vendu 1€54 à Auchan était revendu à la Maison d’Arrêt de Villepinte 2€65, soit une différence de 41.89%. Une boîte de céréales vendue 2€89 à Auchan, était revendu à Villepinte 4€28, soit une différence de 48.10%.

 

Voici donc deux exemples montrant très clairement la différence qu’il peut y avoir entre la tarification proposée à un client lambda, et celle proposée à un prisonnier à la revente par l’administration pénitentiaire. Une variation qui oscille du simple au double, soit une plus value de quasiment 50% sur chaque produit vendu. Un sacré marché pour les établissements carcérales qui ainsi trouvent par cet intermédiaire l’occasion de réaliser un accroissement non négligeable de leur trésorerie.

 

Prenons maintenant l’exemple d’un même produit, et regardons la tarification proposée dans diverses prisons Hexagonales :

500 Grammes de Pâtes : 0€46 à Villenauxe, 0€66 à Joulville, 0€93 à Fleury Mérogis.

100 Grammes de Chocolat : 0€42 à Joux La Ville, 0€61 à Dijon, 0€92 à Clairvaux.

Un Croissant : 0€29 à Dijon, 0€34 à Fleury Merogis, 0€58 Lannemezan

400 Grammes de Nutella : 1€23 à Lannemezan, 2€61 à Villenauxe, 3€16 à Aiton.

 

 

 

 

Des prix qui étaient valables en 2003 lors de l’étude faite par la cour des comptes de France, mais qui bien sûr ont considérablement augmenté avec l’augmentation du coût de la vie dans l’Hexagone ces dernières années. Une variation des tarifs qui varie la encore à minima du simple au double, ce qui cumulé à la variation tarifaire comparée aux prix en magasin, fait osciller le prix de revente final du simple au quadruple.

Un produit acheté par un consommateur classique civil au prix simple, peut donc être acheté par un prisonnier lors du « cantinage » mais pour un prix qui peut aller jusqu’à quatre fois la valeur du dit produit. Un coût exorbitant dont l’administration pénitentiaire tire le maximum de profit au détriment du prisonnier mais dans le seul but d’humaniser les prisons et de donner un minimum de confort aux condamnés qui purgent leur peine.

Le « cantinage » est donc une forme d’approvisionnement tolérée du prisonnier par l’administration pénitentiaire qui joue les revendeurs de luxe, encaissant au passage des profits substantiels qu’elle met sur le compte de la transaction et du travail que cela représente en plus pour la dîtes administration. Un échange de bons procédés donc entre les prisonniers et leurs « autorités » qui permet aux premiers de garder un semblant de sociabilité et d’humanité en faisant l’acquisition de produits « traditionnels » et « civils », et qui permet aux seconds de faire paraître un semblant d’Humanisme et de gonfler en toute légitimité les trésoreries des prisons de France.

Après ces deux premiers volets nous avons pu constater que les idées reçues concernant le « Luxe » des prisonniers de France tenait d’avantage du Mythe que de la réalité. « Oui » ceux ci ont à disposition la télévision et la possibilité de faire des acquisitions personnelles toutes les semaines, mais la tarification proposée ne rend en rien attractif ces « avantages » et ne fait que « punir » encore d’avantage les prisonniers. « Oui », ceux ci ont accès à ces « avantages » mais il ni à rien de gratuit en prison et tout se paye, et bien souvent à des tarifs beaucoup plus important qu’en grande distribution. Des tarifications quadruplés pour se restaurer, un service audiovisuel facturé en moyenne actuellement 40€ par mois, etc. Comment les prisonniers Français peuvent-ils faire pour « s’offrir » ce que beaucoup de personnes de la vie civile et libre appellent du « luxe »? C’est à cette réponse que je tenterai de répondre dans le prochain opus de cette saga.

Source :

http://detentions.wordpress.com/2008/08/30/cantiner-en-prison/

 

A lire : Les "Luxes" du Prisonnier, mythe ou réalité? Partie1. La Télévision.