Nombreux furent et sont les dirigeants arabes soucieux de transmettre le pouvoir à leurs proches. Les révoltes arabes récentes signent, sans conteste, l’échec de ce modèle politique. Là est leur première signification, mais d’autres, bien plus essentielles, existent aussi.
Si le cas libyen, toujours en cours de résolution, aura, de toute façon valeur de précédent historique sur la question du droit international, force est de constater que son exemplarité peut, aussi se situer sur un autre versant. Car bien plus que le simple sort de Mouammar Kadhafi, ce qui ce joue c’est aussi le processus d’accaparement du pouvoir par la famille régnante libyenne dans les années à venir.
Le monde arabe est parsemé de régime s’appelant « République », où le pouvoir se transmet, bien souvent de père en fils. N’ayant de république que le nom ces régimes sont en réalité des républiques héréditaires. Et s’il est une victime à identifier aux révoltes arabes c’est bien certainement ces oligarchies politiques.
Et de fait si le cas libyen peut s’offrir comme précédent c’est aussi sur cette question de la fin des républiques héréditaires. En effet sans l’intervention internationale il est probable que sitôt la répression contre les rebelles achevée, Mouammar Kadhafi aurait commencé à accélérer les démarches visant à introniser son fils, Saïf Al-Islam, comme successeur.
Un type de régime très fréquent dans le monde arabe
Mais le dirigeant libyen est loin d’être le seul dans ce cas.
Ce modèle existe déjà en Syrie, où Bachar El-Assad à explicitement hérité du pouvoir de son père.
En Egypte, Hosni Moubarak s’activait pour l’intronisation de son fils Gamal.
En Irak Saddam Hussein avait pour dauphin officiel l’un de ses fils (soit Oudaï, soit Qusaïn, c’était fonction des folies de Oudaï, fils ainé du dictateur et psychopathe en liberté).
Au Yémen, le président Ali Saleh, toujours en poste, aimerait que ses fils ou certains de ses proches lui succèdent. Fin janvier 2011, il a dû annoncer qu’il reculait sur la question, face à la pression de la rue.
En Tunisie, Zine Ben Ali avait déjà trouvé parmi les membres de sa belle famille (les Trabelsi) le dauphin male qui lui manquait, lui qui n’avait eu que des filles pour enfants.
Loin d’être l’exclusivité du monde arabe (la Corée du nord, où les tentatives d’Abdoulaye Wade au Sénégal l’illustrent), ces républiques héréditaires ont cependant certaines particularités intéressantes.
Ce que la fin des républiques héréditaires nous apprend sur le sens des révoltes arabes
Tout d’abord ces républiques héréditaires sont ou ont été des régimes autoritaires, voire totalitaires. Parler de révoltes pour la liberté dans ces pays implique nécessairement une remise en l’état de fond en comble de tout l’appareil exécutif du pays. Démarrées sur des fronts sociaux, sociétaux ou économiques ces révoltes ne peuvent qu’aller vers des revendications beaucoup plus profondes dans leurs implications politiques et historiques.
Autre caractéristique : ces régimes se sont concomitamment et conjointement développés dans le sillage des luttes contre le colonialisme. Ce qui ce joue aujourd’hui dans le monde arabe est davantage qu’une révolte. C’est une réappropriation de leur histoire par les peuples arabes eux-mêmes. Dominés du temps des colonisations, puis oppressés par la suite, ils reprennent, aujourd’hui, pied avec plus de liberté.
Car autre caractéristique de ces régimes : ces république héréditaires sont bel et bien la conséquence des égarements idéologiques du XX ème siècle. Car il y avait tout un aspect idéologique derrière ces régimes. Tous ont dit vouloir faire triompher la justice sociale, la liberté, la modernité ou le progrès, voire le nationalisme ou le panarabisme.
Moubarak voulait être le prolongement de Nasser ce même Nasser que Kadhafi a voulu détrôner, en tant que leader du panarabisme. Ben Ali se présentait comme l’héritier de Bourguiba et Saddam Hussein comme celui des grands chefs d’Etat Sumérien.
Ces révoltes ont donc toutes les raisons de se voir comme une entrée réussie dans un XXI ème siècle arabe enfin débarrassé des illusions du XX ème siècle.
Grégory VUIBOUT
Excellent article 😉
Je pense que, depuis 30 ans, tout le monde visait sur le pétrole et fermait les yeux sur les régimes répressifs.
Le problème, c’est que le partage des richesses ne se faisaient pas et les peuples ont réagi, ce qui est légitime.