Il n’y a plus de doute permis maintenant : la Chine tisse patiemment sa posture de possible future première puissance mondiale. Car à coté du visible apparent de cette envie de domination il y a toute une tactique de vassalisation des économies nationales, elle beaucoup plus subtile et admirablement exécutée. L’Europe, plus spécifiquement, constitue une proie d’importance et de prestige pour la rapacité économique chinoise.
Le journal Le Monde notait récemment une tendance à l’œuvre dans le comportement diplomatique chinois. En effet, en se référant aux informations transmises par Wikileaks il apparait évident qu’est en train d’émerger en Chine une forme de néonationalisme tantôt instrumentalisé tantôt rendu silencieux de la part du pouvoir chinois. Lorsqu’il faut impressionner ou intimider la partie adverse le pouvoir communiste n’hésite pas à laisser se dérouler des manifestations souvent violentes, bien que sporadiques et très encadrés. Dans le champ diplomatique ce nouvel excès de confiance de la part de la possible future première puissance mondiale semble essentiellement se porter vis-à-vis de ses voisins asiatiques, mais aussi vis-à-vis des européens. Car pour le pouvoir chinois l’Europe semble déjà bel et bien être une puissance révolue. Seul le concurrent américain apparait de taille et à ménager, le vieux continent ayant essentiellement valeur d’énorme marché de consommateurs avec qui la déférence et l’écoute en politique internationale ne semble qu’être factice et insincère.
Poursuivant dans cette vision de vassalisation possible de la puissance européenne, les autorités chinoises n’ont plus guère de retenue à avouer la nature de leurs intentions économiques en Europe. Pour eux le but à terme est bien d’investir massivement sur le vieux continent afin d’affirmer face à cet ancien concurrent devenu trop faible le statut de super puissance mondiale qu’ils rêvent d’atteindre.
A cet égard le cas grec est sans conteste le plus illustre des exemples de cette mise en coupe réglée de l’économie européenne qu’ambitionne la Chine. Et de fait la proposition d’aide et de soutien que Hu Jintao a fait à l’économie grecque à la fin du mois de novembre est tout sauf désintéressée. Officiellement le président chinois a dit faire ce geste afin de « soutenir les pays de la zone euro et la Grèce (…) à dépasser la crise mondiale ». Que la Chine puisse voir dans cette opportunité une formidable manne utile à l’emploi de ses colossaux excédents budgétaires constitue déjà un premier point de relativisation de cette générosité. Mais qu’il s’agisse de la Grèce semble arranger en bien des points les dirigeants chinois.
Car malgré ses difficultés économiques (dette publique à environ 15% du PIB ; chômage à 12% et inflation possible calculée en octobre 2010 à près de 5%) la Grèce continuait fin 2008 a avoir la première marine marchande européenne (8,7% de la flotte mondiale, 16,4% du tonnage mondial). A coté des promesses de soutient faites à l’économie grecque (investissement chinois dans la dette souveraine grecque dès 2011, doublement des échanges commerciaux entre les deux pays à l’horizon 2015), il s’agissait bien évidemment de se focaliser sur ce qui fait le point fort de l’économie grecque, à savoir sa marine et ses ports. Ainsi se porter à la rescousse d’un tel pays offrait l’incontestable possibilité d’accroitre son emprise sur le transport maritime pour la Chine.
Et là semblent être les raisons de sa générosité. Car en s’appuyant sur la suprématie maritime grecque la Chine souhaite développer un secteur stratégique pour elle. Car placer des capitaux dans la construction maritime c’est, pour les Chinois, garder la main sur une place forte de la construction navale, domaine que la Chine entend dominer à terme. Mais surtout l’investissement chinois vise la question de la logistique du port d’Athènes, dont 50% du trafic commercial est d’ores et déjà passés sous contrôle chinois. De même et enfin ne perdons pas de vue qu’investir dans la construction et le commerce navals grecs offre une incontestable position stratégique en Europe, avec, plus spécifiquement, entre les mains un exceptionnel levier pour placer ses pions dans les Balkans.
C’est à cette aune qu’on peut mieux comprendre les enseignements du précédent grec. Car il illustre en bien des points l’attitude chinoise vis-à-vis de l’Europe. Attitude économique prédatrice, d’attente, puis d’éventuel sauvetage, de l’économie des pays européens. Mais surtout, et là est l’enseignement majeur, chercher à penser ces investissements au maximum de leur utilité, certes économique, mais surtout géopolitique. Car les chinois ne s’en cachent plus leur intention est clairement « d’africaniser » l’économie européenne ; ponctionnant et soutenant ça et là au gré de ce que chaque économie nationale offre comme avantage comparatif vis-à-vis de ses voisins et sur la scène mondiale. Aujourd’hui la Grèce est en difficulté et ses forces maritimes peuvent servir la puissance chinoise, donc la Chine s’y implique. Si demain vient, très improbablement, le tour de l’Allemagne il s’agira d’investir dans son industrie. Si c’est la France il pourra s’agir du luxe, du tourisme, des transports, etc…, etc…
Déjà souvenons nous que ce sont des capitaux chinois qui possèdent l’aéroport de Châteauroux et qu’ils ont construit autour des bases logistiques. Grace à cette astuce nombre de marchandises chinoises ne payent plus les taxes d’aéroport de Roissy. Preuve d’une autre posture chinoise pour tenter de cannibaliser les économies européennes. Investir dans des pays pouvant encore se financer et s’y comporter comme des investisseurs lambda cherchant à favoriser les échanges avec l’une des économies les plus dynamiques du monde.
Mais loin de n’être que simplement néfaste cet état de fait présente un intérêt qu’il convient de penser et de méditer pour que cesse la relative impuissance européenne. Car si tout semble simple pour la Chine c’est aussi en réponse à une Europe qui peine à faire émerger un point de vue économique commun à l’ensemble de ses membres. Ainsi s’esquisse un continent englué dans ses égoïsmes économiques nationaux dans lequel s’engouffre la Chine qui très efficacement joue cette carte d’une politique d’investissement basée sur ce que chaque pays fait de mieux.
Il n’y a donc rien d’étonnant à ce qu’à l’avenir l’existence d’une Europe du sud plus pro chinoise que celle du nord aggrave les difficultés de leadership européen sur la scène économique mondiale.
Bonjour Gregory,
« soutien que Hu Jintao » Il semble que ce personnage est en fait peu recommandable, favorable à la politique d’agression et d’invasion américaine. On s’inquiète d’une invasion chinoise mais pour l’instant, c’est bien l’invasion américaine qui domine le monde! Et une invasion militaire et morale n’est-elle pas aussi inquiétante et plus urgente à traiter qu’une invasion économique chinoise virtuelle? Car que risque t-on? de devenir les employés de la Chine? Mais est-ce vraiment le cas? connait-on vraiment la part des capitaux chinois dans le monde? Peut-on faire une campagne internationale de boycott des produits européens où les capitaux chinois sont majoritaires? Combien y en a t-il et dans quelle proportion? Quelle est la proportion de ceux qui appartiennent encore à l’Europe? Peut-on indiquer un pourcentage réel des capitaux chinois en Europe et ailleurs dans le monde?