A l’heure où, pour la énième fois, Nicolas Sarkozy s’en prend aux journalistes ; à l’heure où l’on se demande si une femme-journaliste peut exercer son métier en ayant une liaison avec un homme politique ; à l’heure où l’on s’étonne que des journalistes de la télévision puissent servir de faire-valoir au Président de la République, il faut relire ce livre de Serge Halimi paru en 1997. Cet ouvrage reçut un accueil très frais de la part de ses collègues et pourtant, il pose le problème du rapport entre le journaliste et le politique.

Si de nos jours on s’offusque de voir les journalistes-vedettes être à « tu et à toi » avec des ministres, on a oublié que sous les présidents précédents, il en était déjà de même. Ainsi, Claire Chazal a reçu ses insignes de chevaliers de la légion d’honneur en 2004 à l’occasion d’une cérémonie à laquelle assistèrent entre autres Mme Chirac, M. et Mme Raffarin et Nicolas Sarkozy.  Mais Jack Lang et Martine Aubry étaient présents à son mariage.

L’auteur rappelle que la plupart des journaux appartiennent à des hommes proches du pouvoir. Même des soi-disant dynamiteurs comme Karl Zéro savent très bien qui les payent. Ce dernier reconnaît d’ailleurs dans une interview au Point : «Évidemment, je ne vais pas attaquer François Pinaut bille en tête! C’est comme vous d’ailleurs, puisqu’on a le même actionnaire »   

Jean Bothorel, journaliste au Figaro, a été renvoyé pour avoir dénoncé « cette pratique, hélas courante, qui conduit certains responsables de périodiques à utiliser « leur » titre pour assurer la promotion effrénée, disproportionnée de leurs romans ou essai ».

Le livre rappelle aussi que la presse a pu jouer un rôle néfaste, en particulier dans la campagne électorale de 2002. Chirac, d’ailleurs l’a fait remarquer : « Vous savez, je regarde aussi […] les journaux télévisés. Qu’est-ce que je vois depuis des mois, des mois et des mois… tous les jours, ces actes de violence, de délinquance, de criminalité… C’est bien le reflet d’une certaine situation. Ce n’est pas moi qui choisissais vos sujets. » Alors qu’à cette époque, « aucune augmentation sensible du nombre des crimes et délits n’avait cependant été constatée pendant la période ». La presse s’est bien « emballée » et aujourd’hui, il semble qu’elle n’ait toujours pas compris. La précipitation à vouloir impliquer Sarkozy dans le scandale de Karachi en est une nouvelle preuve.