Tout le monde a déjà entendu parler du lac Titicaca, le plus haut lac navigable au monde, puisque situé à 3636 mètres au-dessus du niveau de la mer, et partagé entre le Pérou et la Bolivie.

Cette surface navigable de plus de 8000 kilomètres carrés compte une quarantaine d’îles, dont certaines habitées, et une profondeur maximale d’un peu plus de deux cents mètres. Mais ce n’est pas pour ces éléments géographiques exceptionnels que ce lac est célèbre, ni pour la richesse de son écosystème qui lui a valu d’être classé comme réserve nationale et aire naturelle protégée, mais bien parce qu’il est le berceau de toute la mythologie inca, et tout particulièrement sa plus grande île, l’île du Soleil (Isla del Sol, ou Isla Titikaka, située du côté bolivien du lac) où, d’après les légendes indiennes, serait né le premier des Incas, Manco Cápac.

C’est ce contexte historique qui fait de ce lac un des hauts lieux du tourisme mondial, tourisme qui, s’il profite surtout à l’industrie du voyage, permet également aux nombreuses tribus indiennes vivant encore sur ses berges de réaliser de substantiels bien que relatifs bénéfices.

Hélas, le gouvernement péruvien a signé l’année passée un accord autorisant pour trente ans la recherche et l’extraction du pétrole dans les eaux du lac Titicaca. Les populations indiennes ainsi que les autorités municipales des localités limitrophes de l’ancien lac sacré des Incas ont tout fait pour tenter de faire annuler ce projet. Les défenseurs du site ont également rappelé au gouvernement péruvien que la zone était classée réserve nationale et aire naturelle protégée justement pour préserver la biodiversité exceptionnelle du lac et de ses environs, et qu’on ne pouvait donc le développer que dans le cadre de projets respectant la faune et la flore sylvestres, aquatiques et terrestres.

Mais ce 23 juillet 2010, Pedro Sánchez, ministre péruvien de l’énergie et des mines, a confirmé la volonté du gouvernement en relevant que le fait que le lac se situe en zone naturelle protégée n’avait jamais signifié que l’on ne pouvait ni l’explorer, ni l’exploiter !

Lorsqu’on connaît les dégâts que font à la nature les sociétés spécialisées dans l’extraction et l’exploitation du pétrole, même sans rappeler la catastrophe provoquée par la British Petroleum dans le golfe du Mexique, on peut être certain que rapidement les eaux tranquilles du lac Titicaca où reposent les restes des derniers Incas et les rêves d’un peuple aujourd’hui disparu seront bientôt saccagées et pillées par l’appétit dévorant du monde moderne que nous avons créé.

On aurait espéré que la Bolivie voisine freine les ambitions péruviennes, mais les dernières déclarations de son président, Evo Moralez, en faveur de la recherche et de l’exploitation des ressources naturelles comme le gaz et le pétrole dans son pays font plutôt craindre que la Bolivie, elle aussi, se lance dans l’exploration et l’exploitation des fonds du lac Titicaca.

D’aucuns m’objecteront qu’il est aisé de défendre les intérêts écologiques de contrées lointaines en faisant abstraction des réalités économiques, et que même s’il est certain que la découverte de pétrole va profiter en premier lieu aux nantis de l’industrie et de la politique, on ne peut nier que certains avantages économiques profiteront également aux Autochtones, ne fut-ce que par la création d’emploi et d’infrastructures.

Il paraît en effet évident que la protection de l’environnement doit rester un combat de second plan si l’on considère qu’une partie des bénéfices seront réinvestis au profit des communautés locales, surtout dans ces régions à la pauvreté endémique.

Mais d’un autre côté, il est regrettable de constater que notre société ne peut progresser, encore et toujours, qu’en détruisant ce monde qui nous abrite.

Entre les beaux discours du développement durable et la réalité, le fossé reste immense. Souhaitons que les rêves d’une société plus écologique ne restent pas à l’état de théories comme le restèrent ceux d’une société communiste et égalitaire.