Compte-rendu d’audiences correctionnelles dans un tribunal de grande instance de province à travers diverses affaires, avec leurs contextes, leurs causes, leurs conséquences, leurs acteurs, leurs dénouements.

Aujourd’hui : à peine entrés dans le petit bain de la délinquance, deux jeunes gens convaincus de cambriolages, de vandalisme et de séquestration auraient pu se retrouver la tête sous l’eau.


Le contexte : dire que l’oisiveté est la mère de tous les vices pourrait se démontrer à travers cette affaire qui met en scène deux jeunes gens que le désoeuvrement chronique a menés sur le chemin du n’importe quoi. Sans emploi et sans revenus, ils prennent l’argent où ils le peuvent et comblent leur inactivité de la même façon. C’est ainsi que l’un d’eux, âgé de 21 ans, n’a rien trouvé mieux, juste pour tuer le temps, que de dévaster un appartement inoccupé situé dans l’immeuble où il demeure. À croire que la destruction sans motif constitue d’ailleurs un de ses hobbies de prédilection, si on considère qu’une sombre nuit, il a pénétré dans les locaux d’une piscine municipale en compagnie de l’autre prévenu du jour (19 ans). Là, les deux vandales ont littéralement mis à sac les lieux, causant des dégâts considérables aux installations. Dans la foulée, le duo s’est dirigé vers un collège où il a dévalisé…un distributeur de friandises ! Si on ajoute à ça que, peu de temps auparavant, ils avaient entamé la soirée en lacérant la bâche d’une remorque de camion en pensant (à tort) qu’elle contenait des marchandises, on mesurera le taux de nocivité imbécile de ces deux pénibles.

Sur l’échelle de la délinquance, ces cambrioleurs à la petite semaine franchiront un palier quelque temps plus tard en dévalisant un magasin de cycles où ils vont s’emparer de cyclomoteurs et d’outillage après avoir volé une voiture pour assurer le transport du butin.

Finalement, c’est un vol minable, perpétré dans une épicerie de campagne par l’un d’eux, qui va les mettre provisoirement hors d’état de nuire. Cuisinés par les enquêteurs, les deux délinquants vont reconnaître les faits en bloc et même un tas d‘autres, avouant des rapines dont le fruit était la plupart du temps enterré dans les bois avant d‘être « fourgué » au petit bonheur quand des acheteurs potentiels se faisaient jour.

Convaincus d’avoir été dénoncés par un « indic’ », ils n’auront de cesse, dès leur sortie de garde à vue, que de mettre la main sur celui qu’ils pensent être le responsable de leur interpellation. Persuadés de l’avoir identifié, ils vont l’enlever, l’entraîner une cave et le passer à tabac, l’avertissant qu’il allait subir un enfermement de 48 heures, c’est-à-dire le temps de la garde à vue qu’ils ont eu à supporter. Selon le même raisonnement du préjudice subi, ils annoncent également à leur victime qu’elle aura, à titre de réparation, à leur rembourser le montant de « ce que les flics ont pris » (à savoir la valeur du butin retrouvé…) La correction vengeresse et « défoulatoire » n’a pas été sans effets puisqu’elle a valu au séquestré trois semaines d’interruption temporaire de travail. Elle lui a également donné une véritable raison d’en appeler aux forces de l’ordre, provoquant une nouvelle interpellation de ses bourreaux.

L’audience : face à leurs juges, les deux prévenus ne paraissent pas encore prendre la mesure de leurs actes, ânonnant de presque inaudibles « je ne sais pas » quand une question sur leur comportement leur est posée. Ce sera leur réponse notamment quand le président lancera : « pourquoi tant de violence ? », évoquant le traitement réservé à celui dont-ils étaient convaincus qu’il était une « balance ». Et l’avocat chargé de représenter la victime de les placer brutalement face à la réalité : « séquestration, ça peut coûter 20 ans de réclusion criminelle ! Pour ces deux-là, vu la sauvagerie avec laquelle ils ont accompli ces actes, l’indulgence se trouve déjà dans la qualification de cette affaire qui aurait tout aussi bien pu être présentée devant une cour d’assises ! »

Un avis qu’on partage visiblement du côté du Ministère Public, le procureur estimant que cette affaire est « extraordinaire au sens propre du terme », fustigeant « de petits voyous d’une envergure inversement proportionnelle à leur capacité de nuisance qui méprisent autrui et le bien d’autrui », énumérant le nombre des délits, des victimes, des préjudices et soulignant la gratuité de certains faits où se mêlent l’appât du gain, le vandalisme pur et un esprit de vengeance illégitime.

Un peu de légèreté interviendra dans les débats quand le président, s’appuyant sur le fruit des fric-frac commis par les deux délinquants et sur le trafic engendré, glissera à l‘un d‘eux: « finalement, vous participez à l’économie de votre quartier… », ce que l’intéressé ne démentira pas. «  Et vous ? » demandera-t-il à l’autre, suscitant cette réponse benoîte :  « moi, je connais moins de monde… »

Confronté au réquisitoire du procureur, lequel, réclamait « une peine exemplaire », l’avocat de la défense n’a pas eu la partie facile à expliquer le comportement de ses clients, plaidant « un coup de folie », faisant référence aux « saturnales des Romains, quand tout est permis » pour tenter de justifier l’aberrant saccage de la piscine et la visite dévastatrice dans le collège. « Ce sont des enfants dans des corps d’adultes » assurera-t-il, suggérant de « personnaliser l’affaire » et pencher pour une « peine adaptée ».

En fait, le tribunal optera pour une sanction plus sévère que celle requise par le Ministère Public, infligeant respectivement 18 et 12 mois de prison ferme aux deux jeunes hommes, le tout assorti d’un an de prison avec sursis pour chacun. Et c’est menottes aux poignets qu’ils ont quitté la salle d’audience.

 

Échos de barre : en bonus, quelques petites phrases recueillies au fil des audiences :

Code donneur : Le président au prévenu : le procureur requiert une peine de deux mois de prison ferme à votre encontre. Est-ce que ça vous semble une sanction juste ?

– Je sais pas, moi ! Monsieur fait son travail…C’est au niveau des bouquins, là, du code pénal, que ça se passe !

 

L’épouse cuisine, la mari trinque : interrogé sur la raison pour laquelle il conduisait avec un taux d’alcool dans le sang supérieur à ce qui est autorisé, au retour d’un copieux repas entre chasseurs, cet homme détaille :

En fait, nous avions un chevreuil à arroser et c’est ma femme qui s’est chargée de préparer le plat principal. Il se trouve qu’elle n’a pas utilisé tout le vin : il restait un fond de bouteille, sur la table de la cuisine et ç’aurait été dommage de le laisser perdre.

– Finalement, c’est la faute de votre épouse…

– Voilà !

NTM : Vous vous rendez compte que c’est à votre propre sœur que vous avez lancé : « je nique ta mère » ???