Compte-rendu d’audiences correctionnelles dans un tribunal de grande intance de province à travers diverses affaires, avec leurs contextes, leurs causes, leurs conséquences, leurs acteurs, leurs dénouements.
Aujourd’hui : comment, à se faire la (trop) courte échelle, ces deux manches n’ont pas pu se faire la belle.
Le contexte : quand on évoque les as de l’évasion, on pense à Jean Latude et son génie, à Jacques Mesrine et ses coups de force, à Michel Vaujour et son hélicoptère, voire à Steve Mac Queen sur sa moto ou à Edmond Dantès, le futur comte de Monte-Cristo, dans son linceul. Les deux hommes concernés aujourd’hui, âgés de 22 et 24 ans, estimaient-ils pouvoir se rapprocher d’une de ces références en préparant leur fuite d’une petite prison de sous-préfecture ? En tout cas, ils ont opté pour le classique : barreaux limés et corde de draps. Sauf que, pour eux, le film va tourner au court métrage.
Comment sont-ils venus à bout de la grille qui les séparaient de l’extérieur ? En en usant le métal jour après jour non pas avec une lime dissimulée dans une miche ou un matériel ultra sophistiqué mais avec une simple vis prélevée sur un meuble de la cellule. Cette vis, dûment aiguisée pour avoir le tranchant nécessaire, a ensuite été assujettie à une cuillère qui lui a servi de manche. Jusque là, les adeptes de Mc Gyver pouvaient se féliciter de ce qu’ils avaient entrepris. C’est ensuite que ça allait se gâter : l’anse du seau destinée à devenir grappin en prolongement de la corde de draps tressés s’est révélée trop peu résistante pour remplir cet office. Si bien que les deux taulards se sont retrouvés….prisonniers dans la cour, au pied du mur d’enceinte devenu infranchissable, incapables même de regagner leur cellule et de faire comme si de rien n’était. C’est donc entre deux gardiens qu’ils seront ramenés, penauds, dans une autre geôle, au terme de leur très brève cavale… intérieure.
L’audience : au moment où il comparaissent devant le tribunal pour répondre de cette tentative d’évasion, les deux hommes ne partagent non seulement plus la même cellule mais sont désormais détenus dans deux établissements différents, l’un pour viol, l’autre pour proxénétisme aggravé.
Au moment de se défendre, l’un tentera de faire vibrer la fibre paternelle, arguant de son désir irrépressible de voir ses enfants et même assister à leur rentrée scolaire. « C’était pour rigoler. D’ailleurs, on voulait rentrer : c’est nous qui avons appelé les gardiens alors que nous étions dans la cour » tentera l’autre, sans pour autant dérider les magistrats et surtout pas le procureur : « c’est quand vous êtes entre quatre murs que vous découvrez que vous avez des enfants ? Il aurait mieux valu y penser avant de commettre les agissements qui vous y ont menés ! » Et de réclamer un verdict très sévère pour l’exemple, suggérant une peine de dix-huit mois de prison.
Le tribunal optera pour une condamnation d’un an ferme pour chacun.
Échos de barres : petites phrases glanées au fil des audiences.
Fausses notes : face à ce jeune homme propre sur lui qui présente une tête de premier de la classe mais dont le casier commence à prendre de l’épaisseur : « avec votre mine d’enfant sage, on vous verrait plutôt jouer du hautbois ».
Faut pas être chien : « chacun ses névroses » philosophe le juge à propos de la propension d’un prévenu à posséder des chiens classés comme étant dangereux avant de poursuivre : « ce sont des armes qui se déclenchent sans qu’il soit besoin d’appuyer sur la détente. »
Et d’aborder le sujet du jour : pourquoi n’avez-vous pas effectué les démarches obligatoires, à savoir une déclaration en préfecture ?
– Je n’avais pas d’argent !
– Un prétexte qui serait plus recevable si…cette déclaration n’était pas gratuite…
De quoi s’aiguiser l’appétit : Que faisiez-vous en possession d’une arme ?
– Mon couteau ? Mais il me sert à manger, à midi !
– Un cran d’arrêt ??
– Ben, je n’ai que celui-là !