Ouh, le vilain pape, le méchant panzer cardinal, l'affreux inquisiteur! Mais qu'a dit ce pape? Il a osé exprimé qu'il y avait une continuité entre la culture indigène en Amérique et le christianisme! Il a osé suggérer que le continent amérindien attendait en silence l'arrivée du christianisme! Très rapidement biensûr les apôtres de la bien-pensance se sont élevés: comment cet affreux pape conservateur a-t-il osé dire une telle chose après les les atrocités qui y furent commises?

Et pourtant le pape, d'une certaine façon, a raison…


Il a même apporté une précision dernièrement: "Le souvenir d'un passé glorieux ne peut faire oublier les aspects sombres de l'évangélisation de ce continent, les souffrances et les injustices infligées aux indigènes par les colonisateurs jusqu'à la négation de leurs droits fondamentaux. " Il n'avait pas dit le contraire auparavant, mais avait juste précisé que la culture amérindienne avait trouvé une continuité dans le christianisme. Il suffit de savoir qu'en arrivant au Brésil, le pape avait déclaré mettre sa visite sous le patronnage de Notre-Dame de Guadalupe.

Notre-Dame de Guadalupe est apparue en 1531 à un Indien pauvre et son image est restée imprimée d'une façon inexplicable, dit-on, sur le "tilma" de cet homme, un vêtement fait à base de cactus qui ne s'est pas détérioré depuis. La particularité de cette apparition, c'est que la dame en question portait des symboles aztèques (pas si éloigné de la déesse Tonantzin), notamment celui de la maternité, et était métisse. On la célèbre en procession dans des habits traditionnels avec des chants et des danses issus très clairement des traditions indiennes locales, la plaçant jusque dans la symbolique dans la lignée de la tradition indienne. Sur ce continent, la tradition est en effet toujours vivante, n'en ont été expurgés que les sacrifices humains et les anciennes divinités et religions, mais les traditions se sont perpétués dans le christianisme. On peut donc en conclure que le message du pape était un compliment à la culture amérindienne, comme à une culture destinée à recevoir le baptême du christ, ce qui pour un chrétien a une grande importance et reste tout à fait noble. Il pourrait en être dit tout autant de l'Europe (pour comparaison, à l'emplacement de Notre-Dame de Chartres, se trouvait au temps des Gaulois, un temple dédié à une vierge ayant enfanté et ce n'est pas le seul exemple). Notre-Dame de Guadalupe est considérée comme la patronne des Amériques.

De fait, la plupart des choses qui ont été reprochées au pape durant son voyage sont sans fondement: le pape n'a pas défendu ce que des chrétiens d'un autre siècle ont fait, ce n'était pas son sujet. Il a surtout insisté sur le respect de la vie, de sa conception à sa fin naturelle, insistant sur la solidarité, notamment envers les pauvres et les marginaux, rappelant que l'église ne fait pas de politique, ceci à l'adresse de la théologie de la libération, considérant qu'elle prône une religion trop éloignée de Dieu, car pour le pape un monde sans Dieu est un monde sans réelle solidarité. Il a aussi visité un centre de désintoxication pour jeunes drogués allant jusqu'à en serrer dans ses bras, lesquels en ont eu les larmes aux yeux, tout en excommuniant les trafiquants de drogue dans un continent qui en comprend de nombreux: ils devront "rendre compte de leurs actes" a-t-il dit (auprès de dieu).

C'est par ailleurs un peu le sens du message du pape dans son audience générale du 23 mai, après les remerciements pour leur accueil: "Le souvenir d'un passé glorieux ne peut pas ignorer les ombres qui accompagnèrent l'œuvre d'évangélisation du continent latino-américain. En effet, il n'est pas possible d'oublier les souffrances et les injustices infligées par les colonisateurs aux populations indigènes, dont les droits humains fondamentaux ont souvent été piétinés. Mais la juste mention de tels crimes injustifiables – des crimes d'ailleurs déjà condamnés à l'époque par des missionnaires comme Bartolomé de Las Casas et des théologiens comme François de Vitoria de l’Université de Salamanque – ne doit pas empêcher de prendre acte avec gratitude de l'œuvre merveilleuse réalisée par la grâce divine au sein de ces populations au cours de ces derniers siècles." Il ajoute un peu plus loin: "Mes vénérables prédécesseurs, Paul VI et Jean Paul II, ont toujours eu à coeur le thème du rapport entre la foi et la culture. J'ai voulu le reprendre en confirmant l'Église qui, en Amérique latine et dans les Caraïbes, parcourt le chemin d'une foi qui s'est faite et se fait entre histoire vécue, pitié populaire, art, le tout en dialoguant avec les riches traditions précolombiennes puis avec les multiples influences européennes et d'autres continents."

Il est déplorable que les journalistes retranscrivent les actes du pape sous un angle constamment hostile, sans chercher à comprendre ce qu'il en est réellement. Rappelons nous que pour le pape, le christianisme n'est pas une culture mais qu'il est la Vérité. La Vérité se rencontre ou ne se rencontre pas, elle n'a rien à voir avec une quelconque supériorité intellectuelle des peuples et peut se superposer à toutes les cultures. Le propos du pape sur les sectes avait par ailleurs lui-même une origine précise et bien connue au Brésil. Chacun peut avoir son opinion sur ce sujet mais chacun peut aussi chercher à comprendre les paroles du pape.