De nombreuses associations s’occupent des personnes incarcérées et de leurs familles. Parmi elles, les plus connues sont AUXILIA, la Croix Rouge, les visiteurs de prison et le GENEPI (Groupement Etudiant National d’Enseignement aux Personnes Incarcérées). A la fin de mes études, j’ai eu la chance de pouvoir intégrer une association qui s’occupait de l’accueil des familles des détenus au centre pénitentiaire de Toulon-La Farlède : c’est un établissement moderne ouvert en juin 2004 et qui remplace la vieille prison au cœur de Toulon. C’est donc un établissement propre plus apte à accueillir dignement les personnes incarcérées.
Accueillir les famille des détenus n’est pas chose aisée : ces personnes, de tous âges et de toutes conditions, sont très en souffrances. Elles ne comprennent pas ce qui leur arrive, ont souvent honte d’avoir un membre de leur famille en prison pour des motifs allant du banal au très grave, et cela pèse lourdement sur leur vie. D’abord, elles viennent parfois de l’autre bout de la France pour une visite d’une heure. Ensuite, vivre en prison coûte cher : les activités, la télévision, les repas, tout à un coût depuis que ce sont des sociétés privées qui gèrent tout ce qui se passe à l’intérieur, l’état ne s’occupant que des murs et du personnel pénitentiaire. Ainsi, ces personnes sont désireuses de parler, de se confier, d’être écoutées sans être jugées. C’est très important pour ne pas sombrer. Ecouter avec humanité et humilité, sans préjugé, est un acte difficile. Ne pas se laisser perturber par toutes les horreurs qu’on entend l’est tout autant. Mais cela me plaisait, cependant ce n’était pas suffisant. Ainsi, la responsable de cette association m’a rapidement orienté vers une autre association : le GENEPI.
Pour le GENEPI, la réinsertion s’articule autour de deux actes : les activités en détention afin de redonner des règles de vie et un savoir aux personnes incarcérées mais aussi l’information du public sur la réalité de la vie carcérale. Le groupe GENEPI étant en train de se reformer après quelques années d’absence faute de bénévoles, j’ai pu devenir rapidement chef de groupe.
Pendant deux ans, je suis donc intervenu en détention plusieurs fois par semaine, tout au long de l’année, essentiellement pour des cours de Mathématiques et de Physique-Chimie mais aussi pour des activités d’Art Plastique. Les groupes se limitaient à une quinzaine de détenus tous majeurs (les mineurs, trop violents, étaient ailleurs encadrés sans arrêt par des éducateurs spécialisés) allant de 20 ans à 60 ans. Il y avait de tout : de simples voleurs de voiture, des trafiquants de drogue à l’échelle internationale, des proxénètes et autres pédophiles etc. J’intervenais avec une jeune bénévole, jolie blonde aux yeux bleus, ce qui était une bonne expérience : il a fallu apprendre à cadrer rapidement les détenus. Entre ceux qui voulaient se jeter sur elle parce qu’elle était mignonne et ceux qui voulaient la mettre sur le trottoir, il fallait être vigilant. Cependant, il n’y a jamais eu d’incident et nous ne les avons jamais mal jugés pour ça.
Intervenir en détention n’est pas chose aisée : il faut d’abord attendre les résultats d’une longue enquête administrative, puis ensuite faire ses preuves à la fois auprès des détenus (gagner leur confiance et leur respect) mais aussi auprès du personnel : il faut montrer qu’on est à la hauteur, sinon on est rapidement expulsé. C’est un milieu très strict et très à cheval sur le règlement, pour des raisons de sécurité, aussi à la moindre erreur tout peut dérapé. Ce n’est donc pas donné à tout le monde et le GENEPI, pour nous préparer à tout cela, nous faisait faire très régulièrement des formations en tout genre, sans compter les réunions avec l’administration pénitentiaire afin de nous apprendre le règlement et toute autre information utile aux activités en détention.
En tant que chef de groupe bénévole, j’ai été agréablement surpris par l’accueil des deux directeurs que j’ai connus, qui faisaient vraiment de leur mieux. Le personnel que je croisais fréquemment était aussi très bien, surveillants comme professeurs, médecin ou administratifs.
En deux ans, pourtant, j’ai vu ou j’ai appris plein d’horreurs : tentatives de suicide, rivalités entre associations et même entre bénévoles, jalousies en tout genre, bref tout ce que l’humanité à de plus affreux semblait se cristalliser en un même endroit. Je ne parlerais pas des professeures inexpérimentées qui ont fini par céder aux charmes des jeunes détenus et qui se sont retrouvées au tribunal pour faute grave, ni des bénévoles d’autres groupes qui organisaient des séances de fellation entre détenus sous couvert d’activités de réinsertion. Malgré toutes les précautions, on ne peut éviter de graves dérapages. Je n’insisterai pas non plus sur les détenus qui pensent être innocents et que toute la société est contre eux, pauvres victimes qui n’ont jamais rien demandé ! Ils se passe des choses écoeurantes comme partout ailleurs, mais exacerbées par la promiscuité et la privation de liberté.
Je préfère me souvenir des actions en faveur du système carcéral afin de l’améliorer. J’ai participé au contrôle externe des prisons en faisant une visite minutieuse de tout l’établissement avec un élu local (un député maire) et en pouvant interroger librement toutes les personnes qu’on voulait afin de faire un rapport sur ce qui marche bien et sur ce qu’il faut améliorer. La visite était suivie d’une conférence de presse avec notamment des membres de la LDH (Ligue des Droits de l’Homme) ou de l’OIP (Observatoire International des Prisons). Au début, cela m’effrayait : j’avais peur de poignarder dans le dos des personnes que je croisais tout le temps et sans qui je n’aurais jamais eu la chance de faire tout ça. Au final, tout s’est très bien passé et c’est avec regret que j’ai dû mettre fin à mes activités de génépiste au bout de deux ans, ayant trouvé du travail ailleurs.
Cependant, je garde un très bon souvenir de mes interventions en détention. Je me sentais vraiment utile aux détenus, qui étaient heureux qu’on s’intéresse à eux sans les juger, sans les regarder comme des monstres malgré ce qu’il avait fait. Par le dialogue, j’ai même réussi à faire réfléchir un proxénète qui a fini par reconnaître que certaines femmes ne méritaient pas d’être violentées ou mises sur le trottoir et qu’elles pouvaient avoir droit au respect. Quand on a passé toute sa vie à exploiter des femmes, reconnaître et penser cela est un énorme pas en avant vers la réinsertion, même si ce n’est pas encore gagné. Redonner de l’espoir aux détenus et à leurs familles, leur montrer qu’on peut faire des erreurs mais s’en sortir est important, militer pour leurs droits et l’amélioration de leurs conditions de vie redonne du courage et on ne compte plus les heures passées à agir pour un monde meilleur, même si on n’est pas payé. Cette epxérience m’a apporté énormément au niveau humain, notamment l’importance de l’écoute et l’humilité dont il faut faire preuve pour aller vers un public difficile.
Le sujet est vaste et mériterait plein d’articles et de débats, notamment sur l’acte de privation de liberté lui-même qui est en soi un acte atroce, cependant c’est notre façon de punir les crimes, mais cela ne doit pas nous empêcher de le faire avec dignité et humanité. C’est ce que j’ai essayé de faire pendant deux ans, c’est pourquoi je garde un très bon souvenir de cette période de ma vie. J’aimerais que plus de gens sautent le pas et tentent d’intervenir en détention pour combattre les idées reçues et améliorer le système, car à ce niveau la France est encore très en retard: locaux vétustes et insalubres, nombreux abus ou dysfonctionnements, surpopulation carcérale importante, nombre très faible d’activité proposées, mineurs et majeurs non séparés, problème des jeunes adultes…
Quelle belle expérience vous a donné ce « stage ? » en prison. Vous avez su décrire
clairement ce vécu qui n’est pas donné à tout le monde . Je vous tire mon chapeau, car
vous avez gardé que le meilleur bien qu’il se passe tellement de choses en prison et dont
on ne dit rien.
[b]Bravo pour ce témoignage… En fait, il faudrait
[i]- n’incarcérer en prison préventive, que les auteurs de crimes, de tortures, de terrorisme, de violences à enfant ou à femme, de crimes contre l’humanité, de crimes de viol, de crimes d’inceste, de crimes de pédophilie ;
– ne prévoir qu’un encellulement à un seul détenu,[/i] [u]d’où cette notion mathématique[/u] : 1 cellule = 1 détenu = 1 douche[i], ce, pour des raisons évidente de sécurité et de respect ;
– prévoir des peines alternatives à la prison pour des délits commis sans violence, sans menaces, sans armes…[/i]
Puis, il faudrait une charte destinée à définir les règles en ce qui concerne
[i]- les relations « Détenu/Personnel Pénitentiaire,
– les relations « Détenu/Gardiens de prison,
– les relations « Détenu/Direction de la Prison,
– les relations « Détenu/Éducateurs »,
– les relations « Détenu/Associations d’insertion…[/i][/b]
[b]Bonjour Enguy,
Premier article que je lis , premier petit « chef-d’oeuvre de style, avec en prime un témoignage qui sent le vécu.
Je me souviens avoir interviewé un visiteur de prison, l’an dernier, pour C4N :
Juste pour mémoire :
[img]http://www.come4news.com/index.php?option=com_content&task=view&id=26281[/img],
[b]Mais VOUS êtes l’acteur de votre engagement, et ce témoignage est rempli d’espoir .
Bravo pour cette écriture fluide, qui ne lasse pas, mais surtout BRAVO, pour votre action
Bien à Vous
SOPHY[/b]
Justement dans les prisons récentes on pense à mettre 1 détenu par cellule, 2 au maximum si vraiment on y est obligé.
Le problème des peines alternatives est complexe: il faut des structures et des réseaux adaptés (par exemple pour le bracelet électronique, il faut un accès à un réseau, hors en milieu rural c’est plus difficile quand même le sportables ne passent pas!), il faut veiller à ce que le sens du mot « punition » soit respecté. Pas donner l’impression qu’on peut faire des petits délits impunément car ce n’est pas grave on a juste à rester un peu chez soi qq temps et c’est fini.
Au fait Dominique on ne dit plus « Gardien de Prison » mais « Surveillant ». « Gardien de Prison » est une expression qui énerve bcp le personnel pénitentiaire, il a une connotation péjorative il est vivement conseillé de ne plus l’employer.
Les relations entre les détenus et le personnel sont bien définies et tout un tas de dispositions sont prévues: les surveillants, les CIP (Conseillers d’Insertion et de Probation, en gros les Assistantes Sociales des Prisons), les directeurs et autres membres du personnel sont tous là pour aider les détenus. Il faut veiller à ce que le dialogue passe bien dans les deux sens: autant les surveillants doivent respecter les détenus, autant les détenus doivent respecter les surveillants. Mais ça ce n’est pas encore gagné.
Enfin, gros problème: la religion. Autant les prêtres et les rabbins sont facilement acceptés dans les prisons, autant les imams posent problème. La raison n’est pas qu’on cherche à leur nuire, mais que souvent ils ne correspondent pas aux critères de sécurité requis ou refusent de se plier au règlement sous prétexte que la loi musulmane ne dit pas les mêmes choses.
Une grosse avancée en revanche concerne les Unités de Vie Familiale (UVF) qui commencent à s’ouvrir un peu partout. Il ne s’agit ni plus ni moins que d’appartements de type F3 ou les détenus peuvent recevoir leur famille pendant 2 à 3 jours. C’est une bonne initiative mais il est difficile de répondre à la demande. J’ai pu visiter une de ces UVF et c’est vraiment très agréable: on n’a vraiment pas l’impression d’être dans une prison.
D’avoir lu votre article je m’intéresse « à la prison et à ses détenus » . Quand je pense que l’artiste DALLE a épousé un prisonnier et de plus en prison (d’après les dires le ménage ne va plus) . La femme mariée à un détenu qui a frôlé la mort en Amérique et quelques heures avant grâcié . Ce sont peut-être pas ce genre de cas qui vous intéresse . Mais sur les prisons
et les prisonniers il y a beaucoup à dire et à développer . Votre sujet apportera certainement beaucoup de commentaires. Je vous le souhaite.
Justement, Irina, c’est lun des problèmes des interventions en prison. Les gens fantasmes trop sur les détenus, hommes ou femmes. Ils sont considérés comme des monstres, des êtres abjects, c’est justement ce qui les rend excitant et objet de désirs. Ils sont marginalisés, de vrais durs, LE MALE dans toute sa splendeur. Mais un fantasme reste un fantasme et le retour à la réalité est difficle: les détenus sont des personnes comme les autres, mais souvent plus fragiles et très en souffrance. Les gens veulent intervenir en prison poussés par une curiosité malsaine, pour voir ces êtres qui sont plus malheureux qu’eux, comme pour soulager leur propre peine. Mais ces êtres en souffrance ont besoin de beaucoup d’attention et de compréhension, comme des enfants en bas âge mais ce sont des adultes. C’est pourquoi les couples n’y résistent pas: qui irait s’embarrasser d’un boulet pleurnichard caché sous des allures de gros dur? J’y vais peut-être un peu fort, mais c’est ça l’idée. Et il faut justement combattre cet intérêt malsain pour les détenus.
Merci pour ce témoignage. Je trouve que l’existence de ces associations pour les familles des détenus est vraiment essentielle. Je ne les connaissais pas et je suis heureuse d’apprendre que de telles ASBL existent!
C’est justement le problème: de nombreuses associations existent mais on en entend très peu parler, l’univers carcéral n’étant pas politiquement correct et intéréssant d’un point de vue électoral. Soutenir ces association, s’engager dans ce débat, c’est perdr une grande partie des électeurs qui croient que c’est soutenir les voyous et la corruption. alors que c’est juste une question de morale et de bons sens: une société civilisée doit traiter dignement tout le monde, même les criminels.
Sacré expérience humaine !merci mille fois pour votre témoignage !
Beau témoignagne en effet. Un article très intéressant sur un sujet peu connu.
Vous avez du connaitre des moments difficiles et des situations dures à gérer.
Superbement écrit.
bonne soirée
Merci pour vos commentaires.
Des moments difficiles oui et non, surtout quand je m’occupais des familles des victimes, moins avec les détenus eux-mêmes, les relations ne sont pas les mêmes.
Des réunions parfois un peu tendues avec l’administration pétitentiaire, mais au final tout se terminait très bien.
Il faut dire que peu m’effraie, alors je n’étais pas inquiet quand j’étais dans les couloirs et que l’alarme retentissait (début d’émeute, donc condamnation immédiate de toutes les portes tant que l’alerte n’est pas levée). En revanche, j’ai su ce que c’était que de faire face à un malade mental qui commençait à s’exciter, ça fait vraiment froid dans le dos surtout quand on sait qu’on est tout seul et qu’aucun surveillant ne pourra intervenir à temps! C’est dans ces moments-là qu’il faut réagir vite et avec tact, mais cela ne m’a jamais empêché d’aimer ce que je faisais.
En effet ,la plupart des centres de détention dans le monde sont loin d’être ré-éducatifs. Plutôt ils représentent des centres de formation de criminels.
La justice dans notre monde doit être préventive , en encourageant les services de police des mœurs et les services d’assistance social, ceci en plus d’un contrôle très sérieux d’une éducation civique et écologique.
Malheureusement, on incarcère dans des trous pour démoraliser.
Les prisons, bien équipées soient ils ou non ,s’ils ne constituent pas des lieux d’ouvrage, d’usinage , d’étude et de formation accélérée, soit d’une vraie activité physique et mentale,est considérée comme un tombeau .
La majorité des ressortissants du tombeau gardent une haine pour la société même s’ils ont été très fautifs.
L’existence de tels tombeaux ne mènera nos sociétés qu’à une insécurité croissante et dangereuse.
Bonjour,
Après lecture attentive, je ne suis pas persuadée, quant à moi, que votre article donne une image toujours tout à fait exacte de l’activité de l’association GENEPI, que j’ai le plaisir de présider cette année. Certains passages laissent même imaginer que le GENEPI ne fait rien qu’à organiser des ateliers à thématique salace, et ne rendent pas, il me semble, compte de son objet social.
Bonjour Christine,
Mon but n’était pas de faire la critique du GENEPI, mais de parler de mon expérience personnelle. Malgré tout le soin qu’on peut apporter à l’encadrement des bénévoles, des dérives existent et existeront toujours, il faut l’accepter.
D’ailleurs, j’espère que plus d’autonomie est laissée aux responsables de groupe car, à mon époque, j’ai été forcé de recruter 12 personnes alors qu’un groupe de 8 suffisait. Il a donc fallu recruter des bénévoles qu’on savait inappropriés tout simplement pour « faire du chiffre ». C’était stupide et cela a créé des tensions qu’il a fallu gérer sans trop faire de vagues. En agissant ainsi, mon groupe pouvait également perdre toute crédibilité auprès du personnel de Toulon. J’espère que la nouvelle direction a bien pensé à cela et ne fait plus passer les intérêts financiers avant le reste.
Cordialement,
si seulement vous savez cella veut dire koi d’entre en prison.mon homme a pris un an ferme et de la ou je me trouve je pens ke tu me mank. c tous des menteurs car il nous decris la prison ke sur les aspect positiv et il fau pas oublier de placé une pensé a tous ceux ki s’y trouve dedan.et de decrire aussi les journé des détenu :'( franchement jai mal au coeur kan je pense ke il ya des violeur ki se balade dans les rue et ke des pti dileurs sont incarséré et jugé tres siverement. je place une grand une pensé a toi mon coeur et tkt pas tt irra mieux kan tu va sortir et je vai t’aider a redevenir comme avnt je t’aime loin des yeux ;loin du coeur
Là encore, les associations sont obligées de se substituer à l’état, parce que des politiques incompétents ont délégué une partie du système pénitentiaire au service privé.
Les conditions de détention dépendent très fortement de l’endroit où l’on se trouve: centre pénitentiaire récent ou non (donc propre ou pas), surpopulation carcérale limitée ou extrême, activités nombreuses ou inexistantes, possibilité de travailler ou non etc.
C’est un problème complexe qui fait souvent débat mais qu’on refuse de traiter car, d’un point de vue politique, cela effraie les électeurs donc il vaut mieux ne pas trop en parler. A gauche comme à droite les solutions ne sont pas mieux!