Gemonsen,  un pays où le mensonge n’existait pas. Dans ce pays idyllique, tout le monde était reconnu à sa juste valeur car personne ne trichait sur ses véritables capacités. Les situations devenaient jamais houleuses à Gemonsen car la vérité éclatait avant même que les rouages de la machine humaine ne s’envenimaient. En même temps, la modération et la retenue n’étant pas de ce monde, il fallait une police inhumaine pour garantir la sécurité de tout à chacun. Autre problème, les habitants des  pays qui entouraient Gemonsen, avaient en eux le vice du mensonge. Et Gemonsen devait se protéger de ces esprits différents et en même temps les pays voisin de ses propres habitants.  Pour se couper du monde et de ses perversités, Gemonsen vivait sous une sorte de cloche géante et transparente.

 

Cet étrange phénomène n’était pas le fruit d’un écart Divin, mais d’un homme ou plutôt d’une génération d’hommes : les Gan Tso. Dix générations plus tôt, Maître Gan Tso avait réussi, à polluer les nappes phréatiques du pays de manière à endormir la cellule du cerveau à l’origine du mensonge. Il devint ainsi facile pour lui de les manipuler et de créer un empire, l’homme franc étant une proie facile et sans défense pour l’homme menteur.

Mais quelqu’un était en train de gripper cette superbe machination, cette indéfectible supercherie qui avait traversé les siècles. Les robots soldats venaient de l’identifier : Chris99. Il avait réussi à braver les systèmes de sécurité de la cité où le mensonge n’existe pas, à la stupeur du dictateur Jin Gan Tso. Jin avait un fils prénommé Min qui prendrait, à la mort de son père, les reines du pays.

L’androïde préféré de Min Gan Tso, libérée pendant quelques instants de la présence de son maître, était en train de se connecter à son ordinateur. Elle attendait ce moment depuis si longtemps…    

Pendant ce temps, alors que Min tentait de « prendre l’air », il croisa son père et comme à chaque fois, la discussion tourna mal. Son père en vint aux mains. A l’issue de la « discussion », Min se laissa  convaincre qu’il avait laissé sa copine androïde seule un peu trop longtemps et qu’il fallait peut-être penser à rejoindre ses pénates.

Trop tard, à 500 km de là, Chris99 réceptionne le code d’accès que l’androïde (surnommée Nathalie), venait de lui transmettre au péril de sa vie (de robot). Il était en train de se connecter au réseau de Gan Tso.

 


 

ACCES ARSEN…

 

MODE D’IDENTIFICATION ?

 

Christophe cliqua sur « manuel ».

 

IDENTIFICATION MANUELLE…

SAISISSEZ LE CODE

 

Christophe s’exécuta.

 

IDENTIFICATION ACCEPTEE

 

-Christophe souffla, mais le message suivant le lui coupe.

 

DONNEE SUBSIDIAIRE DEMANDEE…

NOM DE L’UTILISATEUR ?

 

– C’est la merde, soupira Christophe. Ils viennent d’ajouter un verrou.

•- — Putain, Ali, lanca-t-il, le faciès miné par le stress, qu’est-ce que t’as foutu ?

  

ACCES TESTE H-24

TEST OK H-24

 

•-        –  Et bien, "H-24", c’est pas assez. Dès qu’ils ont un doute, les demi-dieux, ils se protègent. Et là, je me demande s’ils n’ont pas, carrément,  une certitude.

 

C’était bien la preuve que le message de Nathalie avait été intercepté et que ces dernières lettres absurdes avaient du être la conséquence d’une rencontre inopinée avec un de ces satanées soldats robots qui gargouillaient comme une fourmilière dans le palais des Gan Tso.  A moins que ce ne soit Min Gan Tso lui-même, ce salopard, qui ait pris Nath, la main dans le sac. « Salopard », il se demandait si cette invective, qu’il cracha comme si Min était en face de lui, était motivée par son ressenti vis-à-vis de l’homme « politique » ou bien de l’homme tout court. Non pas ce que Min représentait par l’emprisonnement cérébral des millions d’ères que la cécité empêchait de se redresser, d’exister, de hurler, mais par son côté vrai, humain, salaud, homme à « femmes », amant de Nath. La favorite du roi, aurait-on dit il y a quelques milliers d’années.

Sa pensée devait absolument se recentrer sur le « nom de l’utilisateur » exigé par Arsen depuis quelques minutes, avant qu’il se déconnecte pour de bon.

•-         –  Ali, aide moi ou on est foutu ? Qui je mets moi ?

 

QUESTION INCOMPATIBLE AVEC RAISONNEMENT LOGIQUE…

…AUCUNE SUGGESTION

 

Christophe sentait la peur tirailler son ventre à en vomir.

« Je peux plus réfléchir, je flippe trop. Alors, un conseil… tout de suite où je te… »

 

CHOIX MACHINE IRRATIONNEL IMPOSSIBLE

 

A un doigt d’appuyer sur la touche « reset », Christophe entendit :

 

ALI PROPOSE « Min Gan Tso… Jin Gan Tso… Chris99 »

 

Bon, ça j’aurais pu le trouver tout seul. Il est vraiment aussi con que moi. Tel père, tel fils !

Christophe, saisit sans espoir « Min Gan Tso ». Ce qu’il redoutait apparu sur l’écran.

 

LOGIN CORROMPU

APPROCHE SOLDATS ROBOTS 1,2,3…

 

Le compteur de robots défila sur son écran à une vitesse vertigineuse pour s’arrêter à 52.

 

CONTACT SOLDATS ROBOTS IMMINENTS

PROXIMITE SOLDATS ROBOTS 500 METRES

 

Chris99 eut tout juste le temps de dicter sa ligne de commande à Ali : « release wall, release wall » répéta-t-il frénétiquement.

 

INSTRUCTIONS EN COURS

 

Qu’il est lent ! « Ali, me lâche pas. Je regrette ce que j’ai dit et pensé. Je veux toujours faire équipe avec toi ».

 

Un faisceau lumineux à peine plus épais qu’un trait de crayon prit l’ordinateur en ligne de mire. Ali eut juste le temps d’exécuter les instructions de Chris99. Un des murs du studio pivota à 90 degrés pour faire apparaitre un ascenseur dans lequel Christophe s’engouffra aussitôt. Il eut à peine eu le temps d’entendre l’écran de l’ordinateur volé en éclats, quand il appuya sur la touche « Exit » de l’ascenseur. Dix secondes plus tard, il était sur le toit de l’immeuble.

 

Fin de l’aventure cette fois, pensa Christophe. Ils m’ont repéré. Je me suis fais avoir à mon propre piège.

 

Christophe connaissait les risques qu’il prenait en s’attaquant aux Gan Tso et avait passé plusieurs mois à mettre au point cette « issue de secours». Il courait sur la terrasse, mais des lasers fusaient de toute part, dans sa direction. « C’est vraiment la fin ». Il tenta, en désespoir de cause de sauter d’un immeuble à l’autre quant, en fin de course, encore en apesanteur, un rayon lumineux perça son mollet. Christophe s’apprêta à faire le grand saut, mais au lieu de s’écraser sur le bitume et de faire taire à jamais l’émergence de la première idée contestataire depuis la création de Gemonsen, traversa le toit pourri d’un entrepôt désaffecté, pour finir à plat ventre, les membres écartés,  sur un tas de maïs poussiéreux.

 

***

 

•-      –     Je ne sais pas d’où tu viens, mais ce qui est sûr, c’est que tu reviens de loin.

 

La  jambe atrophiée, des côtes sans doute fêlées, les membres tuméfiés, la tête oppressée, la liste était longue et insoluble de maux qui le faisaient plus souffrir les uns que les autres. Il se surprit à sourire, malgré tout. Il était vivant. Il se voyait gisant sur le bitume, au milieu d’une marre de sang, une flopée de robots soldats s’agitant autour de lui. Au lieu de cela, il était allongé dans une espèce de grenier, remplis de rats qui se délectaient du maïs à profusion qui lui avait sauvé la vie. Que s’était-il passé ? Le saut de l’ange…. La sensation de brulure à la jambe…. Le réveil dans un piteux état, mais vivant. Il risqua un vague « Où suis-je ? » au son de la voix.

 

–       Tu es chez moi, monsieur venu du ciel. Où j’devrais  dire « oiseau de malheur ». Bon, au moins,   il s’en passe des choses ici, depuis que tu as défoncé mon toit, salopard !

•-          « Mon toit… ? » continue Christophe sur le même ton.

Ca va la tête n’allait pas si mal que ça. Il suivait.

•-          – Ben oui, j’étais tranquillement assis dans mon canapé en train de faire la sieste et ‘y a eu un bruit terrible au dessus de ma tête. Une partie du toit a éclaté en morceaux (bon c’est vrai que ces vieilles tuiles ne tenaient pas terrible) puis une grosse chose est tombée comme une pierre sur le tas de maïs.

•-          –  C’était moi la « grosse chose »

•-           – Ouais et si tu t’en es sorti, « grosse chose », c’est grâce à mon toit : assez pourri pour qu’il ralentisse ta chute et à ce tas de maïs qui sert de nourritures à votre humble serviteur et à mes copains, les rats.