Des indicateurs venant des Etats-Unis nous annonçent que l’économie américaine pourrait repartir au second semestre 2009. Ces affirmations servent uniquement à se rassurer (le nous serait illusoire !) car on recule pour mieux sauter avant de faire le grand plongeon vers l’inconnu, l’infini comme le démontrent toutes les déclarations d’économistes et analystes qui suivent.

Comment peut-on affirmer de telles choses – la méthode coué sans doute – alors que le chômage est galopant (et peut-être aussi l’inflation prochainement !) et atteint tous les grands pays : 9 ou 10 % voire beaucoup plus. Comment peut-on imaginer l’avenir avec optimisme lorsqu’on sait qu’une grande partie des Américains n’ont toujours pas payé leurs dettes immobilières (le service de la dette) en raison du moratoire, et pire vont devoir se dessaisir de leur maison pour aller où… sous les ponts !

Le moteur de l’économie l’automobile est noyé par l’endettement… et le gouvernement Obama voudrait nous faire croire que la croissance va revenir durablement ! Si on y ajoute la situation catastrophique des gros clients des USA comme l’Allemagne ou le Royaume-Uni, ne parlons même pas de l’Espagne (la France est un petit client qui fait à peine 5 % de son commerce outre-Atlantique) , qui vont connaître une récession sévère, parlons même de dépression car cela risque de durer : – 7 %, – 5 % ou … – 20 % pour la péninsule ibérique !

Encore un mensonge de plus qu’on essaie de nous faire avaler comme une couleuvre mais vipérine celle là, qui pourrait bien nous emporter ad patres…

Les inquiétudes des politiques, analystes, économistes et historiens présents aux 9ème rencontres d’Aix-en-Provence les 4, 5 et 6 juillet 2009, se sont rejointes avec les réflexions de nos plus brillants économistes et prévisionnistes.

Frédéric Lemaître évoque ce pessimisme qui présidait lors des rencontres d’Aix-en-Provence : « Les cent cinquante intervenants (dont une soixantaine d’étrangers) qui se sont exprimés lors des 9e Rencontres d’Aix-en-Provence, organisées par le Cercle des économistes, ont, dans leur immense majorité, tenu des propos plus alarmistes. Il y a d’abord ces chiffres, terrifiants, de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE). D’avril 2008 à avril 2009, le chômage a crû de 40 % dans les pays les plus riches. De 2007 à 2010, il devrait même y avoir 26 millions de chômeurs en plus, un bond de 80 %, sans précédent en si peu de temps. « Le plus gros de la détérioration reste à venir », a mis en garde Martine Durand, responsable de l’emploi (…)

« Alors qu’Angela Merkel promet de baisser les impôts tout en réduisant les déficits publics allemands, qu’au contraire Nicolas Sarkozy s’efforce de théoriser les bienfaits du surendettement et que, dans les pays industrialisés, la petite musique du protectionnisme se fait de plus en plus insistante, et le président de la BCE met en garde les gouvernements comme il ne l’a jamais fait jusqu’ici : « Nous avons créé une économie financière mondialisée, il faut évidemment une gouvernance mondiale. Mais le G20 ne suffit pas. Chaque pays doit internaliser les effets de sa politique sur ce bien supérieur collectif qu’est l’économie mondiale. En clair, par leurs excédents excessifs (Chine aujourd’hui, Allemagne demain) ou des déficits qui le sont tout autant (États-Unis aujourd’hui, France demain), les gouvernements sapent une mondialisation dont ils ne se sentent pas responsables mais dont chacun profite (…) Si solution il y a, elle ne peut être que collective. Or rien n’est moins sûr. On l’a vu au second semestre 2008 : sans Europe volontariste, pas de coopération mondiale possible. « Il y a une demande d’Europe, y compris en Chine. Car, depuis cinquante ans, l’Europe porte la régulation », analyse l’ancien commissaire européen Mario Monti. « Mais je ne suis pas sûr qu’il y ait une offre d’Europe », rajoute-t-il aussitôt.

« Entre la France et l’Allemagne, qui se tournent le dos, la Commission aux abonnés absents et les Britanniques qui pensent avant tout à sauver la City et tuer dans l’œuf toute tentative de régulation, l’Europe a déjà perdu l’influence qui était la sienne, en novembre 2008, au G20 de Washington (…) Certains imaginent déjà un scénario catastrophe : échec de Pittsburgh suivi, au début de l’année 2010, par l’annonce de bonus record dans la finance et une augmentation inédite du nombre des faillites et des licenciements. Denis Kessler, pour lequel « les troisièmes années de crise se caractérisent souvent par du populisme, du protectionnisme et du patriotisme », aurait alors vu juste. N’y a-t-il donc aucune raison d’être optimiste ? Si. Trois. L’Asie émergente ne résiste pas si mal, les besoins sont immenses pour accueillir trois milliards d’habitants supplémentaires d’ici à 2050 et, surtout, les économistes sont loin d’être infaillibles… »

Aux États -Unis, notamment dans la finance, quelques voix s’élèvent encore pour expliquer que le pire est passé, que la crise de 2008 n’était que l’éclatement d’une bulle du crédit, que la purge est désormais faite et que les choses vont repartir comme avant. On annonce même que certaines banques ont déjà remboursé les aides publiques et que les bonus sont de retour. La banque d’affaires américaine Goldman Sachs a annoncé, le 14 juillet, des profits de 2,4 milliards d’euros (3,4 milliards de dollars) au deuxième trimestre et un chiffre d’affaires (produit net bancaire) record de 13,7 milliards de dollars, alors que l’établissement vient à peine de rembourser l’aide publique de 10 milliards de dollars perçue à l’automne 2008. Elle prévoit même de rétablir les bonus et de verser à ce titre 20 milliards de dollars (700 000 dollars par salarié) pour 2009 (un record !) ; une position d’autant plus incompréhensible que selon le Financial Times, les dirigeants de la banque ont vendu pour près d’un milliard de dollars d’actions entre septembre 2008 et avril 2009, au moment où la banque était en pleine tourmente et recevait ces fameux dix milliards de l’État américain (remboursés en partie en s’endettant sur les marchés financiers internationaux).

Mais la réalité est toute autre comme le montrent les derniers indicateurs économiques et comme l’ont dénoncé la quasi-totalité des participants présents à Aix-en-Provence qui estiment que « le plus gros de la détérioration reste à venir ». Patrick Artus (Natixis) a reconnu que « Les emplois perdus le sont de façon irréversible… On fabriquera moins de voitures et moins de biens durables. Où seront créés les emplois de demain ? On ne sait pas. Dans trois ou quatre ans, la dette des pays de l’OCDE va dépasser leur produit intérieur brut (PIB). Résultat : « Il va falloir diminuer la protection sociale, le nombre de fonctionnaires et augmenter les impôts ».

Paul Krugman prix Nobel d’économie 2008, Joseph E. Stiglitz prix Nobel d’économie 2001, Nouriel Roubini l’économiste qui avait anticipé la crise, Pascal Lamy reconduit en tant que directeur de l’OMC[1], Jean-Paul Fitoussi président de l’OFCE[2] et membre du Conseil d’analyse économique auprès du Premier ministre, Paul Jorion anthropologue et sociologue, « oracle de la finance », Wolfgang Münchau du Financial Times, Robert Reich ancien secrétaire d’État au travail dans l’administration Clinton, Simon Johnson ancien chef économiste du FMI, Willem Buiter professeur à la London School of Economics, Ambrose Evans-Pritchard journaliste financier très écouté de la City, Jacques Attali écrivain et économiste, George Soros le plus grand spéculateur de la planète, Frédéric Lordon, directeur de recherche au CNRS et Mike Whitney économiste canadien, corroborent les points de vue émis lors la réunion du cercle des économistes. Certains partagent depuis des années cette vision inquiétante de l’économie mondiale, surtout Soros qui a tant profité du système financier et qui a bâti sa richesse sur les produits dérivés si décriés actuellement avec le « Quantum Fund » – dont la valeur a été multipliée par 3000 (!) en vingt sept ans entre 1969 et 1996.

Paul Krugman, prix Nobel d’économie 2008, est sceptique sur la sortie de crise : « Je ne pense pas que nous ayons touché le fond, mais nous n’en sommes plus très éloignés. Ma plus grande préoccupation c’est que nous ne touchions pas le fond pour ensuite rebondir, mais que nous touchions le fond et y restions. Il n’est pas évident de voir d’où viendrait la reprise. » Le célèbre professeur d’économie de l’université de Princeton estime que sans l’adoption rapide de mesures additionnelles très stimulatrices, les États-Unis s’exposent à connaître une décennie sans croissance économique, comme ce fut le cas au Japon durant les années 90. L’économiste accorde peu de crédibilité aux tests de résistance qu’ont subies 19 grandes banques américaines. Il considère que ces tests permettent à l’administration Obama d’acheter du temps, mais ne répondent pas à la question fondamentale de savoir si les banques possèdent suffisamment de capitaux pour jouer efficacement leur rôle au sein de l’économie, ce qui signifierait que la remontée boursière ne pourrait n’être que temporaire.

Joseph E. Stiglitz, prix Nobel d’économie 2001, stigmatise les excès du capitalisme financier et la collusion entre les grandes institutions internationales qui n’agissent que dans leurs intérêts. Dès 2002, il dénonçait les excès de ce capitalisme, de la mondialisation et des organismes internationaux comme le FMI incapable d’aider les économies en difficulté. Dans son ouvrage « La Grande désillusion  » il critique violemment la mondialisation cause de tous nos maux : « Aujourd’hui, la mondialisation ça ne marche pas. Ça ne marche pas pour les pauvres. Ça ne marche pas pour l’environnement. Ça ne marche pas pour la stabilité de l’économie mondiale. Depuis il a mis en garde nos institutions internationales face à leur inertie et leur inefficacité. Début juin 2009, l’ancien conseiller de Bill Clinton considérait que la crise allait durer et la récession se prolonger : « Je comprends que les hommes politiques veuillent transmettre un sentiment de confiance, mais la confiance doit se baser sur un certain degré de réalité et la réalité n’est pas favorable », arguant que le modèle d’une économie mondiale tirée par le consommateur américain est révolu.

Nouriel Roubini, premier économiste américain à avoir prévu la crise des subprimes et ses conséquences, nous met en garde contre tout excès d’optimisme. Dès le début des années 2000, il a été surnommé « Doctor Doom » (Dr catastrophe) à cause de ses prédictions économiques plus pessimistes que l’ensemble des économistes. En 2005, selon le magazine américain « Fortune », l’ancien conseiller au Trésor prétendait que le « prix des maisons surfait sur une vague spéculative qui coulerait bientôt l’économie ». À cette époque, il a été qualifié de Cassandre, maintenant, c’est un sage. En septembre 2006 lors d’un discours devant une audience de spécialistes sceptiques du FMI il annonçait qu’une crise économique était en gestation : « Dans les mois et les années à venir, les États-Unis vont probablement vivre une dépréciation immobilière qui ne se voit qu’une fois dans une vie, un choc pétrolier, une diminution prononcée de la confiance des consommateurs et, enfin, une grave récession ».

En décembre 2008, Roubini déclarait : « Nous traversons une récession très sévère qui va se poursuivre tout au long de l’année 2009. C’est la pire récession aux USA depuis 50 ans. Elle a été déclenchée par l’éclatement d’une énorme bulle du crédit créée par l’effet de levier. On ne peut revenir en arrière et le point bas est encore loin (…) Cette bulle se dégonfle en ce moment même, et massivement (…) Nous sommes donc face à une récession mondiale, et elle empire. Les choses vont devenir terribles pour les Américains moyens. La croissance du PIB sera négative jusqu’à la fin 2009. Et la reprise, en 2010 ou 2011, s’il y en a une, sera si faible, avec un taux de croissance de 1 à 1,5%, qu’elle sera ressentie comme une période de récession. Je pense que le taux de chômage va atteindre 9% en 2010 (il est déjà à 9,5 % en juillet 2009). La valeur du parc immobilier a déjà chuté de 25%. A mon avis, le prix des biens va encore baisser de 15% avant d’atteindre le plus bas en 2010. »

Pascal Lamy, le directeur de l’OMC (Organisation mondiale du commerce) a déclaré vendredi 12 juin 2009 devant la presse économique et financière française : « Je ne partage pas l’optimisme, parfois un peu de commande, des gouvernements ou de ceux qui cherchent à influencer les marchés financiers », L’ancien conseiller de Jacques Delors a été formel : « la situation du commerce mondial a empiré, je ne vois pas à l’heure actuelle de signe positif ». En effet, l’OMC s’attend à une chute – sans précédent depuis la 2ème guerre mondiale –, de 9% du commerce mondial cette année. Et il a ajouté : « Il n’y a rien qui démente qu’on soit toujours en plein dans cette crise qui commence et qui continuera ». Par ailleurs, il pense que les conséquences sociales de la crise vont surtout se faire sentir dans les pays en développement qui n’ont pas de système de protection sociale.

En juin 2009[3], le grand économiste français Jean-Paul Fitoussi[4] répondait à la question posée lors des Universités populaires participatives : « Quel nouveau modèle de développement économique et social pour l’après-crise ? », en donnant dans un premier temps les raisons macroéconomiques de la crise : « Il me semble qu’au-delà de la crise financière, au-delà de la crise bancaire, au-delà de l’endettement public et de la croissance de l’endettement dans le monde, il y a une cause profonde structurelle à la crise actuelle qui est l’accroissement  généralisé des inégalités », et après un long plaidoyer en faveur de la réduction des inégalités, le président de l’OFCE concluait : « Enfin pour terminer, je soulignerais qu’il nous faut penser de façon globale, il nous faut penser que l’Europe ne peut pas continuer de se conduire (alors même que l’Europe est le pays dont le PIB est le plus élevé de la planète) comme le free-rider de la planète. Philippe Aghion a eu raison de le souligner que c’est l’Europe qui relance le moins, beaucoup moins que la Chine, beaucoup moins que les Etats-Unis, beaucoup moins que le Japon (alors que c’est le pays dont l’endettement privé est le moins difficile à affronter aujourd’hui). Quand la plus grande économie de la planète ne joue pas le jeu, on peut penser que la solution à la crise mettra plus de temps qu’elle n’aurait mise autrement. »

En août 2009, dans un grand magazine économique[5], Paul Jorion[6] déclare : « L’économie semble aller un peu mieux mais je crains une rechute ». Cet oracle de la finance, fin connaisseur des pratiques bancaires américaines fut l’un des premiers à annoncer, dès 2004, la crise des subprimes. Selon lui, elle n’a pas encore produit tous ses effets et les récents signaux de reprise sont trompeurs. Il considère qu’après avoir pris de bonnes résolutions «  les banques retombent dans leurs vieux travers comme si elles étaient déjà prêtes à se précipiter vers la prochaine bulle ». Il fustige « le nouveau capitalisme né de la révolution bancaire des vingt cinq dernières années » et conclue : « Le pire, c’est que la toxicité des actifs continue à augmenter. En particulier, tous ceux qui s’appuient sur le crédit à la consommation américain, puisque la hausse du chômage compromet de plus en plus la solvabilité des chômages ». 

Le chroniqueur allemand Wolfgang Münchau critique violemment la finance et l’économie allemandes dans les colonnes du Financial Times sous le titre : « Berlin a porté un coup à l’unité de l’Europe ». Évoquant le jugement de la Cour constitutionnelle allemande qui a décidé anticonstitutionnelle toute future politique fiscale européenne commune, comme tout commandement militaire, il conclue : « Le jugement de la Cour reflète le climat politique nationaliste et post-Bismarckien en cours à Berlin. Pour le moins, tous ceux qui sont liés par une union monétaire avec l’Allemagne devraient beaucoup s’inquiéter. ». Il n’est d’ailleurs pas le seul à prédire de fortes tensions au sein de la zone euro et à s’interroger sur les conséquences du chacun pour soi qui prévaut de plus en plus en Europe.

Robert Reich, professeur à Berkeley vient de produire un bref et définitif article sur son blog qui pourra être plus tard reconnu comme prémonitoire. « Quand la reprise va-t-elle intervenir ? Jamais », annonce-t-il d’entrée de jeu. Il explique ensuite que la reprise ne peut pas intervenir car cela signifierait que les choses peuvent redevenir comme avant le crash. « Aussi, au lieu de se demander quand la reprise va commencer, nous devrions nous demander quand la nouvelle économie débutera ».

Simon Johnson, professeur au MIT, commente sur son blog le projet d’Agence de protection des consommateurs de l’administration Obama. Il compare le timide soutien dont ce projet bénéficie avec celui, massif, dont a été entouré le plan PPIP de rachat des actifs toxiques des banques, en très petite forme aujourd’hui. Mettant en cause les intentions gouvernementales, au vu de ce que cette attitude augure à l’arrivée, une fois que ce projet sera passé par le Congrès, il rappelle comment l’administration américaine avait finalement pris le taureau par les cornes, à la suite de la crise de 1929, en faisant adopter en 1934 le Security Exchange Act, qui réglementait le marché secondaire des valeurs. Tout cela a depuis été détricoté.

Willem Buiter, professeur à la London School of Economics, très introduit dans les arcanes des banques centrales européennes, publiait le 3 juillet 2009 sur son blog au Financial Times un long billet très détaillé intitulé : « La création monétaire et l’encouragement du crédit ne fonctionnent pas, voilà pourquoi ». Après avoir été l’inventeur de l’expression « banques zombies », qui a fait depuis florès et avoir montré comment il était préférable à la mise en place de « bad banks », de créer des « good banks » – laissant les actionnaires des banques zombies en tête à tête avec leurs actifs pourris –, il fait preuve pour ses lecteurs d’une salutaire maîtrise technique du monde abscons dans lequel vivent les banquiers centraux.

Ambrose Evans-Pritchard, chroniqueur au Daily Telegraph – l’un des commentateurs financiers et économiques de la place de Londres les plus écoutés –, va lui droit au but : « L’Europe creuse sa propre tombe économique alors que la Banque Centrale Européenne ne répond pas ». Le sous-titre est encore plus explicite, s’il en était besoin : « Dans un monde de pécheurs, la Banque Centrale Européenne joue les gardiens de la vertu, mais ses actions dévastent les finances publiques de pratiquement tous les pays qui sont l’objet de ses attentions ». Reconnaissant sans difficulté que la Grande-Bretagne doit faire face à ses propres désordres, Evans-Pritchard conclut ainsi : « D’un point de vue stratégique, le mélange européen de déflation monétaire et de déficit budgétaire effréné n’est rien de moins qu’une folie ».

L’article « Dépréciation d’actifs : le pire est à venir[7] » fait le point chiffré de la situation des pertes des banques. Il indique que le FMI (Fonds monétaire international) estimait début 2009 les pertes sur les actifs détenus par les banques américaines à plus de 2000 milliards de dollars. Au vu des dernières informations, ces pertes pourraient se révéler deux fois plus importantes, compte tenu de la mécanique infernale entre dépréciations d’actifs financiers, dégradation de la conjoncture économique et implosion des produits structurés hérités de la période de la bulle. Par ailleurs, l’agence de notation Standard & Poor’s vient de mettre sous surveillance négative l’équivalent de plus de 550 milliards de dollars d’actifs financiers adossés à des crédits hypothécaires américains, appelés Alt-A. Cette catégorie de crédits hypothécaires est intermédiaire entre les crédits subprime, les plus risqués, et les crédits, primes qui constituent l’essentiel des crédits immobiliers accordés aux ménages solvables. Cette décision pourrait déboucher rapidement sur une dégradation de la notation de ces actifs, en raison de la chute continue des prix immobiliers aux États-Unis. Au total c’est près de 1000 milliards de dollars d’actifs supplémentaires adossés à des crédits hypothécaires qui pourraient être dégradés très prochainement, ajoutant de nouvelles pertes aux bilans des grandes banques américaines et européennes.

Avec l’entrée plus que probable de l’économie mondiale en récession en 2009 – du jamais vu depuis la seconde guerre mondiale ! –, les défauts de paiement vont commencer à se multiplier sur tous les types de crédit accordés aux particuliers et aux entreprises. Les banquiers qui avaient « poussé à la consommation » de crédits pendant les années fastes, pour gonfler leurs bonus de fin d’année, vont se retrouver avec des montagnes de créances défaillantes. Toutes les structures complexes à fort effet de levier, montées dans l’euphorie et la précipitation, les ABS (Asset Backed Securities), les CDO (Collateralized Debt Obligations), les CLO (Collateralized Loans Obligations) et autres CPDO (Constant Proportion Debt Obligations), sont entraînées dans un cycle infernal de dépréciation, à mesure que les actifs sous-jacents à ces structures (crédits hypothécaires, cartes de crédit, prêts étudiants, dette LBO, crédits syndiqués, etc.) sont touchés par la crise. Les pertes sur ces structures sont, en outre, amplifiées par le phénomène du « tranchage » qui concentre les risques dans les tranches les plus mal notées, et par un phénomène non anticipé de « recorrélation » entre les différentes tranches, qui dégrade l’ensemble de la structure dès lors qu’une partie est atteinte. C’est l’équivalent financier du phénomène de « résonance » qui provoque la destruction spectaculaire de certains ouvrages d’art (ponts, tunnels), suite à une répétition de petits chocs ponctuels. La résonance atteint aujourd’hui l’ensemble du système financier. Ajoutez à cela que ces structures complexes ont été, en partie, acquises par des investisseurs (hedge funds notamment) qui se sont fortement endettés pour accroître leur gain potentiel, et vous avez une idée de la réaction en chaîne qui s’enclenche : dépréciations des actifs, pertes multipliées par l’effet de levier, ventes forcées en catastrophe sur un marché illiquide, nouvelles dépréciations d’actifs, et ainsi de suite. Les caisses de retraite qui avaient aussi investi dans ces actifs – réputés sans risque -, font alors jouer des assurances – appelées CDS (Credit Default Swaps) – contractées auprès de grandes sociétés comme AIG, elles-mêmes en pleine déroute aujourd’hui. L’effet domino s’enclenche. Comme dans une tragédie antique, les différents protagonistes accélèrent leur chute collective en essayant d’y échapper individuellement.

Fin janvier 2009, le FMI estimait dans une note que les actifs compromis détenus par les banques américaines dépassaient les 2000 milliards de dollars, après avoir annoncé un premier chiffre de 1200 milliards de dollars en octobre 2008. Au vu des dernières nouvelles sur le front macroéconomique et sur le front financier, le FMI pourrait très rapidement revoir sa copie. D’ici la fin de l’année, les dépréciations d’actifs liés à des crédits compromis pourraient atteindre 3000 à 4000 milliards de dollars, rien qu’aux Etats-Unis. Un chiffre à méditer, surtout quand on sait que c’est le contribuable qui paiera la note finale.

Quant à l’écrivain et économiste Jacques Attali, il confirme et signe ses propos alarmistes des deux dernières années[8] : L’endettement américain représente plus de 500 % du Produit Intérieur Brut (PIB) en juin 2009 contre seulement (!) 250% du PIB au pire de la crise de 1930, soit l’équivalent du PIB mondial… L’endettement global des dix nations les plus riches a progressé de plus de 10 milliards de milliards de dollars[1]



[1] RECTIFICATIF : Le chiffre de 10 milliards de milliards d’augmentation de la dette est inexact, on doit parler plutôt de 10 000 milliards de dollars peut-être plus car les chiffres sont très contradictoires. Par contre, après avoir pris des bases et des chiffres officiels du FMI et autres organismes on peut dire que la dette des dix pays les plus riches devrait passer de 78 % du PIB à 114 % du PIB entre 2007 et 2014, ce qui revient à dire que cette dette (mais tout dépend de la prévision que l’on fait pour le PIB d’ci à 2014 !!!) passerait de 40 000 milliards de dollars en 2007 (45 000 milliards en 2008) à + 70 000 milliards en 2014 sous réserve de ce que j’ai dit précédemment… En réalité les 10 milliards de milliards de dollars correspondent au montant des engagements sur les produits dérivés (options, contrats à terme ou « futures ») pris par les investisseurs-spéculateurs sur les marchés financiers, qui sont partis en fumée faute de reposer sur des actifs virtuels et non réels (CDS, CDO, etc.) comme le confirme le  prix Nobel d’économie Paul Krugman : «We basically had a $10 trillion shadow banking system shrivel up and die.», Newsweek, 03/12/08.

 

 en seulement quelques années, une somme colossale ; Pour résoudre cette crise de l’endettement des acteurs économiques on a eu recours à l’endettement des banques commerciales auprès des banques centrales, etc. En effet, les Etats s’endettent auprès des marchés financiers ou des citoyens par l’augmentation (recette prévisionnelle) conséquente des impôts, auquel s’ajoute l’endettement des entreprises et des particuliers sur les marchés financiers et auprès des banques.

L’ancien président de la BERD (Banque européenne pour la reconstruction et le développement) ajoute que le système bancaire mondial est en situation de faillite car les banques ont largement dépassé toutes les limites de sécurité en prêtant vingt à trente fois le montant de leurs avoirs, lesquels (principalement des produits financiers dérivés : options, contrats à terme) se sont volatilisés avec l’effondrement des marchés financiers. Il voit dans la mondialisation financière anarchique, une des causes de cette crise face à laquelle les remèdes et les moyens divergent suivant que l’on est d’un côté ou de l’autre de l’Atlantique. Il estime que les annonces de régulation du G 20 n’ont pas été suivies des faits : « Cette crise fonctionne comme un renforcement du système financier anglo-saxon sur l’économie ». La responsabilité en incombant aux principaux chefs d’État qui se sont faits abuser par les produits dérivés, les hedge funds et autres junk bonds (obligations pourries), les sociétés offshores qui continuent à fleurir, malgré quelques avertissements timides dans les paradis fiscaux anglo-saxons, européens et internationaux.

Celui qui a été choisi par Nicolas Sarkozy pour diriger « la commission pour la libération de la croissance française », conclue sur une chute de plus en plus prévisible d’un dollar dévalorisé d’autant plus qu’il ne serait plus la monnaie de référence du commerce et de l’économie mondiale, comme le souhaitent les producteurs de pétrole qui voient leurs recettes fondrent comme neige au soleil. Il prévoit au cas où les pays (la Chine en particulier) se débarrasseraient de leurs bons du trésor US, la faillite du système financier anglo-saxon aux conséquences incalculables avec des répercussions au niveau européen et mondial en raison de la globalisation des marchés.

Pour George Soros – homme d’affaires milliardaire, grand spéculateur contre les devises dans les années 90  et « philanthrope » –, la crise du crédit hypothécaire (subprimes) va d’abord empirer avant que la situation ne s’améliore. Le défaut de supervision de la part des autorités est en partie responsable des problèmes que connaissent les marchés financiers. Il considère que ces autorités de régulation et le gouvernement américain n’ont « pas fait leur travail » lors de cette crise. « Il s’agit d’une crise qui a des causes humaines. Elle a été provoquée par cette fausse croyance selon laquelle les marchés corrigent leurs propres excès ». Les autorités n’ont pas pris la responsabilité de tenter de « contrôler les bulles d’actifs et de les empêcher de prendre trop d’ampleur » ajoute Soros. Les nouveaux marchés créés récemment comme celui des Credit-Default Swaps (CDS) – contrats visant à protéger les investisseurs contre toute défaillance des emprunteurs et qui fournissent aux assureurs un revenu en contrepartie d’une prise de risque sur le crédit –, sont « totalement non réglementés, et c’est ce qui cause ces difficultés. »

Pour mesurer l’importance des enjeux, il faut noter que le marché des produits dérivés a augmenté à un rythme très soutenu durant les neuf dernières années, totalisant 516 000 milliards de dollars de notionnel au premier semestre de 2007 selon le rapport de la BRI, l’équivalent de 11 fois le PIB mondial. La valeur totale des risques sur les Credit-Default Swaps (CDS) a augmenté de 145% depuis l’an dernier et atteint désormais 721 milliards de dollars – évaluation du montant des pertes encourues par rapport au notionnel soit 1,6% du total assuré –, d’après la BRI (banque des règlements internationaux) chargée de surveiller et de réglementer les marchés financiers et les banques. Les pertes totales pour les banques, fonds spéculatifs, fonds de pension, compagnies d’assurance et les fonds d’investissements souverains pourraient se chiffrer à 945 milliards de dollars, a indiqué le FMI dans un rapport publié le 8 avril dernier. Ce chiffre est à venir et ne tient pas compte des autres pertes provenant de la faillite des fonds Madoff (au minimum 70 à 100 milliards de dollars) et d’autres produits dérivés très sophistiqués comme les CDO (collateralized debt obligation) – obligations à risques constituées de créances peu liquides rachetées aux banques (principalement des prêts immobiliers accordés par une banque à ses clients) –, à la base de la crise des subprimes.

« Je pense que c’est une estimation assez précise du montant des pertes sur les prêts » juge Soros. « Mais nous n’avons pas encore observé le plein effet d’une récession éventuelle. Elle ne concerne que la baisse de la valeur des différents instruments financiers qui sont détenus en portefeuille par les banques et les autres acteurs du marché. » Les estimations du FMI ne « reflètent en aucune manière une éventuelle baisse de la qualité des prêts qu’elles détiennent. Ce sont des pertes qui restent encore à venir » estime le plus grand spéculateur de la planète, comme nous l’avons montré dans le paragraphe précédent. Il considère que la crise va durer plus longtemps que ne le prévoient les autorités. « Ils affirment qu’il y aura une reprise dans la seconde moitié de l’année », remarque-t-il, avant de conclure « je ne peux pas le croire ».[9] Or, George Soros a bâti toute sa fortune et sa réputation sur sa capacité exceptionnelle et inégalée (son intuition incomparable) à anticiper les évènements politiques et macroéconomiques.

Frédéric Lordon, directeur de recherche au CNRS n’est pas dupe des derniers résultats mirobolants des banques comme Goldman Sachs qui a réalisé 3,44 milliards de bénéfices pour le 2ème trimestre 2009 : « L’amélioration des résultats des banques qui suscite cette vaguelette d’euphorie, doit surtout à l’effet combiné des plans de sauvetage et à la détente subreptice des normes comptables, qui permet de minimiser l’affichage des pertes sur actifs toxiques » explique cet économiste. « Malheureusement, poursuit-il le facteur même de la crise, à savoir l’accumulation dans les bilans bancaires des mauvaises dettes, est non seulement toujours bien là, mais voué à s’intensifier ». Il avertit : « on va voir débouler, sous peu, toute une série de « paquets » de dettes avariées, dont les défauts n’ont pas encore explosé, mais c’est pour bientôt ». L’économiste français donne même une date : « le gros des défauts devrait se manifester à partir de 2010-2011[10] ».

L’analyse la plus inquiétante sur la crise reste malgré tout celle de Mike Whitney, économiste canadien du « Centre for Research on Globalisation » qui se veut très alarmiste sur la crise du crédit hypothécaire (subprimes) aux Etats-Unis : « En raison de la levée du moratoire sur les saisies à la fin mars, la tendance à la baisse dans l’immobilier gagne en vitesse. Le moratoire a été mis en vigueur en janvier pour donner une chance de réussite au programme d’anti-éviction d’Obama, un programme qui est une combinaison de modifications et de refinancement hypothécaire. L’objectif de ce plan consistait à venir rapidement en aide à près de 9 millions de propriétaires qui luttent pour garder leurs maisons, mais il est dorénavant clair que le programme va se pulvériser de même que son objectif. « En mars, l’accélération du mouvement à la baisse des prix de l’immobilier indiquait qu’il y aurait de plus importants ajustements à venir. Maintenant que le moratoire sur l’éviction a pris fin, les avis de défaut de paiement ont grimpé à leurs plus hauts niveaux historiques. Dans 4 à 5 mois, ces avis vont devenir des saisies créant une autre série de saisies. Les analystes du marché prédisent qu’il y aura 5 millions de nouvelles saisies entre aujourd’hui (avril 2009) et 2011. Il s’agit d’une catastrophe… La sidérante augmentation du chômage et la hausse des saisies rendent certain que des centaines de banques et d’institutions financières vont être contraintes à la faillite. Pire encore, seulement 30 % des maisons saisies ont été remises en vente ?

« 600 000 MAISONS DISPARUES ? » extrait du quotidien San Francisco Gate expliquant le mystère : « Les bailleurs de fonds du pays sont assis sur des centaines de milliers de maisons saisies qu’ils ne sont pas revendus ni même mises en vente, selon de nombreuses sources statistiques (…) Nous croyons qu’il y a environ dans tout le pays 600 000 propriétés que les banques ont reprises, mais qu’elles n’ont pas remis en vente sur le marché », a déclaré Rick Sharga, vice-président de RealtyTrac, qui compile les statistiques sur les saisies au niveau national. Il pourrait être catastrophique si les banques devaient soudainement inonder le marché de ces propriétés en difficulté. Vous auriez alors plus de dépréciation et de carnage. » « Dans une récente étude, RealtyTrac comparait sa base de données de maisons reprises par les banques avec les annonces de maisons mises en vente dans quatre États, dont la Californie. Il a été constaté un écart important : seulement 30 pour cent des saisies ont été inscrites à la vente dans le « Multiple Listing Service (MLS) ». « Si les vérificateurs étaient déployés dans les banques qui gardent hors du marché des maisons saisies, ils découvriraient probablement que les banques sont en fait en train de refinancer le service des hypothèques sur une base mensuelle afin de dissimuler l’ampleur de leurs pertes. Ils découvriraient également que les banques s’efforcent de maintenir les prix de l’immobilier artificiellement élevés afin d’éviter d’essuyer d’énormes pertes qui pourraient les ruiner. Une chose est certaine, 600 000 maisons « disparues » signifient que le prix de l’immobilier est loin d’avoir fini de chuter et qu’un pan plus large du système bancaire est en eaux troubles.

« JP Morgan Chase, Wells Fargo et Fannie Mae ont intensifié leur activité de saisies au cours des dernières semaines. Les défauts de paiement ont grimpé en flèche présageant toujours plus de réduction des prix dans un avenir prévisible. Selon le Wall Street Journal: « Ronald Temple, co-directeur de recherche au Lazard Asset Management, prévoit des baisses de prix dans l’immobilier de 22% à 27% par rapport à leurs niveaux de janvier. Plus de 2,1 millions de maisons seront perdues cette année parce que les emprunteurs ne peuvent pas payer leurs mensualités. Ce nombre s’ajoutera aux quelque 1,7 millions de 2008. ». Un autre 20 pour cent de réduction sera retranché de la valeur des maisons aux États-Unis signifiant ici un autre 4 trillions de dollars de perte pour l’ensemble des propriétaires de maison. Cela signifie toujours moins d’épargne pour la retraite, moins de dépenses et une diminution du niveau de vie. La prochaine étape dans le secteur immobilier sera atroce, tous les secteurs en seront affectés. Le plan de sauvetage hypothécaire de 75 milliards de dollars d’Obama n’est qu’une maigre pitance, il ne réduit pas le montant d’emprunt des prêts hypothécaires et il ne stoppera pas la saignée. Les dirigeants politiques ont décidé qu’ils en avaient fait assez, et ils se refusent à les aider. Ils ne voient pas le tsunami qui surgit de manière évidente devant eux. Le marché immobilier va plonger vers des niveaux incommensurables et il va entraîner toute une bonne partie de l’économie et surtout les marchés financiers[11] ».

Les seuls qui voient une lueur d’espoir à l’horizon 2009-2010 sont : Jean-Claude Trichet, président de la Banque centrale européenne, qui voit « la reprise dans le courant de l’année 2010 » (il parlait de début puis de fin 2009 quelques mois auparavant), mais aussi Joaquin Almunia, le commissaire européen aux affaires économiques et monétaires qui souligne : « Nous ne sommes plus en chute libre (…) Pour la première fois depuis la mi-2007, des signaux positifs sont apparus au cours des dernières semaines, qui tendent à montrer que l’économie se stabiliserait au second semestre, avant de connaître une reprise progressive en 2010 »[12]

CONCLUSION

Un séisme financier détruisant toute l’économie mondiale, est-ce prémonitoire ? En organisant à l’Aquila (dévastée le 6 avril 2009 par un tremblement de terre d’une grande ampleur) une réunion du G8 du 8 au 10 juillet 2009, le président Berlusconi, adepte de la provocation, serait-il devenu visionnaire ? Depuis deux ans les prévisions même les plus pessimistes sont largement dépassées par la réalité des faits et on peut imaginer en tenant compte des derniers indicateurs, qui constituent un véritable scénario de descente aux enfers, que la baisse va se poursuivre de façon exponentielle (cette prévision peut parfaitement s’analyser sous forme d’équation) et nous conduire à aborder 2010 avec des chiffres beaucoup plus sombres que ceux que l’on envisageait jusqu’alors, une tendance qui pourrait se poursuivre et encore s’accélérer en 2011 et après car le ressort de notre économie globalisée est bel et bien cassé !!!

Pour le journaliste François Leclerc[13] : « Lorsque vient, toutes ces lectures épuisées, le moment difficile de la synthèse, il est après réflexion possible de se poser une question centrale. Le puits que cherchent à combler les gouvernements des pays occidentaux, ainsi que les banques centrales, n’est-il pas tout simplement trop profond pour être comblé ? La politique qui a suivi a-t-elle, dans ces conditions, une chance d’aboutir ? Le système financier, dans son ensemble, n’est-il pas en réalité « too big to save » (trop gros pour être sauvé ?) N’est-ce pas cette vérité toute simple, mais pas exagérément confortable, qu’il va falloir un jour se résoudre à affronter, afin de sortir du déni ? »

Ceux qui pensent que l’on parle trop de la crise, de catastrophes à venir et que l’on ne cherche pas à connaître les tenants et les aboutissants de cette crise ont raison. Effectivement, les deux questions primordiales que l’on devrait se poser sont : Pourquoi en sommes-nous arrivés là et quelles sont les solutions ?

Le passé aurait du nous servir d’exemple. Malheureusement, on a oublié les leçons qu’il nous a données. Au feu l’excellent rapport d’Olivier Davanne du conseil d’analyse économique (CAE)[14] sur « L’instabilité du système financier international » publié au 4ème trimestre 1998 : « Le rapport d’Olivier Davanne décrit tout d’abord les enchaînements économiques et financiers à l’origine de la crise financière internationale qui a débuté à l’été 1997 et insiste notamment sur les graves insuffisances observées en matière de supervision bancaire que de gestion des taux de change (…) Le rapport insiste aussi sur l’instabilité des grands marchés d’actifs (actions, obligations, change) dans les pays industrialisés. Plus que dans les pays émergents, c’est peut-être là selon lui que se préparent les crises financières futures, si rien n’est fait pour tenter d’améliorer les méthodes de valorisation utilisées par les investisseurs. Dans leurs commentaires (en fin d’ouvrage) Michel Aglietta, Patrick Artus et Christian de Boissieu partagent globalement l’opinion de l’auteur du rapport sur les dangers d’un système de change trop rigide et sur la nécessité d’une évolution du mode de gestion des parités. Ils discutent par ailleurs les notions de « prêteur et recapitaliseur en dernier ressort international » le rôle respectif du FMI et de la BRI en matière de supervision bancaire et la faisabilité d’une taxe Tobin[15] ».

Aux oubliettes tous les autres rapports qui nous ont mis en garde il y a vingt ans, dix ans, cinq ans sur le risque de dévoiement de l’économie financière. On ne fait que redire, reprendre les mêmes recettes sur ce qu’il fallait ou ne pas faire, mais qui n’ont jamais été suivies des faits. On a depuis des années et tout particulièrement depuis deux ans organisé des réunions de chefs d’État, pris des tas de décisions concernant la régulation des marchés de capitaux mais on en est resté au niveau des intentions, c’est tout… Rien n’a été fait car le naturel revient toujours au galop et on remet au lendemain etc. etc. Les hommes sont comme cela surtout lorsqu’il y a de gros intérêts en jeu et que l’on sent fortement l’odeur de l’argent. Ils oublient tout ce qui ne va pas dans le sens du profit et de leur intérêt et ils tueraient père et mère en se transformant en Attila fléau de la finance pour atteindre leur but !

Les solutions on les connaît, elles sont simples à développer et à mettre en place : chercher l’argent où il est, être solidaire entre riches et pauvres, patrons et chômeurs sans pour autant revenir au totalitarisme d’État… Mais ce n’est pas possible car il y a toujours conflit d’intérêt entre l’intérêt général et l’intérêt particulier, celui de l’État, des entreprises et des citoyens. Nous sommes bien loin des remèdes envisageables. Une autre piste elle aussi évidente est de relancer la demande et non pas uniquement l’investissement (sinon on sera encore en crise dans dix ou vingt ans) ; il faudra bien un jour comprendre que ceux qui doivent être aidés ce sont ceux qui produisent du réel et non du vent du virtuel, c’est-à-dire l’économie productive et tout particulièrement ceux qui créent de l’emploi : les entreprises de moins de 50 salariés (les aider ne coûterait pas très cher vu l’argent que l’on jette par les fenêtres !). Nous reviendrons un jour au commerce local et à l’artisanat – les grandes surfaces ont compris que l’ère de la grande surface était révolue et qu’avant dix ans elles n’existeront plus que sous forme de petites structures de proximité –  c’est pourquoi elles commencent à investir de plus en plus (Simply market, petits Casino, etc.)

Certains hommes politiques, économistes, managers, banquiers et même des intellectuels réclament la confiance et demandent que l’on cesse de se lamenter, de se plaindre systématiquement et en toute occasion, de faire preuve de catastrophisme en se complaisant dans un pessimisme exacerbé et de mauvais aloi. Malheureusement, la crise continuant à s’accentuer sans qu’on puisse ou qu’on veuille vraiment l’endiguer, et la langue de bois étant devenue le langage de l’État, il ne nous reste plus que cette posture. En effet, rien ne bouge ou si peu des deux côtés de l’Atlantique. Même Obama fait l’objet ces derniers mois d’une récupération par les lobbies industriels et les milieux financiers, et sa politique de relance est en train de se diluer dans le marasme économique ambiant et plus grave dans celui de l’âme (chateaubriand) signe d’une fin de cycle de vie. Ce que confirme Robert Reich, l’ancien secrétaire au travail de Bill Clinton, qui juge que le poids des lobbies est sans doute trop puissant pour que Barack Obama puisse vraiment agir et résister à la pression de l’oligarchie financière. Les réunions consensuelles sur la crise organisées en juin 2009 par l’ONU, n’y changeront rien car toutes les mesures adoptées sentent le « réchauffé » et ne dépassent pas le stade des intentions. L’ONU qui se montre bien incapable de résoudre déjà de simples conflits, des « troubles de voisinage » ou plus grave le problème de la faim et de l’eau les régions les plus déshéritées du globe.

Nous sommes donc contraints, les uns et les autres connus ou non, universitaires, simples enseignants ou citoyens à agiter la « muleta », le foulard rouge pour obliger nos dirigeants à réagir. Cela nous conduit à parler de crise systémique grave et de fin du monde (du moins du monde libéral) pour inciter les grands de ce monde à être plus réalistes et efficaces dans leurs actions plutôt que de se préoccuper du décolleté des secrétaires lors des sommets. Faudra-t-il attendre l’effondrement de notre système économique et de notre société pour qu’enfin on fasse face à cette crise qui s’amplifie ?

Depuis ces analyses et avertissements alarmistes, entre six mois et un an se sont écoulés. Les pays les plus riches et les pays émergents ont organisé des G8, G14 et G20 et des tas de réunions de concertation et de coordination sans résultats ou si peu. L’effet domino de l’endettement est en train de creuser notre tombe et personne ne bouge. La responsabilité des dirigeants et gouvernants de notre planète et tout spécialement ceux du Monde occidental, parmi lesquels les Etats-Unis et l’UE, est immense face à l’histoire et à toutes les graves conséquences qui vont en découler : la famine, la misère, la guerre et la désintégration de notre société et de notre civilisation…

QU’ILS EN SOIENT BIEN CONSCIENTS ET SURTOUT BIEN AVERTIS !!!


 

 



[1] Organisation mondiale du commerce

[2] Observatoire français des conjonctures économiques

[3] Université populaire du lundi 15 juin 2009, mairie du 4è arrondissement de Paris : http://www.desirsdavenir.org/node/26580

[4] Jean-Paul Fitoussi est un économiste français très pragmatique et non dogmatique, professeur des Universités à l’Institut d’études politiques de Paris. Il travaille sur les théories de l’inflation, du chômage, des économies ouvertes, et sur le rôle des politiques macroéconomiques. Il est critique au sujet de la rigidité budgétaire et monétaire, au motif qu’elle aurait un effet négatif sur la croissance et l’emploi. Ses travaux récents portent sur les rapports entre la démocratie et le développement économique. Il est également président du conseil scientifique de l’IEP de Paris depuis 1997 et membre du Conseil d’analyse économique auprès du Premier ministre. Par ailleurs, il est aussi conseiller économique de plusieurs sociétés et gouvernements. Tout dernièrement, il a été nommé Coordonnateur de la Commission internationale sur la Mesure de la Performance Économique et du Progrès Social qui comprend entre autres le prix Nobel d’économie 2001, l’économiste américain Joseph Eugène Stiglitz. (inspiré de Wikipédia)

[5] extrait de Capital, août 2009, propos recueillis par Frédéric Béghin.

[6] Paul Jorion, anthropologue et sociologuede formation, est, spécialisé dans les sciences cognitives et l’économie. Il a enseigné dans les universités de Bruxelles, Cambridge, Paris VIII et l’université de Californie à Irvine. Il a également été fonctionnaire des Nations Unies (FAO), participant à des projets de développement en Afrique. Ce spécialiste de la formation des prix a longtemps travaillé aux Etats-Unis dans la finance.  En 1981, alors qu’il enseigne à Cambridge, il met au point le P-graphe (un type particulier de dual d’un graphe) qui sera utilisé dans l’analyse des réseaux et plus spécialement des généalogies (extrait inspiré de Wikipédia).

[7] Alexandre Kateb, Agora Vox,  11 mars 2009

[8] Dans un article intitulé « Fleurs vénéneuses » publié sur son site et sur L’Express du 28 septembre 2006, Jacques Attali croit aussi au big bang sur les marchés financiers : « Un jour, les taux d’intérêt refléteront la réalité des risques. Et le système financier occidental pourrait s’effondrer. La mésaventure qui vient d’arriver à l’un des plus célèbres fonds d’investissement spéculatifs américains est révélatrice de la folie de notre monde. Ce fonds au nom de fleur, Amaranth, créé en 2004, est devenu célèbre parmi ses pairs pour avoir gagné 1 milliard de dollars en quelques semaines, au début de 2006, en misant, contre tous, sur une pénurie de gaz naturel. Fort de ce succès, Amaranth paria de plus en plus d’argent sur une poursuite de la hausse du prix du gaz avec de bonnes raisons : les météorologistes annonçaient à la fois des ouragans (bloquant l’exploitation des gisements du golfe du Mexique) et un hiver très froid. Mal lui en prit : l’instabilité climatique et un renversement brutal des cours des matières premières conduisirent Amaranth à perdre, à la fin du mois d’août, 6 milliards de dollars, soit plus de la moitié des fonds confiés par ses actionnaires, pour la plupart des compagnies d’assurances américaines.Il y a beaucoup de choses derrière cette histoire : les compagnies d’assurances, principaux épargnants du monde, ont besoin, pour financer les services dus à leurs cotisants, en particulier les soins et les retraites, de revenus beaucoup plus élevés que ceux que peuvent leur fournir les bons du Trésor et les obligations des sociétés de premier rang. Aussi confient-elles leur argent à des fonds spéculatifs, qui l’investissent dans des instruments financiers de plus en plus risqués, obligations d’entreprises en mauvaise situation ou cours de matières premières imprévisibles. Comme l’argent reste abondant et donc bon marché, ces fonds doivent, pour fournir une rentabilité, prendre des risques de plus en plus grands, impossibles même à mesurer, pariant jusqu’à 50 fois leur mise, ou parfois sans aucune mise. Aujourd’hui, plus de 1 300 milliards de dollars sont ainsi gérés par de tels fonds spéculatifs, qui risquent plus de 1 000 milliards de dollars chaque jour. Aussi, quand les paris sont perdus, la perte est immense. Et elle le sera de plus en plus.

Ainsi va notre monde, où l’on s’inquiète si peu de l’avenir, pourtant si menaçant, que l’on ne rémunère pas décemment ceux qui prennent le risque de le préparer en créant de vraies richesses, préférant aventurer l’épargne des salariés dans des spéculations de casino. Cela, naturellement, ne peut que mal finir. Un jour, les taux d’intérêt refléteront la réalité des risques et tout le système financier occidental, et d’abord américain, pourrait s’effondrer. Personne ne pourra dire qu’il n’a pas été prévenu ([email protected]).

[9] Ces paragraphes sur Soros et l’endettement des banques se sont inspirés de l’article de Patricia Kuo et Bei Hu, du Bloomberg, 10 avril 2008, traduit par Contre Info.

[10] 20minutes.fr

[11] Article original en anglais publié le 21 avril 2009 sur : http://www.globalresearch.ca/

[12] 20 minutes.fr

[13] Les déclarations de Wolfgang Münchau, Robert Reich, Simon Johnson, Willem Buiter et Ambrose Evans-Pritchard proviennent de l’article du journaliste François Leclerc : « Crise financière : le point de vue de 8 économistes », 14 juillet 2009, sur : www.pauljorion.com/blog/?p=3760.

[14] Créé par le Premier ministre Lionel Jospin en 1997.

[15] Extrait de la 4ème page de couverture du rapport du CAE rédigé par Olivier Davanne : « Instabilité du système financier international », La documentation française, 1998.